Lutte contre l'abandon scolaire

2011/2088(INI)

La commission de la culture et de l'éducation a adopté le rapport d’initiative de Mary HONEYBALL (S&D, UK) sur la lutte contre l'abandon scolaire.

Les députés rappellent tout d’abord que les taux d'abandon scolaire varient selon les États membres, même si globalement, en 2009, le taux moyen d'abandon scolaire s'élevait à 14,4% dans l’UE. Ils rappellent également que l'un des cinq grands objectifs de la stratégie Europe 2020 était de ramener le taux d'abandon scolaire à moins de 10% et de faire passer à 40% au moins la part des jeunes générations qui obtiennent un diplôme de l'enseignement supérieur.

Ils dressent en outre un tableau de l'abandon scolaire avec ses principales caractéristiques qui peuvent se résumer comme suit :

  • les bases du futur parcours scolaire et bien-être éducatif d'un enfant sont posées dès le plus jeun âge ;
  • l'abandon scolaire est particulièrement prononcé dans les milieux pauvres et défavorisés et les enfants de familles de migrants ;
  • une moyenne de 20% des enfants roms ne sont scolarisés d'aucune manière et 30% d’entre eux sont en abandon scolaire particulièrement chez les garçons ; les filles sont confrontées à l’abandon scolaire dans les communautés roms traditionnelles où les mariages précoces sont très répandus ;
  • il existe une tendance marquée chez les enfants de personnes ayant quitté prématurément le système scolaire à faire de même;
  • l'abandon scolaire est source de difficultés d’apprentissage tout au long de la vie;
  • les redoublements et les renvois pénalisent le plus les élèves issus de milieux sociaux défavorisés selon les enquêtes PISA et de l’OCDE;
  • un changement d'école en raison de mauvais résultats scolaires, de problèmes comportementaux ou de difficultés spécifiques d'apprentissage a des conséquences négatives sur ses performances scolaires.

Nécessité d'une approche personnalisée : face à ces divers constats, les députés rappellent que l'égalité des chances et des choix dans l'enseignement et l'égalité d'accès à un enseignement de qualité pour les personnes de toutes origines sociales, ethniques ou religieuses sont essentielles dans la construction d'une société plus juste, plus égalitaire et solidaire. Ils soulignent également que l'apprentissage scolaire est l'un des meilleurs moyens de donner à chacun une chance égale de réussite. Dans ce contexte, ils appellent à une approche personnalisée et ouverte à tous en matière d'éducation, qui commence depuis l'éducation et l'accueil des jeunes enfants et comprenne un soutien ciblé pour les personnes exposées à l'abandon scolaire.

Cette approche devrait avoir les principales caractéristiques suivantes : i) prise en charge spécifique des enfants en difficulté d'apprentissage (dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, troubles de déficit d'attention et d'hyperactivité) ; ii) mise à disposition de conseillers, distincts du corps enseignant, afin que les étudiants connaissant des problèmes puissent en parler sous le sceau de la confidentialité; iii) création de mécanismes d'alerte précoce et de procédures de suivi pour les élèves en difficulté ; iv) assistance aux parents, compte tenu de l'influence qu'exerce l'environnement familial sur le parcours éducatif et social des élèves; v) amélioration de l'orientation professionnelle et des programmes de stage de qualité, ainsi que des visites et des échanges culturels et éducatifs, organisés par les écoles ; vi) meilleure prise en compte des élèves ayant un handicap sensoriel dans les écoles ordinaires; vii) mise en place de programmes de tutorat dans les écoles de manière à mettre les élèves en contact avec d'anciens élèves ; viii) limitation du redoublement par un soutien individuel flexible ; ix) renforcement de l’accès des élèves aux TIC.

Les députés soulignent en outre que les difficultés sociales et financières que connaissent les familles défavorisées peuvent contraindre les étudiants à quitter l'école prématurément. Des mesures s’imposent donc pour soutenir financièrement ceux qui en ont besoin ou éventuellement leurs parents. Ils suggèrent également la gratuité des repas à l'école, des livres scolaires et des équipements de sport, de manière à diminuer l'incidence des inégalités sociales.

Responsabilité partagée : les députés soulignent que les acteurs qui peuvent lutter contre l'abandon scolaire sont multiples : les acteurs éducatifs, les autorités publiques, les services de santé et les services sociaux locaux. Une approche "concertée" devrait dès lors permettre d'aider les personnes concernées à surmonter les multiples obstacles en matière d'éducation et d'emploi. Á cet effet, les députés soulignent l'importance des allocations d'études qui permettraient aux enfants des milieux défavorisés de bénéficier des mêmes possibilités que les autres.

Pour mieux circonscrire les effets de l’abandon scolaire, les députés suggèrent que l’on associe les jeunes, notamment ceux ayant quitté prématurément l'école, aux débats sur la conception et la mise en œuvre des politiques et des programmes en matière d'abandon scolaire. Il faut également rendre les parents responsables de l'éducation des enfants jusqu'à leur 18ème anniversaire, de sorte que l'obligation scolaire soit prolongée de 2 ans, jusqu'à 18 ans au lieu de 16 ans.

Les députés demandent encore une meilleure analyse et une cartographie de la situation de l’abandon scolaire dans l’UE afin de mieux concevoir et élaborer des politiques ciblées dans ce domaine. Parmi les mesures phares figurent : une meilleure formation des enseignants, une aide pédagogique complémentaire dans les écoles exposées à l’abandon scolaire, l'assistance sociale des parents, un environnement d'apprentissage stimulant et favorisant l'intégration de tous (notamment dans des classes plus petites) et des programmes de cours aménagés.

