Le Parlement européen a modifié, en première lecture de la procédure législative ordinaire, la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les produits dérivés négociés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux.
Le vote sur la résolution législative a été reporté à une séance ultérieure.
Objet du règlement : le Parlement souhaite préciser que le règlement instaure des obligations uniformes concernant les contrats sur produits dérivés, des dispositions précises pour améliorer la transparence ainsi que la gestion des risques du marché des dérivés négociés de gré à gré et concernant l’exercice des activités des contreparties centrales et des référentiels centraux.
Afin de garantir l'application uniforme du règlement, l’Autorité européenne des marchés financiers (l'AEMF) devra élaborer des projets de normes techniques réglementaires dans lesquelles seront énoncées des lignes directrices pour l'interprétation et l'application, aux fins du règlement, de la directive 2004/39/CE concernant les marchés d’instruments financiers. L’AEMF devra soumettre à la Commission des projets pour ces normes techniques réglementaires au plus tard le 30 juin 2012.
Les obligations de compensation énoncées dans le règlement ne devraient pas s'appliquer à a Banque des règlements internationaux. Toute autre exclusion du champ d'application du règlement devrait faire l'objet d'un règlement distinct du Parlement européen et du Conseil, établi sur la base des normes internationales et des règles sectorielles équivalentes de l'Union.
Renforcement du rôle de l’AEMF : les députés estiment que les trois autorités européennes de surveillance (AES) ont un rôle essentiel à jouer dans la préservation de la stabilité du secteur financier. Il est dès lors essentiel de veiller en permanence à ce que le développement de leurs travaux bénéficie d'un haut degré de priorité politique et qu'elles disposent de moyens suffisants.
Compte tenu de son rôle pivot, c’est à l’AEMF qu’il reviendrait de décider, après consultation de la Commission et du Comité européen du risque systémique (CERS) si une catégorie de dérivés remplit ou non ces critères d’éligibilité, s'il y a lieu d'appliquer les obligations de compensation centrale et à partir de quel moment l’obligation prend effet, notamment en définissant, le cas échéant, des normes de mise en œuvre progressive.
En déterminant si une catégorie de produits dérivés doit être soumise à des obligations de compensation, l'AEMF devrait avoir pour objectifs la réduction des risques systémiques et la prévention des conséquences systémiques. Une telle démarche suppose de prendre en compte un certain nombre de facteurs d'appréciation tels que i) la date à laquelle l'obligation de compensation prendra effet, ii) l'interdépendance entre la catégorie de produits dérivés et d'autres instruments du marché, iii) le degré de normalisation contractuelle et économique des contrats, iv) l'incidence sur la performance et la compétitivité des entreprises de l'UE présentes sur les marchés mondiaux, v) la capacité des contreparties centrales d'assumer le volume des transactions et les obligations du règlement, vi) l'incidence des coûts sur l'économie réelle et particulièrement sur les investissements.
La Commission et l'AEMF devraient veiller à ce que les règles de la compensation obligatoire protègent aussi les investisseurs
Dans le cadre des travaux préparatoires à l'application des orientations techniques et des normes techniques réglementaires, notamment pour la fixation du seuil de compensation applicable aux contreparties non financières en vertu du présent règlement, l'AEMF devrait organiser des auditions publiques des participants du marché.
Le Parlement estime en outre qu’il est impératif que l'AEMF participe à la procédure d’agrément et de surveillance. L'AEMF devrait associer d'autres autorités compétentes des États membres concernés à l'élaboration des recommandations et des décisions.
Aux fins de l'obligation de compensation centrale, l'AEMF devrait créer et gérer un registre public, mis à la disposition du public sur le site internet de l'AEMF.
Obligation de contrepartie centrale : les députés demandent que les contrats de produits dérivés de gré à gré conclus avant la date à laquelle l'obligation de compensation prend effet pour cette catégorie de produits dérivés soient exemptés de l'obligation de compensation centrale.
Cette obligation de compensation centrale devrait s'appliquer à tous les contrats de produits dérivés de gré à gré qui, après la publication de la décision de l'AEMF, sont considérés comme des produits dérivés éligibles à l'obligation de compensation centrale.
L'obligation de compensation centrale ne devrait pas s'appliquer aux contrats de produits dérivés conclus entre des filiales de la même entreprise ou entre une entreprise mère et une filiale.
Éligibilité à l'obligation de compensation centrale : selon le texte amendé, lorsqu'une contrepartie centrale établie dans un pays tiers a été reconnue, l'autorité compétente du pays tiers devra communiquer à l'AEMF les catégories de contrats dérivés pour lesquelles cette contrepartie centrale a été autorisée à fournir des services de compensation à des membres compensateurs et/ou à des clients établis dans l'Union.
