Réelle stratégie européenne pour les matières premières

2011/2056(INI)

OBJECTIF : présenter une vision stratégique intégrée tendant à surmonter les obstacles sur les marchés des produits de base et les difficultés concernant les matières premières.

CONTEXTE : les marchés des produits de base ont connu ces dernières années une volatilité de plus en plus forte et des fluctuations de prix sans précédent. Sur les marchés de l'énergie, des métaux et des minerais, de l'agriculture et des denrées alimentaires, les prix ont enregistré une forte hausse en 2007 pour atteindre un niveau record en 2008, avant de reculer nettement à compter du second semestre de 2008. Depuis l'été 2009, ils affichent à nouveau une tendance à la hausse. La fluctuation des prix sur les marchés des produits de base agricoles a des conséquences pour les agriculteurs, les professionnels de l’agroalimentaire et les consommateurs, y compris dans les pays les plus pauvres.

Les marchés découvrent en outre le poids grandissant de la finance: les investissements effectués par les investisseurs institutionnels sur les marchés des produits de base, qui atteignaient 13 milliards EUR en 2003, ont augmenté pour représenter entre 170 et 205 milliards EUR en 2008. Les investissements effectués par les opérateurs boursiers, en particulier, ont fortement augmenté.

Face à ces évolutions, la Commission européenne a pris un certain nombre d'initiatives: dès 2008, elle a souligné l'importance stratégique de définir des politiques appropriées pour les matières premières en lançant une initiative « Matières premières ». Depuis, elle a pris dans ce cadre des mesures touchant à l'accès durable aux matières premières à l'intérieur comme à l'extérieur de l'UE, ainsi qu'à l'utilisation efficace des ressources et au recyclage. Elle a également engagé une réflexion concernant le marché des produits de base en général et les prix des denrées et la sécurité de l'approvisionnement alimentaire en particulier. Pour remédier à la crise financière, elle a lancé une série de mesures visant à améliorer la régulation, l'intégrité et la transparence des marchés financiers et elle a présenté dernièrement une proposition concernant la régulation des marchés de l'énergie.

La présente communication dresse le bilan des résultats obtenus dans chacun de ces domaines et des mesures envisagées pour poursuivre les efforts entrepris. Ceux-ci s'inscrivent dans le cadre de la stratégie Europe 2020 qui est étroitement liée à l'initiative phare «Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources». Ces travaux viendront alimenter ceux du G20 qui a convenu, lors du sommet de Pittsburgh, d'améliorer la régulation, le fonctionnement et la transparence des marchés financiers et physiques de matières premières afin de remédier à la volatilité excessive des prix des matières premières. Cet engagement a été renforcé en novembre 2010 par le sommet du G20 organisé à Séoul.

CONTENU : la Commission européenne présente un aperçu des évolutions qui ont marqué les marchés financiers et physiques (énergie, agriculture, matières premières) et expose les mesures prises depuis le lancement de l’initiative sur les matières premières. Figurent parmi ces mesures :

  • l'identification des 14 matières premières essentielles au niveau de l’UE qui présentent un risque particulièrement élevé de pénurie d’approvisionnement dans les dix prochaines années et qui jouent un rôle particulièrement important dans la chaîne de valeur ; 
  • la mise en œuvre d’une stratégie commerciale de l’UE à l’égard des matières premières ;
  • des actions dans le domaine du développement en particulier dans le cadre du 10e FED ou de projets financés par le Fonds fiduciaire UE-Afrique pour les infrastructures, à l’aide de prêts de la BEI, en faveur de projets miniers, ou du septième programme-cadre de recherche et de développement, pour la réalisation d’études géologiques ;
  • l’élaboration de lignes directrices précisant les points à respecter pour que l'extraction des matières premières au sein de l'UE soit compatible avec les critères Natura 2000 ;
  • la création de nouvelles possibilités de recherche dans le cadre du 7e programme cadre de recherche et la mise au point de critères de « fin de la qualité de déchet».

Bien que des progrès considérables aient été réalisés dans la mise en œuvre de l'initiative «matières premières», des améliorations sont encore nécessaires. La Commission préconise une approche intégrée, fondée sur trois piliers:

1) Approvisionnement équitable et durable en matières premières sur les marchés mondiaux (premier pilier) : la Commission suivra les problèmes posés par les matières premières essentielles afin de définir des actions prioritaires. Elle actualisera régulièrement, au moins tous les trois ans, la liste des matières premières essentielles déjà identifiées.

