Avenir de l’appui budgétaire de l’UE en faveur des pays en développement

2010/2300(INI)

En adoptant le rapport d’initiative de Charles GOERENS (ALDE, LU) sur l'avenir de l'appui budgétaire de l'UE en faveur des pays en développement, la commission du développement salue l'initiative de la Commission définie à travers le livre vert sur l'appui budgétaire (AB), qui vise à promouvoir le développement endogène des pays partenaires et demande que les multiples dérapages et le gaspillage qui ont été constatés au cours de ces dernières années en matière d'AB aux dépens des contribuables européens et qui n'ont pour la plupart pas été sanctionnés, soient portés à la connaissance de tous et fassent également à l'avenir l'objet d'une évaluation indépendante et de sanctions appropriées (comme une réduction proportionnelle lors de l'attribution des futures tranches).

Ils soulignent que l'appui budgétaire ne doit pas être utilisé afin de servir les intérêts économiques et stratégiques particuliers de l'UE mais afin d'atteindre les objectifs des pays en développement en matière de développement et d'aider ceux-ci à les réaliser, en particulier dans le domaine de l'éradication de la pauvreté et de la faim.

Risques et révision de l’appui budgétaire européen : les députés rappellent le rôle innovant joué par l'Union européenne dans le domaine de l'AB ainsi que la valeur ajoutée apportée par la Commission grâce à son expertise en la matière. Ils font observer que l'appui budgétaire peut renforcer non seulement l'obligation des gouvernements à rendre des comptes, mais également la coordination entre bailleurs de fond grâce à un dialogue exigeant en matière de questions budgétaires. Dans ce contexte, les députés invitent la Commission à faire de l'appui budgétaire sa principale modalité d'aide et à encourager la fixation d'un objectif commun de l'Union en matière d'appui budgétaire.

Toutefois, l'approche dynamique adoptée par la Commission ainsi que par la majorité des prestataires d'AB, comporte une série de risques qui doivent être dûment pris en compte. Une évaluation au niveau national en ce qui concerne les risques et les bénéfices éventuels de l'appui budgétaire dans les pays partenaires s’avère nécessaire pour remédier aux problèmes mis en lumière. Il s’agit en particulier de renforcer tant les mécanismes de contrôle de la Commission que le contrôle parlementaire ainsi que l'information de la société civile dans les pays bénéficiaires d'AB. La mise en place d'un contrôle optimal des finances publiques des pays bénéficiaires doit constituer une condition préalable à tout déboursement de fonds.

Fixation d’indicateurs clés : les députés rappellent que des indicateurs précis, dûment étayés et contrôlés minutieusement sont indispensables pour mettre en lumière les effets concrets de l'appui budgétaire dans les pays tiers. Les autorités budgétaires concernées devraient être tenues informées à intervalles réguliers des indicateurs et des orientations qui sous-tendent les processus décisionnels relatifs à l'appui budgétaire. Ces indicateurs devraient être mieux adaptés aux besoins précis des pays partenaires afin d'éviter l'approche "taille unique pour tous" retenue par la Commission, laquelle est potentiellement contre productive.

Un contrôle démocratique accru : les députés demandent que l'appui budgétaire soit assujetti à l'existence d'un contrôle démocratique des budgets par les parlements dans les pays bénéficiaires. Ils invitent à une large participation des parlements et à la consultation de la société civile des pays partenaires afin de garantir que les décisions concernant l'utilisation des fonds de l'appui budgétaire puissent être prises de façon démocratique. Ils demandent également à la Commission de vérifier, avant de décider d'octroyer un appui budgétaire, que les objectifs de l'intervention font partie des programmes nationaux du pays bénéficiaire et que les principes de coordination, de complémentarité et de cohérence en lien avec d'autres donateurs sont respectés, ainsi que le caractère additionnel par rapport aux ressources allouées par le pays bénéficiaire. Les députés exigent par ailleurs que les parlements nationaux adoptent les documents de stratégie par pays et le budget pluriannuel après avoir consulté la société civile afin de renforcer le contrôle parlementaire. Ils demandent par ailleurs la mise au point de systèmes d'évaluation indépendants au niveau de l'Union et d'une procédure de plainte destinée à ceux qui ont été lésés par l'aide de l'Union.

