Agences de notation de crédit: intégrité, transparence, responsabilité,  bonne gouvernance et indépendance des activités

2011/0361(COD)

OBJECTIF : modifier le règlement (CE) n° 1060/2009 sur les agences de notation de crédit en vue de réduire les risques pesant sur la stabilité financière et de rétablir la confiance des investisseurs et autres acteurs dans les marchés financiers et la qualité des notations de crédit.

ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil.

CONTEXTE : en vertu du règlement (CE) n° 1060/2009 sur les agences de notation de crédit - devenu pleinement applicable le 7 décembre 2010 - les agences de notation sont tenues de respecter un code de conduite rigoureux visant à réduire le risque de conflit d’intérêts et à garantir des notations de haute qualité et une transparence suffisante sur les notations et le processus dont elles découlent. Les modifications introduites par le règlement (UE) n° 513/2011 ont donné pouvoir à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) d’enregistrer et de surveiller les agences de notation.

Même s’il constitue une bonne base, le règlement sur les agences de notation en vigueur traite insuffisamment un certain nombre de questions touchant à l’activité des agences de notation et à l’utilisation qui est faite de leurs notations de crédit. Il s’agit notamment : i) du risque de voir les participants aux marchés financiers dépendre excessivement de ces notations, ii) du haut degré de concentration du marché des notations, iii) de la responsabilité civile des agences de notation vis-à-vis des investisseurs et iv) des conflits d’intérêts que peuvent faire naître le modèle selon lequel elles sont rémunérées (modèle de l’émetteur-payeur) et la structure de leur actionnariat. Le règlement ne tient pas spécifiquement compte non plus du caractère particulier des notations souveraines, qui est apparu durant l’actuelle crise de la dette.

La Commission a soulevé ces questions pendantes dans sa communication du 2 juin 2010 intitulée «La réglementation des services financiers au service d’une croissance durable ». Le 8 juin 2011, le Parlement européen a adopté une résolution non législative sur les agences de notation confirmant la nécessité de renforcer le cadre réglementaire applicable aux agences de notation. Le Conseil européen du 23 octobre 2011 a conclu qu’il fallait faire des progrès pour réduire cette dépendance excessive.

Au niveau international, le Conseil de stabilité financière (CSF) a adopté, en octobre 2010, des principes pour réduire l’importance accordée par les autorités et les établissements financiers aux notations établies par les agences de notations. Ces principes ont été avalisés par le G-20 à son sommet de Séoul de novembre 2010.

Enfin, la Commission s’est récemment attaquée à la question de la dépendance excessive des établissements financiers à l’égard des notations de crédit, dans le cadre de la réforme de la réglementation bancaire. Elle propose, en outre, une disposition similaire dans son projet de modification de la directive OPCVM et de la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, présenté parallèlement à la présente proposition de règlement.

ANALYSE D’IMPACT : différentes options ont été envisagées pour remédier aux problèmes identifiés et atteindre les objectifs spécifiques correspondants, qui sont les suivants:

  • réduire la dépendance à l'égard des notations externes du crédit;
  • atténuer les risques d’effets de contagion en cas de modification de notations souveraines;
  • améliorer les conditions prévalant sur le marché des notations de crédit, actuellement caractérisé par un manque de choix et de concurrence, en vue d’améliorer la qualité des notations;
  • donner aux investisseurs la possibilité d'obtenir un dédommagement de la part des agences de notation ;
  • améliorer la qualité des notations en renforçant l’indépendance des agences de notation et en promouvant l’emploi de méthodes et procédures de notation solides.

Parmi les options retenues, il faut citer : i) l’obligation faite aux émetteurs de publier des informations sur les portefeuilles d’actifs sous-jacents à leurs instruments financiers structurés ; ii) dans le cas des notations souveraines, la vérification des informations sous-jacentes et la publication d’un rapport de recherche complet accompagnant la notation ; iii) la promotion de normes communes pour les échelles de notation et la création d’un indice de notation européen (EURIX); iv) l’obligation faite aux émetteurs de changer régulièrement d’agence de notation ; v) le fait de doter les investisseurs d'un droit de recours contre les agences de notation ; vi) le renforcement des exigences relatives à la publication des méthodes de notation.

La proposition devrait avoir un coût pour les établissements financiers, tenus d’améliorer leur gestion interne des risques et de recourir à des modèles internes de notation à des fins réglementaires, de même que pour les émetteurs, du fait du renforcement des obligations d’information leur incombant. Pour leur part, les agences de notation supporteront des coûts de mise en conformité supplémentaires récurrents, liés à l’atténuation du risque d’effets de contagion inhérent aux notations souveraines.

Les mesures visant à développer la concurrence, de même que les options retenues en ce qui concerne l’indépendance des agences de notation ne devraient pas, quant à elles, leur causer d’importants surcoûts.

BASE JURIDIQUE : article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

CONTENU : la proposition modifie le règlement (CE) n° 1060/2009 sur les agences de notation de la façon suivante :

1) Utilisation des notations de crédit : la proposition impose à certains établissements financiers de procéder à leurs propres évaluations de crédit. Ces établissements financiers devraient ainsi éviter de se fier exclusivement ou mécaniquement à des notations externes du crédit pour apprécier la qualité de crédit d’actifs. En outre, l’AEMF, l’ABE et l’AEAPP ne devraient pas faire référence aux notations de crédit dans leurs orientations, recommandations et projets de normes techniques, lorsque de telles références sont susceptibles d’amener les autorités compétentes ou les participants aux marchés financiers à se fier mécaniquement à ces notations de crédit.