Diverses méthodes d'apprentissage : les députés invitent les États membres et les administrations régionales compétentes en matière d'éducation à reconnaître et à valider les connaissances acquises de manière non formelle et informelle. Ils soulignent notamment les avantages que présentent le sport, les activités culturelles, le bénévolat et la citoyenneté active en servant de cadre à l'éducation non formelle et à l'apprentissage tout au long de la vie. D’une manière générale, ils soulignent que les élèves doivent effectuer des parcours éducatifs variés, combinant formation générale et formation professionnelle, afin de donner à ces derniers les plus grandes chances d'accéder à un emploi de qualité. Les États membres sont également appelés à tenir compte des exigences du marché du travail et à prendre des mesures visant à accorder une plus grande importance aux qualifications professionnelles. Ils soulignent en outre que le principe d'"apprendre à apprendre" devrait être au cœur de tous les programmes scolaires.

Les députés soulignent en particulier que la maîtrise de la langue et du calcul sont rarement atteints par tous les élèves, ce qui contribue à l'abandon scolaire. Les États membres devraient dès lors d'urgence fixer des objectifs afin que tous les élèves terminent l'école primaire en étant capables de lire, d'écrire et de faire des mathématiques à un niveau approprié pour leur âge.

Solutions de la seconde chance : les députés invitent les États membres à trouver des moyens permettant de réinsérer les jeunes ayant quitté prématurément l'école dans le système scolaire en mettant en œuvre des programmes adaptés, tels que les écoles de la "seconde chance", qui offrent un environnement d'apprentissage adapté. Les taux de réinsertion les plus élevés sont obtenus par des programmes traitant les besoins individuels des décrocheurs scolaires. Il faut donc mettre en œuvre des initiatives au niveau local visant à encourager le retour à l'école. Les États membres devraient dès lors créer davantage d'écoles de la seconde chance, en renforçant le contenu des programmes et l'équipement matériel et technique et en améliorant la capacité du personnel enseignant disponible.

Système éducatif et emploi : les députés rappellent une fois encore que la réduction du taux d'abandon scolaire à 10%, conformément à la stratégie Europe 2020, aurait un effet sur la baisse du chômage des jeunes et sur l'amélioration du taux d'emploi, sachant que 52% des décrocheurs sont actuellement sans emploi. Ils attirent en outre l'attention sur le fait qu'une réduction du taux d'abandon scolaire de 1% seulement pourrait déjà faire croître de 500.000 le nombre de travailleurs qualifiés potentiels. Ils estiment que les pays européens ne peuvent se permettre ce gigantesque gaspillage de talents et qu’il est urgent de mettre l'accent sur le lien entre l'abandon scolaire et le chômage des jeunes.

Par ailleurs, les effets socio-économiques à long terme de l'abandon scolaire entraînent un risque de pauvreté majeur. Par conséquent, la réduction du nombre de jeunes en abandon scolaire constitue une mesure essentielle pour soustraire au moins 20 millions de personnes au risque de pauvreté. Ils invitent donc instamment les États membres à ne pas abaisser l'âge de la fin de la scolarité obligatoire.

Il est, entre autre, également important :

  • d'adapter les systèmes d'enseignement pour qu'ils répondent aux besoins du marché du travail,
  • d'élargir les possibilités de faire un stage en entreprise,
  • de faciliter la transition entre le système éducatif et le marché du travail,
  • d’accorder une attention particulière aux garçons rencontrant des difficultés d'adaptation à l'environnement scolaire puisqu’ils sont plus exposés que les filles à ce phénomène,
  • d’investir dans la reconversion et la modernisation des parcours de formation professionnelle,
  • d'améliorer les compétences acquises dans le cadre de l'enseignement technique et professionnel,
  • de favoriser l'apprentissage précoce des NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication) comme celles des langues.

Politiques de l'Union : d’une manière générale, les députés se félicitent de la proposition de la Commission pour une recommandation du Conseil concernant les politiques de réduction de l'abandon scolaire. Ils estiment toutefois que cela n’est pas suffisant et que, mis en place dans le respect du principe de subsidiarité, un cadre européen de stratégies globales visant à lutter contre l'abandon scolaire pourrait constituer, pour les États membres, un guide utile les aidant à définir la bonne approche pour élaborer leurs programmes de réforme nationaux.

Les députés mettent également en garde contre les conséquences négatives des coupes budgétaires susceptibles d'intervenir dans les investissements publics en matière d'éducation et soulignent que des investissements financiers plus importants en faveur de la lutte contre l'abandon scolaire peuvent, à long terme, permettre aux jeunes de ne pas devenir dépendants des systèmes de sécurité sociale. Ils préconisent en particulier une utilisation ciblée, efficace et cohérente des Fonds structurels, notamment du Fonds social européen, en vue de la pleine mise en œuvre des stratégies relatives à la jeunesse, dans le but de favoriser leur inclusion sociale et d'éviter l'abandon scolaire.

Ils demandent enfin :

  • des fonds accrus pour le programme de l'Union sur la formation tout au long de la vie et l'amélioration de l'accessibilité à ce programme;
  • des mesures de sensibilisation accrue de la part de la Commission en vue d’accroître la visibilité du programme Comenius sur la mobilité individuelle des élèves, qui peut contribuer à réduire l'abandon scolaire.