Soutien de l'Union européenne à la CPI: être à la hauteur des enjeux et surmonter les difficultés

2011/2109(INI)

Le Parlement européen a adopté par 532 voix pour, 14 voix contre et 19 abstentions, une résolution sur le soutien de l'Union européenne à la Cour pénale internationale (CPI).

Le Parlement rappelle tout d’abord que la CPI est le premier organe judiciaire international permanent compétent pour juger les personnes accusées de génocides, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre contribuant ainsi de manière décisive à la protection des droits de l'homme et du droit international en luttant contre l'impunité. Cet organe joue ainsi un rôle crucial de dissuasion en envoyant un signal clair que l'impunité n’est pas tolérée. Il contribue dès lors à la sécurité, à la justice et à l'état de droit ainsi qu'au maintien de la paix et au renforcement de la sécurité internationale.

Toutefois, le Parlement souligne que la lutte contre l'impunité ne sera couronnée de succès que si tous les États parties coopèrent pleinement avec la CPI et si les non-parties apportent leur assistance à l'institution judiciaire.

Des mesures s’imposent dès lors pour renforcer les actions de coopération, lesquelles peuvent se résumer comme suit :

1) nécessité de soutenir davantage la Cour par des actions politiques et diplomatiques : le Parlement rappelle qu’il soutient pleinement la CPI, le statut de Rome et le système de justice pénale internationale, ses pouvoirs motu proprio et ses avancées en matière d’enquêtes nouvelles. Il appelle les parties et les non-parties au statut de Rome à ne pas exercer de pression politique sur la Cour afin de préserver et à garantir son impartialité et lui permettre de rendre une justice fondée sur le droit et non sur des considérations politiques.

Le Parlement souligne l'importance du principe d'universalité de la CPI et demande au SEAE, aux États membres de l'Union et à la Commission de poursuivre leurs efforts vigoureux en vue de promouvoir la ratification universelle du statut de Rome et de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale (APIC), ainsi que de la législation nationale d'exécution.

Saluant le plan d'action de l'Union révisé adopté le 12 juillet 2011 qui définit des mesures efficaces et concrètes que l'Union devrait adopter pour renforcer, à l'avenir, son soutien à l'égard de la Cour, le Parlement souligne qu'une coopération totale et immédiate entre les États parties, notamment les États membres de l'Union, et la Cour reste indispensable à l'efficacité et au succès du système de justice pénale internationale. Il appelle donc l'Union et ses États membres à accéder à toutes requêtes de la Cour afin d'apporter assistance et coopération en temps utile pour garantir l'exécution des mandats d'arrêt en vigueur et la mise à disposition d'informations, notamment les requêtes qui visent à aider à identifier, geler et saisir les avoirs financiers des suspects.

Les États membres sont également appelés à :

  • promulguer une législation nationale sur la coopération avec la CPI et à conclure des accords-cadres avec la CPI pour l'application des peines de la Cour ;
  • transférer leurs compétences à l'Union dans le domaine de l'identification et de la confiscation des avoirs des personnes mises en examen par la CPI, même si des procédures judiciaires sont entamées par la CPI;
  • coopérer en échangeant des informations pertinentes par l'intermédiaire des bureaux de recouvrement des avoirs existants ainsi que du réseau Camden regroupant les autorités compétentes en matière de recouvrement d'avoirs (CARIN);
  • intégrer pleinement les dispositions du statut de Rome et de l'APIC dans leur législation nationale;
  • ratifier les modifications au statut de Rome en matière de crime d'agression adoptées lors de la Conférence de Kampala.

Lutter contre l’impunité des auteurs des crimes contre l’humanité : le Parlement salue la contribution de certains États membres à la lutte contre l'impunité vis-à-vis des auteurs des pires crimes contre l'humanité grâce à l'application de la compétence universelle. Saluant, par ailleurs, le rôle clé des instances pénales internationales dans la lutte contre l'utilisation illégale d'enfants soldats, le Parlement s'oppose fermement au fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de 18 ans dans les forces armées ou de les faire participer à des hostilités. Dans la foulée, le Parlement demande que des politiques efficaces et des mécanismes plus performants soient mis en place afin de garantir que la participation des victimes aux travaux de la CPI, grâce notamment à un accès plus facile à une assistance psychologique, médicale et juridique, ainsi qu'à un accès aisé à des programmes de protection de témoins. Il souligne notamment combien il est important de faire prendre davantage conscience des violences sexuelles dans les zones de conflit, ce, grâce à des programmes juridiques, à la documentation des crimes fondés sur l'appartenance sexuelle dans les conflits armés, ainsi qu'à la formation de juristes, de juges et de militants sur le statut de Rome et sur la jurisprudence internationale relative aux crimes fondés sur l'appartenance sexuelle contre les femmes et les enfants.

