Lutte contre et prévention de la traite des êtres humains et protection des victimes
OBJECTIF :abroger et remplacer la décision-cadre 2002/629/JAI sur la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène, ainsi que la protection des victimes.
ACTE LÉGISLATIF : Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil.
CONTENU : le Parlement européen et le Conseil ont adopté, à l’issue d’un accord obtenu en première lecture, une directive visant à refondre et remplacer la décision-cadre 2002/629/JAI relative à la lutte contre la traite des êtres humains. La nouvelle directive représente le 1er accord entre le Conseil et le Parlement dans le domaine du droit pénal matériel après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
Objet : la directive établit des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans le domaine de la traite des êtres humains. Elle introduit également des dispositions communes, en tenant compte des questions d’égalité entre hommes et femmes, afin de renforcer la prévention de cette infraction et la protection des victimes.
Infractions liées à la traite des êtres humains : conformément à la directive, sont passibles de sanctions les actes intentionnels suivants: recrutement, transport, transfert, hébergement ou accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité (ex. : la victime n’a pas d’autres choix que de se soumettre), ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre, à des fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, y compris la mendicité, l’esclavage, la servitude, l’exploitation d’activités criminelles, ou le prélèvement d’organes.
Lorsque les actes visés ci-avant concernent un enfant (moins de 18 ans), ils relèvent de la traite des êtres humains et, à ce titre, sont punissables, même si aucun moyen de coercition n’est utilisé.
Incitation, participation et complicité, et tentative : sont également punissables les actes destinés à inciter à commettre les infractions visées à la directive, d’y participer et de s’en rendre complice, ou de tenter de les commettre.
Sanctions : les sanctions prévues sont des peines maximales d’au moins 5 ans d’emprisonnement. Toutefois, dans les circonstances suivantes, les États membres devront prévoir des peines d’au moins 10 ans si l’infraction:
- a été commise à l’encontre d’une victime qui était particulièrement vulnérable (un enfant) ;
- a été commise dans le cadre d’une organisation criminelle au sens de la décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil relative à la lutte contre la criminalité organisée ;
- a délibérément ou par négligence grave mis la vie de la victime en danger; ou
- a été commise par recours à des violences graves.
Si l’infraction est commise par un agent de la fonction publique dans l’exercice de ses fonctions, cette circonstance sera considérée comme aggravante.
Responsabilité et sanctions des personnes morales : lorsque des personnes morales sont impliquées dans l'infraction, les sanctions devront inclure des amendes pénales ou non pénales et éventuellement d'autres sanctions, notamment des mesures d'exclusion du bénéfice de prestations ou d'une aide publics, des mesures d'interdiction temporaire ou définitive d'exercer une activité commerciale, un placement sous surveillance judiciaire ou la fermeture temporaire ou définitive d'établissements.
La responsabilité de la personne morale n’exclut pas les poursuites pénales contre les personnes physiques auteurs, instigatrices ou complices des infractions visées.
Saisie et confiscation : les États membres seront habilités à saisir et à confisquer les instruments et produits des infractions visées à la directive.
Absence de poursuites ou non-application de sanctions à l’encontre des victimes : des dispositions sont prévues pour veiller à ce que les autorités nationales aient le pouvoir de ne pas poursuivre les victimes de la traite des êtres humains et de ne pas leur infliger de sanctions pour avoir pris part à des activités criminelles auxquelles elles ont été contraintes de participer.
Enquêtes et poursuites : les enquêtes ou les poursuites concernant les infractions visées à la directive ne devront pas dépendre d’une plainte ou de l’accusation d’une victime. En outre, la procédure pénale devra se poursuivre même si la victime a retiré sa déclaration. Lorsque la nature des faits le demande, il est également prévu que les infractions donnent lieu à des poursuites pendant une période suffisamment longue après que la victime a atteint l’âge de la majorité.
Les personnes, unités ou services chargés des enquêtes ou des poursuites devront être dûment formés et pourront utiliser des outils d’investigation efficaces, tels que ceux qui sont utilisés dans les affaires de criminalité organisée ou d’autres formes graves de criminalité.
Compétence : chaque État membre devra mener des enquêtes ou engager des poursuites concernant les infractions commises, en tout ou en partie, sur son territoire ou commises par l'un de ses ressortissants, même en dehors de son territoire. Les États membres pourront choisir d'aller au-delà de cette règle de base en élargissant leur compétence à l'égard des infractions commises en dehors de leur territoire, par exemple lorsque l'infraction a été commise à l'encontre de l'un de leurs ressortissants ou d'une personne résidant habituellement sur leur territoire. Ils peuvent également le faire lorsque l'auteur de l'infraction réside habituellement sur leur territoire.
Assistance et aide aux victimes de la traite des êtres humains : les États membres devront faire en sorte qu’une assistance et une aide soient apportées aux victimes avant, pendant et durant une période suffisante après la clôture de la procédure pénale. L’octroi d’une telle assistance ne sera pas subordonné à la volonté de la victime de coopérer dans le cadre de l’enquête, des poursuites ou du procès pénaux. Les mesures d’assistance et d’aide seront apportées aux victimes après les en avoir informées et obtenu leur accord. Ces mesures peuvent comprendre des moyens leur permettant de subvenir à leurs besoins (hébergement sûr, assistance matérielle, soins médicaux, assistance psychologique, services de traduction, …). Des mesures additionnelles pourront également être prises si les victimes ont des besoins spécifiques (grossesse, handicap, troubles mentaux, formes graves de violences psychologiques ou sexuelles auxquelles elles auraient été exposées).
