Politiques extérieures de l'UE en faveur de la démocratisation

2011/2032(INI)

Le Parlement européen a adopté par 537 voix pour, 24 voix contre et 61 abstentions une résolution sur les politiques extérieures de l'UE en faveur de la démocratisation.

Rappelant le caractère essentiel de la défense de la démocratie en tant que valeur universelle, le Parlement estime que seules les démocraties peuvent fonctionner en tant que fondement d'un partenariat structurel équilibré entre des pays tiers et l'UE.

Dans ce contexte, il appelle à la redéfinition de la politique de l’UE en la matière.

La nécessité d'un changement de paradigme : le Parlement estime que le rôle de l'Union européenne en tant que "pouvoir non violent" (soft power) dans le système international ne peut être consolidé que si la protection des droits de l'homme constitue une vraie priorité dans sa politique à l'égard des pays tiers. Il rappelle également qu'une condition essentielle à une politique étrangère cohérente de l'Union est de toujours exercer aussi au sein de l'Union et dans les États membres, une politique exemplaire en matière de respect des droits de l'homme et de démocratie, tant au présent qu'à l'avenir. Toutefois, et vu des difficultés en Afrique du Nord et au Moyen Orient, le Parlement considère que la question de la justice sociale et de la lutte contre les inégalités doit devenir un objectif essentiel de la politique extérieure de l'Union, puisqu'elle constitue un élément indispensable à la construction d'une société pacifique, prospère et démocratique. Il souligne par ailleurs qu'il est absurde d'opposer les notions de sécurité et de démocratie puisqu'il ne peut y avoir de sécurité dans une société sans gouvernement démocratique et responsable. C’est pourquoi, il demande un changement de paradigme axé sur une véritable consolidation de la démocratie fondée sur un développement endogène, durable, général au profit des populations et basé sur les libertés élémentaires. Á ce titre, l'UE doit accompagner la mise en place d'un environnement favorable au développement d'une société démocratique. La Plénière évoque à cet effet, l’exemple de la transition démocratique en Europe centrale et orientale qui devrait être partagée avec les nouvelles forces démocratiques émergentes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.

Pour réussir, un processus de démocratisation doit impérativement contribuer à mettre le pays concerné sur la voie du développement social et économique, afin de faire en sorte que les droits fondamentaux de la population, notamment le droit à l'éducation, à la santé et à l'emploi, soient respectés. La priorité doit ainsi aller à :

  • l'utilisation renforcée, concrète et énergique des instruments de l'Union ;
  • des politiques cohérentes tendant à décourager les violations des droits de l'homme, telles que la réduction des enveloppes financières allouées aux gouvernements ne respectant pas la démocratie et les droits de l'homme ;
  • un renforcement de la politique commerciale commune dans le sens du développement durable, de l'élimination de la pauvreté et de la protection des droits de l'homme;
  • la ratification du statut de Rome de la Cour pénale internationale;
  • l’intégration, dans tous les accords de libre échange, de clauses juridiquement contraignantes en matière sociale, environnementale et de respect des droits de l'Homme, avec, comme base minimale, la liste des conventions contenues dans le règlement SPG+;
  • l’association du Parlement européen à tous les stades relatifs à la conclusion, à l'application et à la suspension d'accords internationaux avec des pays tiers ;
  • une analyse détaillée des possibilités de réforme dans les pays tiers basée sur des échanges de vues réguliers avec toutes les composantes démocratiques d'un pays afin qu'il soit basé sur la confiance et la connaissance réciproques;
  • une assistance européenne fournie sous forme d'aide budgétaire mais en évaluant mieux l’efficacité de l’aide, surtout si l’aide est octroyée à des États autoritaires ;
  • une politique de sanctions appropriées, proportionnées et "intelligentes" contre les principales autorités du régime n’appliquant pas les principes démocratiques, tout en assurant un soutien aux populations et à la société civile. Le Parlement appelle ainsi le Conseil et le SEAE à intégrer systématiquement le recours à des sanctions «intelligentes», et la menace de leur application, en tant qu'instrument de la politique de l'Union en matière de droits de l'homme à l'égard des régimes les plus répressifs ;
  • l’imposition de pressions, dès que nécessaire, sur les gouvernements des États ayant des antécédents reconnus de violation des droits de l'homme.

Le Parlement recommande notamment que l'Union européenne, dans le cas des partenariats les plus difficiles, n’isole ces pays mais conduise des relations avec eux sur la base d'une conditionnalité pertinente et efficace qui serve de réelle incitation aux réformes démocratiques. Á cet égard, le Parlement estime que l'Union ne devrait pas hésiter à redéployer des fonds prévus auparavant pour les pays dont les gouvernements ne tiennent pas leurs engagements en matière de bonne gouvernance démocratique et à les octroyer aux pays qui ont agi davantage pour respecter les engagements. Cette approche devrait notamment être appliquée dans les politiques de partenariat et de voisinage. Il souligne toutefois que l'approche différentiée doit exiger le respect des mêmes objectifs en matière de droits de l'homme et de démocratie de la part de tous les pays partenaires de la PEV. En effet, l'Union perdrait à nouveau en crédibilité si elle faisait une distinction entre des «normes minimales» applicables aux pays les plus difficiles et des normes ambitieuses pour les pays les plus avancés.