Coopérer pleinement avec la CPI : le Parlement soutient l'accord sur la coopération et l'assistance conclu entre la CPI et l'Union européenne et demande aux États membres d'appliquer le principe de compétence universelle à la lutte contre l'impunité et les crimes contre l'humanité. Il encourage également fermement l'Union et ses États membres à saisir toutes les occasions et à exploiter tous les instruments diplomatiques pour agir en faveur d'une coopération efficace avec la CPI, notamment en ce qui concerne l'exécution des mandats d'arrêt toujours en vigueur. Dans cette perspective, il invite l'Union et ses États membres à établir, avec l'aide du SEAE, une série de lignes directrices pour définir un code de conduite qui régisse les relations entre, d'une part, les autorités de l'Union et des États membres et, d'autre part, les personnes recherchées par la CPI, a fortiori lorsque celles-ci assument encore des fonctions officielles. Il demande également à l'Union et aux États membres, dans le cas où un pays partenaire envoie une invitation à une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI ou exprime une volonté d'autoriser une telle personne à se rendre sur son territoire, d'exercer, dans les plus brefs délais, de fortes pressions sur ce pays afin qu'il procède à l'arrestation ou soutienne une opération d'arrestation à l’égard de la personne concernée. Á cet égard, le Parlement s’inquiète de l'accueil réservé au président soudanais el-Béchir par des États parties à la CPI (Djibouti, Kenya et Tchad) sur leur territoire sans qu'il ne soit arrêté et livré à la Cour.

Exécuter les mandats d’arrêts en cours : la Plénière constate dans un amendement oral adopté en Plénière que la majorité des 17 mandats d'arrêt délivrés par la CPI n'ont pas encore été exécutés, y compris ceux visant Joseph Kony et d'autres dirigeants de l'Armée de résistance du Seigneur à l'égard de la situation dans le nord de l'Ouganda, Bosco Ntaganda en République démocratique du Congo, Ahmed Mohammed Haroun, Ali Mohammed Ali Abd-el-Rahman et le président Omar Hassan Ahmed el-Béchir du Soudan, Saïf el-Islam Kadhafi et Abdullah el-Senussi en Libye. Concernant la Libye, la Plénière reconnaît la récente décision du procureur de la CPI de délivrer des mandats d'arrêts à l'encontre des Lybiens Saïf el-Islam Kadhafi et du chef des services de renseignements Abdullah el-Sanoussi, concernant les crimes contre l'humanité présumés commis depuis le début de l'insurrection dans le pays. Elle souligne que leur capture et le procès devant la CPI qui s'ensuivra constitueront une contribution cruciale à la lutte contre l'impunité dans la région.

La question des États africains : le Parlement constate que les États africains ont joué un rôle majeur dans la création de la CPI et juge leur soutien et leur coopération étroite indispensables au bon fonctionnement et à l'indépendance de la Cour. Il appelle dès lors les États africains parties au statut de Rome de la CPI à remplir leurs obligations de sorte que les pires criminels du monde répondent de leurs actes et que le cycle de l'impunité soit interrompu.

Des mesures pour soutenir le travail de la CPI : le Parlement propose toute une série de mesures pour soutenir l’action de la CPI parmi lesquelles on citera :

