La commission des affaires étrangères a adopté le rapport d’initiative de Wolfgang KREISSL-DÖRFLER (S&D, DE) sur le soutien de l'Union européenne à la Cour pénale internationale (CPI).
Les députés rappellent tout d’abord que la CPI est le premier organe judiciaire international permanent compétent pour juger les personnes accusées de génocides, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre contribuant ainsi de manière décisive à la protection des droits de l'homme et du droit international en luttant contre l'impunité. Cet organe joue ainsi un rôle crucial de dissuasion en envoyant un signal clair que l'impunité n’est pas tolérée. Il contribue dès lors à la sécurité, à la justice et à l'état de droit ainsi qu'au maintien de la paix et au renforcement de la sécurité internationale.
Toutefois, les députés soulignent que la lutte contre l'impunité ne sera couronnée de succès que si tous les États parties coopèrent pleinement avec la CPI et si les non-parties apportent leur assistance à l'institution judiciaire.
Des mesures s’imposent dès lors pour renforcer les actions de coopération, lesquelles peuvent se résumer comme suit :
1) nécessité de soutenir davantage la Cour par des actions politiques et diplomatiques : les députés appellent le Parlement à soutenir pleinement la CPI, le statut de Rome et le système de justice pénale internationale, ses pouvoirs motu proprio et ses avancées en matière d’enquêtes nouvelles. Ils appellent les parties et les non-parties au statut de Rome à ne pas exercer de pression politique sur la Cour afin de préserver et à garantir son impartialité et lui permettre de rendre une justice fondée sur le droit et non sur des considérations politiques.
Les députés soulignent l'importance du principe d'universalité de la CPI et demandent au SEAE, aux États membres de l'Union et à la Commission de poursuivre leurs efforts vigoureux en vue de promouvoir la ratification universelle du statut de Rome et de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale (APIC), ainsi que de la législation nationale d'exécution.
Saluant le plan d'action de l'Union révisé adopté le 12 juillet 2011 qui définit des mesures efficaces et concrètes que l'Union devrait adopter pour renforcer, à l'avenir, son soutien à l'égard de la Cour, les députés soulignent qu'une coopération totale et immédiate entre les États parties, notamment les États membres de l'Union, et la Cour reste indispensable à l'efficacité et au succès du système de justice pénale internationale. Ils appellent donc l'Union et ses États membres à accéder à toutes requêtes de la Cour afin d'apporter assistance et coopération en temps utile pour garantir l'exécution des mandats d'arrêt en vigueur et la mise à disposition d'informations, notamment les requêtes qui visent à aider à identifier, geler et saisir les avoirs financiers des suspects.
Les États membres sont également appelés à :
Lutter contre l’impunité des auteurs des crimes contre l’humanité : les députés saluent la contribution de certains États membres à la lutte contre l'impunité vis-à-vis des auteurs des pires crimes contre l'humanité grâce à l'application de la compétence universelle. Saluant, par ailleurs, le rôle clé des instances pénales internationales dans la lutte contre l'utilisation illégale d'enfants soldats, les députés s'opposent fermement au fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de 18 ans dans les forces armées ou de les faire participer à des hostilités.
Coopérer pleinement avec la CPI : les députés soutiennent l'accord sur la coopération et l'assistance conclu entre la CPI et l'Union européenne et demandent aux États membres d'appliquer le principe de compétence universelle à la lutte contre l'impunité et les crimes contre l'humanité. Ils encouragement également fermement l'Union et ses États membres à saisir toutes les occasions et à exploiter tous les instruments diplomatiques pour agir en faveur d'une coopération efficace avec la CPI, notamment en ce qui concerne l'exécution des mandats d'arrêt toujours en vigueur. Dans cette perspective, ils invitent l'Union et ses États membres à établir, avec l'aide du SEAE, une série de lignes directrices pour définir un code de conduite qui régisse les relations entre, d'une part, les autorités de l'Union et des États membres et, d'autre part, les personnes recherchées par la CPI, a fortiori lorsque celles-ci assument encore des fonctions officielles. Ils demandent également à l'Union et aux États membres, dans le cas où un pays partenaire envoie une invitation à une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI ou exprime une volonté d'autoriser une telle personne à se rendre sur son territoire, d'exercer, dans les plus brefs délais, de fortes pressions sur ce pays afin qu'il procède à l'arrestation ou soutienne une opération d'arrestation à l’égard de la personne concernée. Á cet égard, les députés s’inquiètent de l'accueil réservé au président soudanais el-Béchir par des États parties à la CPI (Djibouti, Kenya et Tchad) sur leur territoire sans qu'il ne soit arrêté et livré à la Cour.