  • Les émetteurs seront tenus de publier de façon continue des informations spécifiques sur les instruments financiers structurés et, en particulier, sur les principales caractéristiques des portefeuilles d’actifs sous-jacents que les investisseurs ont besoin de connaître pour procéder à leurs propres évaluations de crédit. Ces informations doivent être publiées via un site web centralisé, administré par l’AEMF.
  • Les émetteurs (ou à leurs tiers liés) sollicitant une notation devront charger deux agences de notation indépendantes l’une de l’autre d’émettre en parallèle deux notations de crédit indépendantes pour le même instrument financier structuré.

2) Indépendance des agences de notation : un ensemble de modifications instaure des règles plus strictes en matière d’indépendance des agences de notation, qui visent à remédier au problème de conflit d’intérêts inhérent à leur modèle de rémunération (modèle de l’«émetteur-payeur») et à la structure de leur actionnariat.

  • La proposition interdit à tout membre ou actionnaire d’une agence de notation détenant dans celle-ci une participation d’au moins 5% de prendre une participation de 5% ou plus dans une autre agence de notation, à moins que les agences de notation en question n’appartiennent au même groupe;
  • Un nouvel article instaure une règle de rotation pour les agences de notation chargées par l’émetteur soit de le noter lui-même, soit de noter ses instruments de créance. L’agence de notation sollicitée ne devrait pas rester en place plus de trois ans, ou plus d’un an si elle a déjà noté à la suite plus de dix instruments de créance de l’émetteur.

Par ailleurs, la Commission continuera de surveiller le caractère adéquat des modèles de rémunération des agences de notation et soumettra un rapport à ce sujet au Parlement européen et au Conseil le 7 décembre 2012 au plus tard.

3) Publication d’informations sur les méthodes des agences de notation et sur les notations de crédit et perspectives qu’elles émettent : cet ensemble de modifications renforce les règles relatives à la communication des méthodes de notation, en vue de promouvoir des procédures de notation robustes et, à terme, d’améliorer la qualité des notations.

  • De nouvelles dispositions prévoient des procédures pour l’élaboration de nouvelles méthodes de notation ou la modification de méthodes existantes. Elles exigent que les parties prenantes soient consultées sur les nouvelles méthodes ou les modifications envisagées, ainsi que sur leur justification. Les agences de notation seraient en outre tenues de soumettre les méthodes qu’elles se proposent d’utiliser à l’AEMF, pour vérification de leur conformité aux exigences en vigueur.
  • Toute agence de notation sera dans l’obligation de corriger les erreurs détectées dans ses méthodes ou dans leur application, et d’informer l’AEMF, les entités notées et le public en général de ces erreurs.

4) Notations souveraines : les règles spécifiquement applicables aux notations souveraines (notations d’un État, d’une autorité régionale ou locale d’un État, ou d’un instrument de créance ou d’une obligation financière dont l’émetteur est un État ou une autorité régionale ou locale d’un État) sont particulièrement renforcées.

  • Les agences de notation seront tenues de réexaminer leurs notations souveraines plus fréquemment (tous les six mois, et non plus une fois par an).
  • Les agences de notation devront publier un rapport de recherche complet lors de l’émission ou de la modification de notations souveraines, de manière à améliorer la transparence de ces notations et d’en faciliter la compréhension par leurs utilisateurs. Les notations souveraines ne pourront être publiées qu’après la fermeture des places boursières de l’UE et au moins une heure avant leur réouverture.
  • Les agences de notation seront tenues d’être transparentes quant à l’affectation des membres de leur personnel à la notation des différentes catégories d’actifs (notations des entreprises, notations des instruments financiers structurés et notations souveraines).

5) Comparabilité des notations de crédit : les modifications visent à promouvoir la comparabilité des notations de crédit et à prescrire une plus grande transparence des commissions facturées pour leur émission.

  • Les agences de notation devraient communiquer leurs notations de crédit à l’AEMF, qui assurerait la publication de toutes les notations existant pour un instrument de créance sous la forme d’un indice de notation européen (EURIX) à la libre disposition des investisseurs.
  • L’AEMF aura le pouvoir d’élaborer des projets de normes techniques, que la Commission devra avaliser, sur une échelle de notation harmonisée à utiliser par les agences de notation. Toutes les notations devraient ainsi suivre la même norme, ce qui permettrait aux investisseurs de les comparer plus aisément.
  • Les commissions facturées par les agences de notation à leurs clients pour l’émission de notations (et la fourniture de services accessoires) devraient être non discriminatoires (c’est-à-dire être basées sur le coût réel et des critères de prix transparents) et ne devraient en aucun cas dépendre du résultat du travail accompli.
  • Les agences de notation devraient communiquer annuellement à l’AEMF une liste des commissions facturées à chaque client, pour les différentes notations émises et tout service accessoire fourni.
  • L’AEMF devrait exercer des activités de suivi de la concentration du marché et la Commission devrait élaborer un rapport à ce sujet.

6) Responsabilité civile des agences de notation vis-à-vis des investisseurs : la proposition prévoit qu’un une agence de notation qui enfreindrait le règlement intentionnellement ou par négligence grave et, ce faisant, porterait préjudice à un investisseur qui se serait fié à une notation qu’elle aurait émise, serait tenue pour responsable, sous réserve que l’infraction en question ait influencé la notation.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : la proposition n’a pas d’incidence sur le budget de l’Union. En particulier, les tâches qui seraient confiées à l’AEMF n’impliqueraient pas de financements supplémentaires de l’UE.

ACTES DÉLÉGUÉS : la proposition contient des dispositions habilitant la Commission à adopter des actes délégués conformément à l’article 290 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.