AVIS de la Banque centrale européenne sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la vente à découvert et certains aspects des contrats d’échange sur risque de crédit.
La BCE se félicite du principal objectif du règlement proposé, à savoir la mise en place, dans l’Union, d’un cadre réglementaire destiné à garantir les ventes à découvert et les pratiques équivalentes reposant sur l’utilisation de contrats d’échange sur risque de crédit (credit default swaps ou «CDS»).
La BCE accueille favorablement: a) le régime de transparence de la vente à découvert d’actions, suivant le modèle à deux niveaux initialement recommandé par le Comité européen des régulateurs de marchés de valeurs mobilières, ainsi que b) la déclaration obligatoire aux autorités compétentes des positions courtes nettes importantes concernant des émetteurs de dette souveraine de l’Union ou de positions non couvertes équivalentes sur des contrats d’échange sur risque de crédit.
La BCE approuve les obligations destinées à faire face au risque de défaut de règlement résultant des ventes à découvert non couvertes, aux termes desquelles les personnes physiques ou morales ne devraient pas être autorisées à conclure des vente à découvert sans avoir emprunté l’action ou l’instrument de dette souveraine, ou sans avoir conclu un accord leur permettant d’emprunter l’action ou l’instrument de dette souveraine, ou sans être en mesure d’effectuer l’emprunt, au moment du règlement, sur la base de dispositions fermes.
En outre, la BCE accueille favorablement les propositions en vertu desquelles: a) les autorités compétentes bénéficieront de pouvoirs harmonisés pour imposer des restrictions temporaires aux opérations de vente à découvert et aux opérations de CDS dans des situations exceptionnelles, sous la coordination de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et b) des pouvoirs d’intervention spécifiques seront conférés à l’AEMF elle-même lorsque le bon fonctionnement et l’intégrité du système financier de l’Union sont menacés.
La BCE formule les observations spécifiques suivantes :
Champ d’application : la BCE recommande que les instruments de dette souveraine visés par le règlement proposé soient définis comme ceux qui sont émis ou garantis par les entités appartenant au secteur public des États membres ou de l’Union, la définition du «secteur public» à retenir devant être celle déjà retenue par le droit dérivé de l’Union.
Certaines activités spécifiées de tenue de marché et de marché primaire sont exemptées des dispositions en matière de transparence et d’interventions réglementaires prévues par le règlement proposé. La BCE estime que cette exemption est justifiée. Par ailleurs, il convient d’éviter des abus éventuels de l’exemption pour les activités de teneur de marché en s’assurant, en particulier, que l’activité d’un teneur de marché pour son propre compte ne bénéficie pas de l’exemption. La BCE recommande que la Commission se voie déléguer le pouvoir d’adopter, sur la base d’une proposition soumise par l’AEMF, des normes techniques pertinentes permettant de tenir compte de ces considérations de manière adéquate.
Une autre exemption du cadre réglementaire prévu par le règlement proposé concerne les activités favorisant la stabilisation des prix d’une offre de valeurs mobilières, pendant une durée limitée, si celles-ci sont soumises à une pression à la vente. La BCE partage l’appréciation de la Commission selon laquelle les dispositifs de stabilisation sont, de même que les opérations de tenue de marché, des activités légitimes qui sont importantes pour le bon fonctionnement des marchés primaires.
La BCE accueille favorablement le fait que l’exemption concernant les mesures de stabilisation dans le contexte des dispositions en matière de vente à découvert, soit définie dans le règlement proposé, par référence à la définition utilisée dans la réglementation de l’Union en matière de prévention des abus de marché. Parallèlement, la BCE recommande que la Commission se voie déléguer le pouvoir d’adopter, sur la base d’une proposition soumise par l’AEMF, des normes techniques d’exécution garantissant une application uniforme de l’exemption concernant les mesures de stabilisation dans le cadre de la vente à découvert. Ces normes techniques complèteraient les normes techniques élaborées concernant l’exemption en faveur des mesures de stabilisation dans le cadre du régime des abus de marché.
Normes de déclaration et de publication : la BCE recommande que des précisions soient apportées sur la délégation législative accordée à la Commission, afin que les formats utilisés aux fins de déclaration et de publication permettent de consolider et d’évaluer en temps utile, au niveau de l’Union, les positions de ventes à découvert concernant certains émetteurs. Il est essentiel que les formats utilisés pour les déclarations soient cohérents, afin que l’AEMF et les autorités nationales compétentes, de même que le SEBC et le Comité européen du risque systémique (CERS) puissent réagir efficacement en cas de perturbations du marché.
En ce qui concerne la question spécifique des obligations de publication imposées aux entités utilisant la vente à découvert, la BCE est favorable, sur le principe, à la méthode de publication prévue par le règlement, tout en recommandant qu’elle s’appuie sur un mode de déclaration interactif, employant des formats de données standards, afin de permettre une consolidation efficace et un accès souple aux informations au niveau de l’Union, de manière intégrée. Par exemple, l’AEMF pourrait mettre à disposition toutes les informations publiées au moyen d’un accès centralisé aux mécanismes officiellement désignés.
Partage d’informations : la BCE formule les recommandations suivantes à cet égard :
1°) il convient que les modalités proposées pour le partage d’informations entre les autorités compétentes et l’AEMF soient plus efficaces, et permettent notamment à l’AEMF de solliciter un partage d’informations en temps réel lorsque cela est nécessaire pour l’accomplissement efficace des missions de l’AEMF. À plus long terme, l’AEMF devrait pouvoir accéder automatiquement à toutes les informations déclarées dans le cadre du règlement proposé. En conséquence, la BCE recommande que l’AEMF entreprenne des travaux en vue de l’instauration de mécanismes centralisés de collecte d’informations au niveau de l’Union, utilisant un numéro d’identification commun des entités déclarantes ainsi qu’une taxonomie minimale commune; ces mécanismes devraient permettre un accès souple et en temps réel aux informations à des fins politiques, tout en garantissant la confidentialité des données reçues ;
2°) le règlement proposé devrait prévoir expressément un partage d’informations entre l’AEMF et les banques centrales du SEBC, afin qu’il soit plus facile pour le SEBC d’assumer ses fonctions de collecte de données statistiques, de surveillance et d’évaluation de la stabilité financière ;
3°) le règlement proposé devrait prévoir un partage d’informations entre l’AEMF et le CERS, afin d’aider le CERS à procéder à la collecte d’informations aux fins de l’accomplissement de ses missions, à l’identification et au classement par ordre de priorité des risques systémiques qui peuvent résulter des évolutions au sein du système financier.
Pouvoirs d’intervention : le règlement proposé permet la consultation facultative du CERS par l’AEMF à propos des mesures imposées par l’AEMF dans des situations exceptionnelles, visant à remédier aux effets négatifs de la vente à découvert. La BCE recommande que l’AEMF ait également le droit de consulter le CERS lorsqu’elle est informée de mesures arrêtées par les autorités nationales compétentes. Des contraintes de délais appropriées pourraient être définies afin de garantir l’efficacité du processus consultatif du CERS.