Exécuter les mandats d’arrêts en cours : les députés constatent que la majorité des 18 mandats d'arrêt délivrés par la CPI n'ont pas encore été exécutés, y compris ceux visant Joseph Kony et d'autres dirigeants de l'Armée de résistance du Seigneur à l'égard de la situation dans le nord de l'Ouganda, Bosco Ntaganda en République démocratique du Congo, Ahmed Mohammed Haroun, Ali Mohammed Ali Abd-el-Rahman et le président Omar Hassan Ahmed el-Béchir du Soudan, Mouammar Mohammed Abu Minyar Kadhafi, Saïf el-Islam Kadhafi et Abdullah el-Senussi en Libye. Concernant la Libye, les députés reconnaissent la décision du procureur de la CPI de délivrer des mandats d'arrêts à l'encontre du colonel Kadhafi, de son fils Saïf el-Islam concernant des crimes contre l'humanité et soulignent que leur capture et le procès devant la CPI qui s'ensuivra constitueront une contribution cruciale à la lutte contre l'impunité dans la région.
La question des États africains : les députés constatent que les États africains ont joué un rôle majeur dans la création de la CPI et jugent leur soutien et leur coopération étroite indispensables au bon fonctionnement et à l'indépendance de la Cour. Ils appellent dès lors les États africains parties au statut de Rome de la CPI à remplir leurs obligations de sorte que les pires criminels du monde répondent de leurs actes et que le cycle de l'impunité soit interrompu.
Des mesures pour soutenir le travail de la CPI : les députés proposent toute une série de mesures pour soutenir l’action de la CPI parmi lesquelles on citera :
Les députés soulignent en particulier la nécessité pour la CPI d'étendre son champ d'action au delà des situations de conflit armé et d'enquêter de manière plus volontariste sur les urgences en matière de droits de l'homme.
Des mesures plus ciblées sont proposées telles que : i) l’incitation de la Turquie, seul pays candidat officiel à l'Union, et des nouvelles démocraties arabes, à ratifier le statut de Rome ; ii) des mesures de soutien diplomatique des États membres de l'Union au mandat de la CPI auprès des enceintes des Nations unies ; iii) des efforts diplomatiques continus pour inciter les membres du Conseil de sécurité des Nations unies à veiller au renvoi des affaires devant la CPI notamment celles liées à des génocides ; iv) des actions de coordination et de coopération avec la CPI dans le cadre du mandat des représentants spéciaux de l'Union européenne ; v) l’intégration de la CPI parmi les priorités de la politique étrangère européenne ; vi) la garantie que le SEAE possède l'expertise et la capacité de haut niveau nécessaires pour faire de la CPI une véritable priorité ; vii) un véritable engagement de l’UE et de la CPI elle-même à poursuivre et punir les auteurs de crimes sexuels contre l'humanité.
Les députés estiment par ailleurs que l'efficacité du principe de complémentarité de la Cour réside dans l'obligation première des États parties d'enquêter sur les crimes de guerre, les génocides et les crimes contre l'humanité. Ils se disent dès lors préoccupés par le fait que tous les États membres de l'Union ne disposent pas d'une législation qui définit ces crimes en vertu du droit national pour lesquels leurs tribunaux peuvent exercer leur compétence.
2) nécessité de garantir à la Cour un soutien financier et logistique accru : globalement, les députés saluent le soutien financier et logistique apporté jusqu'ici par l'Union et ses États membres à la CPI et recommandent que les aides accordées actuellement soient maintenues. Ils invitent l'Union et ses États membres à soutenir les efforts de la Cour pour renforcer sa présence sur le terrain et appellent à davantage d’efforts en matière de sensibilisation (notamment auprès des victimes). Dans ce contexte, ils recommandent aux États membres de continuer à assurer un financement suffisant du Fonds de la CPI au profit des victimes et aux autres Fonds connexes (ex. : Fonds spécial de la CPI pour les réinstallations …). Un financement suffisant et stable est également souhaité pour les acteurs de la société civile qui travaillent sur les questions liées à la CPI dans le cadre de l'IEDDH. De même, les députés incitent les États membres de l'Union et le SEAE à entamer des discussions sur la révision des instruments financiers actuels de l'Union, en particulier le Fonds européen de développement (FED), en vue de déterminer de quelle manière ils pourraient soutenir davantage les activités de complémentarité dans les pays bénéficiaires afin de stimuler la lutte contre l'impunité. L'ensemble des États parties à la CPI sont également appelés à plaider en faveur d'efforts conjoints pour améliorer les procès à l'encontre des auteurs des crimes les plus graves.
Enfin, les députés rappellent que le Parlement européen a été l'un des premiers à soutenir la Cour et demandent qu'une section sur la lutte contre l'impunité et la CPI soit intégrée au rapport annuel du Parlement européen sur les droits de l'homme dans le monde. Ils suggèrent en outre que celui-ci joue un rôle plus actif en promouvant et en intégrant pleinement la lutte contre l'impunité et la CPI dans toutes les politiques et institutions de l'Union.