Approfondir la dimension politique : le Parlement réclame une approche globale cohérente fondée sur des stratégies ciblées en matière de développement, de droits de l'homme, de bonne gouvernance, d'inclusion sociale, de promotion des femmes et des minorités, de tolérance religieuse. Il soutient en particulier toutes les initiatives suivantes :

  • l’intégration de la variable droits de l'homme dans l'ensemble des activités de l'Union en matière de relations extérieures ;
  • le soutien apolitique à l'aide humanitaire fournie au cours du processus de démocratisation;
  • le soutien systématique aux parlements nouvellement élus de façon démocratique surtout dans les pays en transition ;
  • un droit de regard du Parlement européen dans le processus de création et de fonctionnement du Fonds européen pour la démocratie, dans la détermination des objectifs annuels, des priorités, des résultats attendus et des fonds alloués en général, ainsi que dans la mise en œuvre et le contrôle des actions ;
  • le renforcement du dialogue avec un éventail d'acteurs locaux aussi large que possible;
  • le renforcement du rôle et de l’impact des partis politiques démocratiques et légitimes, des mouvements sociaux et de la presse libre ;
  • l'élargissement du mandat du groupe de coordination des élections (GCE) afin qu'il comprenne également les politiques d'appui à la démocratie et le renforcement du Bureau de promotion de la démocratie parlementaire (BPDP) y compris pour aider et soutenir les parlements des nouvelles démocraties émergentes ;
  • le soutien à la société civile et des parlements des pays tiers dans la surveillance démocratique du budget et dans la gestion du processus de bonne gouvernance;
  • des ententes solides avec d'autres acteurs de la scène mondiale, tels que l'Union africaine et la Ligue arabe ;
  • de nouvelles stratégies cohérences en faveur des droits de l'homme associant pleinement le Parlement et la définition de documents de stratégie par pays pointant des objectifs à atteindre en termes de démocratisation ;
  • la création d'une direction des droits de l'homme et de la démocratie au sein du SEAE;
  • des programmes régionaux de protection des personnes les plus vulnérables, en particulier des enfants, des femmes et des personnes âgées;
  • le renforcement des missions d'observation électorale, des délégations permanentes du PE et des assemblées parlementaires conjointes ;
  • le renforcement des femmes en tant que «médiateurs de la paix» dans le cadre de la prévention et de la résolution des conflits ;
  • un renforcement du contrôle et de l'obligation de rendre des comptes au sujet des violations des droits de l'homme, de la mauvaise gouvernance et de la corruption;
  • le maintien et le renforcement de l'IEDDH et l’amélioration des instruments et cadres existants destinés à soutenir la démocratie dans les pays tiers.

Le Parlement indique par ailleurs que l'Union européenne devrait faire dépendre ses futurs engagements financiers des progrès réalisés par les pays tiers dans la mise en œuvre de stratégies des droits de l'homme et d'un véritable progrès démocratique.

Pour un renforcement de l’égalité hommes/femmes dans le cadre de la politique de démocratisation : outre le paquet de mesures ci-avant décrites, la Plénière insiste pour protéger les droits des jeunes filles et des femmes, y compris les droits à l'égalité de traitement et à l'éducation. Le Parlement soutient avec force toutes les initiatives et les mesures incitatives et de renforcement des capacités mises en œuvre dans les politiques extérieures de l'Union afin d'encourager la participation des femmes à la prise de décision à tous les niveaux, dans le domaine public aussi bien que dans la sphère privée. Il souligne que la participation égale des femmes et des hommes dans tous les domaines de la vie est une composante essentielle de la démocratie et que la participation des femmes au développement constitue une valeur fondamentale universellement reconnue et une condition indispensable au développement socioéconomique et à la bonne gouvernance. Il insiste donc pour que l'Union fasse de l'égalité des genres une priorité de son action en faveur de la démocratie. Il faut également assister les défenseurs des droits des femmes et les femmes parlementaires, en améliorant les capacités de prise en compte de la dimension de genre dans le processus budgétaire. Il engage en outre l'Union à apporter un soutien financier et une aide au renforcement des capacités aux organisations de défense des droits des femmes et aux candidates politiques. Les questions de genre devraient également être intégrées dans les priorités thématiques, en veillant particulièrement à combattre les stéréotypes liés au sexe.

Soutenir la société civile : le Parlement demande par ailleurs un soutien renforcé aux organisations locales et régionales qui participent à la consolidation de la démocratie en créant des espaces de dialogue et d'échange de bonnes pratiques avec l'Union. Il propose à cet effet l'élaboration d'une politique plus ouverte et plus dynamique de soutien aux forces vives de la société et à celles qui encouragent la participation citoyenne. Des mesures sont également proposées pour renforcer les capacités de la société civile, grâce à : i) l'éducation et à des actions de sensibilisation, ii) un appui en direction des mouvements sociaux non extrémistes et des médias indépendants ainsi que des partis politiques, iii) le renforcement du rôle joué par les ONG via l’augmentation des fonds qui leur sont attribués, iv) la recherche de solutions novatrices pour associer la société civile, les partis politiques, les médias et les ONG aux dialogues de l'Union avec les pays tiers, v) le soutien à la réduction de la fracture numérique et à la facilitation de l'accès à internet, vi) le financement de la société civile par l'IEDDH, ainsi que l'affectation de fonds à des projets locaux réalisés par des ONG et l’augmentation progressive des fonds, dès lors que l'existence d'une société civile dans le pays s’avère bonne pour la démocratie.