L'UE conduira, dans le cadre de partenariats stratégiques et de dialogues sur les politiques à mener, une «diplomatie des matières premières», en vue de garantir l'accès à ces dernières, en particulier aux matières premières essentielles. La Commission propose, entre autres:

  • de renforcer le soutien financier et politique de l'Europe à l'initiative pour la transparence des industries extractives (EITI) et d'aider les pays en développement à la mettre en œuvre;
  • d'examiner comment accroître la transparence dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement ;
  • de promouvoir l'application des normes européennes par les entreprises de l'UE présentes dans les pays en développement ;
  • d'examiner, en coopération avec les autorités nationales et régionales africaines, comment promouvoir les infrastructures les mieux adaptées et de se pencher sur les questions de gouvernance connexes ;
  • d’aider les pays en développement à améliorer leurs connaissances géologiques, ce qui leur permettrait de mieux estimer leurs réserves nationales de minerais, de mieux planifier leur budget sur la base des recettes qu'ils peuvent escompter de ces réserves et leur conférerait un pouvoir de négociation accru à l'égard des sociétés minières.

La Commission entend également renforcer la stratégie commerciale relative aux matières premières dans le respect des objectifs de développement et de bonne gouvernance. Elle considère que l'UE devrait, entre autres:

  • poursuivre et développer les dialogues bilatéraux thématiques sur les matières premières et intensifier les discussions qui se déroulent actuellement dans les enceintes pluri- et multilatérales (y compris le G20, la CNUCED, l'OMC et l'OCDE);
  • intégrer davantage les questions relatives aux matières premières, telles que les restrictions à l'exportation et les aspects liés à l'investissement, dans les négociations commerciales de l'UE ; 
  • chercher à instaurer un mécanisme de suivi des restrictions à l'exportation qui entravent l'approvisionnement durable en matières premières.

2) Favoriser l'approvisionnement durable au sein de l'UE (deuxième pilier) : le développement des industries extractives est entravé par un cadre réglementaire pesant et par la concurrence d'autres utilisations des sols. Dans ce domaine, un grand nombre de questions réglementaires relèvent de la compétence des États membres. La Commission s'efforce donc principalement de faciliter l'échange de bonnes pratiques. Simultanément, la Commission considère les pratiques suivantes comme étant particulièrement importantes pour promouvoir les investissements dans les industries extractives:

  • définition d'une politique nationale concernant les minéraux visant à garantir que les ressources minérales sont exploitées d'une manière économiquement viable, harmonisée avec d'autres politiques nationales, fondée sur des principes de développement durable et incluant un engagement de mettre en place un cadre juridique et un dispositif d'information appropriés;
  • élaboration d'une politique d'aménagement du territoire concernant les minéraux ;
  • recensement et préservation des ressources minérales (en tenant compte d'autres utilisations des sols), et notamment leur protection contre les effets des catastrophes naturelles;
  • mise en place d'un processus régissant l'autorisation de l'exploration et de l'extraction minières qui soit clair et compréhensible ;
  • renforcement des synergies entre les instituts nationaux d'études géologiques.

3) Dynamiser l'efficacité des ressources et promouvoir le recyclage (troisième pilier) : pour promouvoir une Europe plus efficace dans l'utilisation des ressources, il est essentiel de renforcer les mesures contre les obstacles qui freinent le recyclage et d'améliorer la mise en œuvre et l'application de la législation existante de l'UE dans le domaine des déchets. La Commission propose notamment :

  • de revoir la stratégie thématique pour la prévention et le recyclage des déchets en 2012 en vue de mettre au point des bonnes pratiques en matière de collecte et de traitement des flux de déchets essentiels, notamment ceux qui comportent des matières premières préjudiciables pour l'environnement ;
  • d'élaborer de nouvelles initiatives visant à améliorer la compétitivité des industries du recyclage dans l'UE, notamment en instaurant de nouveaux instruments de marché qui favoriseront le développement des matières premières secondaires ;
  • d'envisager de mobiliser des fonds du 7e PC pour la recherche en vue d'améliorer les techniques de détection, d'identification, de traçage et de localisation des transferts illicites;
  • d'examiner la faisabilité de la mise en œuvre d'un système mondial de certification des installations de recyclage pour l'exportation des flux de déchets.

4) La régulation des marchés financiers : la réglementation des marchés financiers est un élément essentiel pour faire face à ces évolutions. Les initiatives réglementaires déjà prises ou prévues au cours des prochains mois entendent renforcer l’intégrité, la transparence et la stabilité des marchés des instruments dérivés sur matières premières. La révision de la directive 2003/6/CE sur les abus de marché, au printemps 2011, aura pour objectif de définir clairement dans quels cas les négociations menées sur les marchés constituent des abus et de garantir que tous les marchés et transactions susceptibles de faire l’objet de pratiques abusives sont régis par des règles paneuropéennes;

Dans sa communication, la Commission européenne observe également que d'autres recherches s'imposent pour comprendre parfaitement l’interaction entre les marchés physiques et les marchés financiers. La Commission a l'intention de poursuivre ses travaux en la matière, dans le cadre du forum du G20 à l’échelon mondial.