Objectifs généraux de l’AB: les députés demandent à la Commission de fournir un bilan global chiffré de l’aide budgétaire générale et sectorielle accordée à la gouvernance locale, et d'étudier l'opportunité et les risques associés à la décentralisation d'une partie de l’appui budgétaire pour une réelle appropriation par les acteurs de la gouvernance locale. Ils invitent l'Union européenne à respecter et à promouvoir une véritable appropriation par les pays en développement de leur stratégie de développement. Ils estiment que l'appui budgétaire doit accorder la priorité aux secteurs gouvernementaux dont l'incidence est majeure en matière de réduction de la pauvreté, à savoir essentiellement les ministères de la santé et de l'éducation.

Les députés estiment par ailleurs que l’AB doit :

  • intégrer une perspective de genres ;
  • favoriser l'appui aux projets locaux sur la réduction de la pauvreté, la croissance inclusive et un développement durable dans les pays partenaires;
  • être considéré comme un instrument transitoire et ne doit pas gêner les efforts tendant à renforcer les capacités des pays à se financer par leurs propres ressources, notamment les impôts, afin de ne plus dépendre des dons de pays tiers.

Prévisibilité de l’appui budgétaire : les députés appellent parallèlement les donateurs à renforcer la coordination et la prévisibilité de l'appui budgétaire, et insistent sur le fait que les donateurs doivent être préparés à prendre un engagement à long terme vis à-vis des pays partenaires. Ils s'inquiètent des effets de déstabilisation macro-économique et de l'impact sur la population la plus vulnérable qu'une rupture brutale de l'AB pourrait entraîner. Ils proposent dès lors la mise en place, dans le cadre d'une action concertée des bailleurs de fonds et après consultation de la société civile et du parlement du pays partenaire, d'un mécanisme de progressivité dans la diminution des décaissements de l'AB qui pourrait atténuer ces impacts, favoriser le dialogue politique et permettre de trouver des solutions concertées face aux difficultés rencontrées. Les députés estiment en outre que la prévisibilité des flux d'aide est l'un des éléments les plus importants pour garantir la qualité des dépenses dans la mesure où elle permet aux pays partenaires de planifier leurs dépenses à longue échéance et de financer des actions d'amélioration des politiques sectorielles.

Lutter contre la corruption : les députés demandent à la Commission de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la corruption dans les pays bénéficiaires, notamment la suspension des versements si nécessaire. Dans ce contexte, ils invitent la Commission à entretenir un dialogue étroit et régulier avec les gouvernements partenaires sur les questions de corruption et à accorder une attention suffisante aux besoins en matière de renforcement des capacités de tel ou tel pays bénéficiaire afin d'affermir les mécanismes de responsabilisation et de lutte contre la corruption.

Contrôle et coordination : les députés demandent à la Commission de passer du contrôle des entrées au contrôle des résultats par rapport à des indicateurs en améliorant son système d'établissement des rapports de façon à ce que ceux-ci soient axés sur l'efficacité des programmes. Ils demandent notamment à la Commission et aux États membres d’établir un registre public qui donnerait en toute transparence la liste des accords d'appui budgétaire, des procédures et des indicateurs de développement, en vue de renforcer les institutions démocratiques et de garantir une responsabilité mutuelle. Le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) devrait également être mobilisé en vue de renforcer la coordination avec la Commission en ce qui concerne l'AB afin d'éviter des recoupements et des incohérences. Les États membres, la Commission et le SEAE devraient en outre améliorer la coordination de l'AB aux pays tiers afin d'éviter tout chevauchement, toute incohérence ou contradiction ou d'y remédier.

Actes délégués : l'appui budgétaire étant devenu un élément de décision stratégique important pour les relations de l'Union avec les pays partenaires, les députés estiment enfin que l'article 290 du TFUE (actes délégués) doit s'appliquer à la définition des critères d'éligibilité applicables à cette modalité d'aide, en conférant au Conseil et au Parlement, en tant que colégislateurs, de pleins pouvoirs de codécision pour son adoption, avec, le cas échéant, le droit de révoquer l'acte délégué.