Protection des victimes de la traite des êtres humains dans le cadre des enquêtes et des procédures pénales : outre les mesures de protection prévues en faveur des victimes dans la décision-cadre 2001/220/JAI, les États membres devront veiller à ce que les victimes aient accès à des conseils et une représentation juridiques, y compris aux fins d’une demande d’indemnisation. Les conseils et représentations seront gratuits lorsque la victime est dépourvue de ressources financières suffisantes. Si nécessaire, les victimes pourront également bénéficier d’une protection adaptée sur la base d’une appréciation individuelle des risques (ex. : programmes de protection des témoins …). Des mesures sont également prévues pour faire en sorte que les victimes soient protégées lors des enquêtes et procédures pénales (ex. : en évitant toute répétition inutile des interrogatoires durant l’enquête, ou en évitant tout contact visuel entre les victimes et les défendeurs, …).
Dispositions propres aux enfants victimes : les enfants victimes de la traite des êtres humains bénéficient d’une assistance, d’une aide et d’une protection spécifiques en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant (ex. : s’il y a incertitude sur l’âge d’une personne, celle-ci sera présumée être un enfant et recevra toute l’aide et l’assistance nécessaires).
D’autres dispositions sont prévues :
- en ce qui concerne l’assistance aux enfants victimes : il est prévu de leur apporter une aide destinée à leur permettre de se rétablir sur un plan physique et psychosocial à long et à moyen terme (ex. : accès au système éducatif). Un tuteur ou un représentant légal devra être désigné dès qu’il existe un conflit d’intérêts entre l’enfant et l’autorité parentale. La famille de l’enfant victime pourra également, et si nécessaire, bénéficier d’une aide ;
- en ce qui concerne la protection des enfants dans le cadre des enquêtes et procédures pénales : les autorités compétentes devront désigner un représentant pour l’enfant victime lorsqu’il existe un conflit d’intérêts avec l’autorité parentale, et aux fins de sa représentation. L’enfant pourra bénéficier de la gratuité de sa représentation juridique y compris aux fins d’une demande d’indemnisation. D’autres mesures sont prévues pour que les enfants victimes bénéficient d'un certain nombre de mesures complémentaires, y compris en ce qui concerne les conditions de leurs auditions au cours des procédures. Les enfants devront par exemple être interrogés dans des locaux conçus ou adaptés à cet effet, par des professionnels formés ou avec l'aide de ceux-ci et, dans la mesure du possible, par les mêmes personnes lors de toutes les auditions nécessaires ;
- en ce qui concerne l’assistance, l’aide et la protection des mineurs non accompagnés : des actions spécifiques sont prévues pour les mineurs non accompagnés. Des mesures devront notamment être prévues pour trouver une solution durable pour eux (ex. : des mesures de retour ou de réintégration dans leur pays d’origine, d’intégration au sein de la société d’accueil, ou l’octroi d’un statut de protection international, …).
Indemnisation des victimes : les États membres devront scrupuleusement veiller à ce que les victimes de la traite des êtres humains aient accès aux régimes existants en matière d’indemnisation des victimes de la criminalité intentionnelle violente.
Prévention : parmi les mesures de prévention devant être prises par les États membres, il est prévu de:
- lancer des campagnes d'information et de sensibilisation visant à décourager et à réduire la demande qui favorise toutes les formes d'exploitation liées à la traite des êtres humains;
- intensifier les efforts de recherche sur ce sujet;
- favoriser la formation régulière des fonctionnaires susceptibles d'entrer en contact avec des victimes et victimes potentielles de la traite des êtres humains.
Seront également mobilisées les organisations pertinentes de la société civile et d’autres parties intéressées afin de sensibiliser l’opinion à ce problème et réduire le risque que des enfants, en particulier, ne deviennent victimes de la traite des êtres humains.
Rapporteurs nationaux ou mécanismes équivalents : les États membres devront mettre en place des rapporteurs nationaux ou des mécanismes équivalents chargés de déterminer les tendances en matière de traite des êtres humains et d’évaluer les actions engagées dans ce domaine, en étroite collaboration avec les ONG actives en matière de lutte contre ce phénomène, et établir des rapports.
Coordination de la stratégie de l’Union en matière de lutte contre la traite des êtres humains : dans le but de contribuer à une stratégie coordonnée et consolidée de l’Union en matière de lutte contre la traite des êtres humains, les États membres devront faciliter la tâche du coordinateur européen de la lutte contre la traite des êtres humains en lui communiquant par exemple les informations recueillies par les rapporteurs nationaux. Sur base des rapports délivrés par ces derniers, le coordinateur devra contribuer au compte rendu réalisé tous les 2 ans par la Commission sur les progrès effectués dans la lutte contre la traite des êtres humains au niveau européen.
Rapports : il est enfin prévu que la Commission présente au Parlement européen et au Conseil :
- pour le 6 avril 2015, un rapport évaluant dans quelle mesure les États membres ont pris les dispositions nécessaires pour se conformer à la présente directive ;
- pour le 6 avril 2016, un rapport évaluant l'incidence sur la prévention de la traite des êtres humains des législations nationales en vigueur qui rendent punissable le fait de recourir aux services faisant l'objet de l'exploitation liée à la traite des êtres humains ; ce rapport sera accompagné, le cas échéant, de propositions législatives appropriées.
ENTRÉE EN VIGUEUR : 15.04.2011. La directive remplace et abroge la décision-cadre 2002/629/JAI relative à la lutte contre la traite des êtres humains à compter de son entrée en vigueur dans les États membres concernés.
TRANSPOSITION : 06.04.2013.
APPLICATION : la directive s'applique à tous les États membres sauf au Danemark et au Royaume-Uni. Ce dernier pays pourra choisir ultérieurement de participer ou non ("opt-in") aux nouvelles règles.