Avant de prendre sa décision, l'AEMF devra procéder à une consultation publique des participants du marché et d'autres acteurs disposant d'un savoir-faire ou d'un intérêt en la matière, et prendre contact avec le CERS et les autorités compétentes de pays tiers. Les députés demandent qu’un résumé de cette consultation soit publié dans un délai d'un mois et que les informations complémentaires concernant les consultations publiques ou autres soient mises à disposition sur demande.
OPCVM : celles-ci devraient entrer dans le champ du règlement, étant donné que leurs politiques diversifiées de placement revêtent la forme, notamment, d'opérations sur contrats de dérivés. Le seuil de compensation prévu pour les contreparties non financières ne devrait pas s'appliquer automatiquement aux OPCVM. Les députés suggèrent au contraire d'envisager et d'instaurer une dérogation étroitement définie.
Fonds de pension : les fonds de pension au sens de la directive 2003/41/CE concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle qui présentent un profil d'aversion au risque et utilisent des dérivés pour couvrir les risques liés à leurs engagements en matière de retraite devraient être soumis aux obligations de déclaration et aux techniques d'atténuation des risques pour les contrats dérivés de gré à gré qui ne sont pas compensés par une contrepartie centrale selon les dispositions du règlement.
Par contre, ces fonds de pension ne devraient pas être soumis à l'obligation de compensation, afin que les pensionnés ne supportent pas des frais disproportionnés.
Institutions de retraite professionnelle définies à la directive 2003/41/CE : ces institutions ou les régimes présentant le même degré d'atténuation des risques et reconnus par la loi nationale aux fins de la retraite professionnelle qui ont recours à des contrats sur produits dérivés dont il peut être objectivement mesuré qu'ils réduisent les risques directement liés à la solvabilité de l'institution qui gère un régime de retraite devraient être soumises aux dispositions relatives à la garantie bilatérale contenues dans le règlement, qui doit être revu en 2014.
Contreparties non financières : les contreparties non financières devraient expliquer le recours aux dérivés dans le rapport annuel ou par d'autres canaux appropriés.
Le seuil de compensation applicable aux contreparties non financières devrait être fixé en fonction de critères tant qualitatifs que quantitatifs étudiés et dûment pondérés. À cet égard, des efforts devraient être déployés pour normaliser dans une très large mesure les contrats négociés de gré à gré et prendre en compte l'importance d'une réduction des risques pesant sur les contreparties non financières dans le cadre de leurs activités normales.
Exemption des PME : en vue de l'exemption des petites et moyennes entreprises (PME) de l'obligation de compensation, les députés estiment qu’il faut prévoir également des seuils de compensation des opérations de gré à gré variables d'un secteur à l'autre en fonction du volume total des contrats conclus par l'entreprise. En outre, l'AEMF devrait examiner la possibilité d'appliquer aux PME une règle de minimis pour ce qui est de l'obligation de déclaration.
Obligation de communication : le règlement proposé prévoit d’instaurer au niveau de l’Union une obligation uniforme de communication de données concernant les instruments dérivés de gré à gré. Les députés estiment qu’il convient en outre d'instaurer, dans toute la mesure du possible, une obligation de communication rétrospective applicable tant aux contreparties financières qu'aux contreparties non financières franchissant le seuil, de sorte que l'AEMF dispose de données comparatives. Si cette communication rétrospective n'est pas réalisable pour une quelconque catégorie de dérivés négociés de gré à gré, une justification appropriée devrait être fournie au référentiel central concerné.
Sanctions : les obligations de compensation et de déclaration doivent être assorties de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Les députés ajoutent que les États membres devraient veiller à ce que les sanctions imposées soient publiques et à ce que les rapports d'évaluation de l'efficacité des règles en vigueur soient publiés à intervalles réguliers.
Astreintes : le conseil des autorités de surveillance de l'AEMF pourra infliger, par voie de décision, des astreintes pour contraindre par exemple : a) un référentiel central à mettre un terme à une infraction; b) les personnes exerçant des fonctions dans des référentiels centraux ou dans des tiers qui y sont liés à fournir de manière complète les renseignements demandés ou à se soumettre à une enquête.