  • l’intégration pleine et entière par l'Union et ses États membres du travail de la CPI et des dispositions du statut de Rome dans leurs programmes de développement visant au renforcement de l'état de droit;
  • l’octroi d’une assistance technique, logistique et financière aux pays en développement qui ne disposent que de ressources limitées pour adapter leur législation nationale aux principes du statut de Rome ;
  • l’usage, par le SEAE et les services diplomatiques des États membres de l'Union, d’instruments diplomatiques destinés accroître le soutien à la CPI (ex. : les démarches, les déclarations politiques et les clauses de la CPI établies dans les accords conclus avec des pays tiers) ;
  • le déploiement, par la haute représentante/vice-présidente et les États membres de l'Union, d’efforts diplomatiques destinés à encourager les membres du Conseil de sécurité des Nations unies à poursuivre les renvois devant la CPI afin d'ouvrir des enquêtes contre des responsables de crimes contre l'humanité (ex. : Iran, Syrie, Bahreïn et Yémen) ;
  • l’appel à plusieurs pays d'Asie, d'Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d'Afrique sub saharienne à devenir parties au statut de Rome;
  • la promotion du principe d'universalité du statut de Rome avec les pays tiers de l’UE qui sont parties à l'accord de Cotonou ;
  • l'inclusion d'une clause CPI dans les mandats de négociation et les accords avec les pays tiers.

Il souligne en particulier la nécessité pour la CPI d'étendre son champ d'action au delà des situations de conflit armé et d'enquêter de manière plus volontariste sur les urgences en matière de droits de l'homme.

Des mesures plus ciblées sont proposées telles que : i) l’incitation de la Turquie, seul pays candidat officiel à l'Union, et des nouvelles démocraties arabes, à ratifier le statut de Rome ; ii) des mesures de soutien diplomatique des États membres de l'Union au mandat de la CPI auprès des enceintes des Nations unies ; iii) des efforts diplomatiques continus pour inciter les membres du Conseil de sécurité des Nations unies à veiller au renvoi des affaires devant la CPI notamment celles liées à des génocides ; iv) des actions de coordination et de coopération avec la CPI dans le cadre du mandat des représentants spéciaux de l'Union européenne et la nomination d’un RSUE pour le droit humanitaire international et pour la justice internationale dont le mandat consisterait à promouvoir, intégrer pleinement et représenter l'attachement de l'Union à la lutte contre l'impunité et à la CPI dans toutes les politiques étrangères de l'Union ; v) l’intégration de la CPI parmi les priorités de la politique étrangère européenne ; vi) la garantie que le SEAE possède l'expertise et la capacité de haut niveau nécessaires pour faire de la CPI une véritable priorité ; vii) un véritable engagement de l’UE et de la CPI elle-même à poursuivre et punir les auteurs de crimes sexuels contre l'humanité.

Le Parlement estime par ailleurs que l'efficacité du principe de complémentarité de la Cour réside dans l'obligation première des États parties d'enquêter sur les crimes de guerre, les génocides et les crimes contre l'humanité. Il se dit dès lors préoccupé par le fait que tous les États membres ne disposent pas d'une législation qui définit ces crimes en vertu du droit national pour lesquels leurs tribunaux peuvent exercer leur compétence.

2) nécessité de garantir à la Cour un soutien financier et logistique accru : globalement, le Parlement salue le soutien financier et logistique apporté jusqu'ici par l'Union et ses États membres à la CPI et recommande que les aides accordées actuellement soient maintenues. Il invite l'Union et ses États membres à soutenir les efforts de la Cour pour renforcer sa présence sur le terrain et appelle à davantage d’efforts en matière de sensibilisation (notamment, auprès des victimes). Dans ce contexte, il recommande aux États membres de continuer à assurer un financement suffisant du Fonds de la CPI au profit des victimes et aux autres Fonds connexes (ex. : Fonds spécial de la CPI pour les réinstallations …). Un financement suffisant et stable est également souhaité pour les acteurs de la société civile qui travaillent sur les questions liées à la CPI dans le cadre de l'IEDDH. De même, le Parlement incite les États membres de l'Union et le SEAE à entamer des discussions sur la révision des instruments financiers actuels de l'Union, en particulier le Fonds européen de développement (FED), en vue de déterminer de quelle manière ils pourraient soutenir davantage les activités de complémentarité dans les pays bénéficiaires afin de stimuler la lutte contre l'impunité. L'ensemble des États parties à la CPI sont également appelés à plaider en faveur d'efforts conjoints pour améliorer les procès à l'encontre des auteurs des crimes les plus graves.

Enfin, le Parlement rappelle qu’il a été l'un des premiers à soutenir la Cour et demande qu'une section sur la lutte contre l'impunité et la CPI soit intégrée au rapport annuel du Parlement européen sur les droits de l'homme dans le monde. Il demande en outre à jouer un rôle plus actif en promouvant et en intégrant pleinement la lutte contre l'impunité et la CPI dans toutes les politiques et institutions de l'Union.