Le montant des astreintes doit être égal à 3% du chiffre d'affaires journalier moyen au cours de l'exercice précédent. Une astreinte sera infligée pour une période maximale de six mois à compter de la notification de la décision de l'AEMF. Au terme de cette période de six mois, l'AEMF examinera les mesures. Lorsque l'AEMF décide de ne pas imposer d'amendes ou d'astreintes, elle doit en informer la Commission, les autorités compétentes de l'État membre, le Parlement et le Conseil et exposer les motifs de sa décision.
Contreparties centrales : les contreparties centrales devraient disposer d’un capital initial permanent et disponible d’au moins 10 millions d’EUR pour être agréées.
Le règlement proposé stipule que les contreparties centrales doivent avoir des systèmes de gouvernance solides, des instances dirigeantes remplissant les conditions requises d’honorabilité et des administrateurs indépendants, quelle que soit la structure de leur actionnariat. Selon les députés, au moins un tiers des membres, et pas moins de deux membres, du conseil d'administration devraient être des membres indépendants. Ces membres indépendants ne devraient pas être des membres indépendants de plus d'une autre contrepartie centrale. Leur rémunération ne devrait être aucunement liée aux résultats de la contrepartie centrale. L'externalisation de fonctions devrait être soumise à l'approbation du comité des risques de la contrepartie centrale.
Les députés estiment que la mise en œuvre d'une solide gestion des risques doit demeurer le principal objectif d'une contrepartie centrale. Cette dernière pourra cependant adapter son identité propre aux activités et aux profils de risque particuliers des clients des membres compensateurs.
Les contreparties centrales doivent mettre en œuvre de saines stratégies de gestion des risques qui ne reviennent pas à faire peser les risques sur les contribuables. Il est par ailleurs essentiel que les contreparties centrales aient accès à des liquidités adéquates.
Accords avec les contreparties centrales établies dans des pays tiers : le Parlement insiste sur la nécessité de conclure des accords avec les contreparties centrales établies dans des pays tiers au sujet de la fourniture de services de compensation dans l’Union. Ces accords devraient porter sur l'agrément par l'AEMF et l'autorité compétente de l'État membre dans lequel la contrepartie centrale concernée a l'intention de fournir des services de compensation d'une contrepartie centrale établie dans un pays tiers ou l'octroi par la Commission d'une dérogation aux conditions et à la procédure d'agrément, sous réserve que la Commission ait reconnu la législation et le cadre de surveillance du pays tiers comme étant équivalents à ceux de l’Union, et que les conditions requises soient remplies.
Accords d’interopérabilité : compte tenu de la complexité des accords d’interopérabilité entre les contreparties centrales assurant la compensation de contrats dérivés de gré à gré, les députés préconisent, à ce stade, de prescrire un délai de grâce de trois ans entre l'octroi de l'autorisation de compensation applicable aux dérivés et le droit de demander l'agrément pour l'interopérabilité, ainsi que de restreindre le champ d’application des accords d’interopérabilité ultérieurs aux valeurs au comptant. Toutefois, l’AEMF devrait remettre à la Commission, avant le 30 septembre 2014, un rapport sur l’opportunité d’étendre ce champ d’application à d’autres instruments financiers et sur la date à laquelle cette extension devrait avoir lieu.
Gestion d'un site internet par l'AEMF : les députés suggèrent que l'AEMF gère un site internet qui fournirait notamment les informations suivantes: a) les contrats éligibles à l'obligation de compensation centrale ; b) les contreparties centrales autorisées à proposer des services ou à exercer des activités dans l'Union, qui sont des personnes morales établies dans l'Union, et les services ou activités qu'elles sont autorisées à fournir ou à exercer, y compris les catégories d'instruments financiers couvertes par leur agrément; c) les sanctions imposées pour violation des dispositions du règlement; d) les contreparties centrales autorisées à proposer des services ou à exercer des activités dans l'Union, établies dans un pays tiers, et les services ou activités qu'elles sont autorisées à fournir ou à exercer, y compris les catégories d'instruments financiers couvertes par leur agrément; e) les référentiels centraux autorisés à proposer des services ou à exercer des activités dans l'Union; f) le registre public visé au règlement.
Actes délégués et mesures d’exécution : la Commission devrait être habilitée à adopter des actes délégués en ce qui concerne les informations à inclure dans la notification à l'AEMF et dans le registre, et certains critères de décision de l'AEMF. Lors de l'élaboration de ces actes, la Commission devra, le cas échéant, consulter l'ABE et l'AEAPP. En outre, afin d'assurer des conditions uniformes d'application du règlement, il est proposé de conférer à la Commission des compétences d'exécution, exercées conformément au règlement (UE) n° 182/2011 du Parlement européen et du Conseil.