Situation des femmes en période de guerre

2011/2198(INI)

La commission des droits de la femme et de l'égalité des genres a adopté le rapport de Norica NICOLAI (ALDE, RO) sur la situation des femmes en période de guerre.

Les députés évoquent en premier lieu le problème majeur de la violence sexuelle de masse comme arme de guerre et ses conséquences physiques et psychologiques dévastatrices sur les victimes. Ils soulignent que les causes profondes de la vulnérabilité des femmes dans les situations de conflit résident souvent dans le fait qu'elles ont peu accès à l'éducation et au marché du travail et que, par conséquent, la participation des femmes à l'économie sur un pied d'égalité est une condition indispensable de la lutte contre la violence sexospécifique dans les conflits armés.

Les députés mettent également en lumière le rôle des femmes dans les conflits armés et proposent une série de mesures pour mieux reconnaître leur rôle.

Exercice par les femmes de responsabilités dans les négociations de paix et de fonctions-clés dans la sécurité : les députés demandent que le soutien apporté par l'Union européenne aux processus de paix soit conditionné à la participation de femmes aux équipes internationales de négociations. Soulignant l'importance du dialogue politique pour l'autonomisation des femmes, les députés invitent la Commission, le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et les États membres à favoriser leur participation dans le cadre des relations bilatérales/multilatérales avec les États et les organisations tiers.

Plus globalement, les députés invitent la Commission et les États membres à garantir une assistance technique et financière appropriée pour soutenir des programmes permettant aux femmes de participer pleinement à la conduite des négociations de paix. Ils demandent également l'augmentation du nombre des femmes dans les armées et les opérations civiles de maintien de la paix, et suggèrent:

  • des campagnes nationales présentant l'armée et les forces de police comme une option valable aussi bien pour les femmes que pour les hommes (ex. : "journées portes ouvertes") ;
  • l'examen de la politique de promotion de l'armée pour s'assurer que les femmes ne sont pas désavantagées lors des opérations de promotion ;
  • l'application, dans les armées, de politiques adaptées aux besoins des femmes (ex. : maternité);
  • la mise en valeur des femmes qui ont fait preuve de courage ;
  • la présence d'un plus grand nombre de femmes, dans les opérations civiles, aux postes de haute responsabilité;
  • l'apprentissage approfondi, par les femmes et les hommes participant à des actions civiles, des besoins spéciaux et des droits fondamentaux des femmes et des enfants en situations de conflit.

Les députés demandent également que l'Union consacre des crédits suffisants, notamment au titre de l'Instrument de stabilité, à des mesures encourageant la présence et l'action effectives des femmes dans les institutions représentatives aux niveaux national et local ainsi qu'à tous les échelons de la prise de décisions dans le cadre du règlement des conflits et des situations de post-conflit.

Les incidences des conflits armés sur les femmes : les députés condamnent avec force la persistance de l'utilisation de violences sexuelles contre les femmes comme arme de guerre et appellent à la tolérance zéro en cette matière. Ils se félicitent au passage des enquêtes menées par l'ONU sur la base d'allégations d'actes d'exploitation sexuelle impliquant ses unités de maintien de la paix dans le cadre de l'opération en Côte d'Ivoire.

Les députés appellent à plusieurs mesures spécifiques dans ce cadre :

  • la mise en place de programmes d'aide aux victimes (en particulier, au Congo où au moins 8.300 viols ont été signalés en 2009 et au moins 1.244 femmes au 1er trimestre 2010, ce qui représente une moyenne de 14 viols par jour) ;
  • la mise en place de mesures de prévention de ces crimes et l'affectation de ressources à cette fin;
  • l'adoption de mesures visant à limiter les conséquences dommageables des conflits armés sur la vie familiale ;
  • la coopération avec les organisations locales de femmes et le soutien aux groupements locaux de représentants de la société civile, notamment les associations de femmes ;
  • la mise en œuvre de mesures résolues de lutte contre l'impunité des auteurs de violences sexuelles via le renforcement de la sensibilisation du système judiciaire dans les pays concernés ; cet élément devrait ainsi constituer un élément majeur dans les négociations de paix ;
  • le renforcement de l'éducation dans l'émancipation des femmes et des jeunes filles ;
  • la lutte contre les stéréotypes ;
  • la création d’unités de soins destinés à accueillir les femmes victimes de violences sexuelles ou psychologiques dans les zones de guerre ;
  • la création de structures permettant aux femmes victimes de porter plainte auprès de juridictions internationales.

Dans le même ordre d’idées, les députés suggèrent que l'Union et les États membres définissent et appliquent des lignes directrices sur les violences contre les femmes en appliquant des mesures ciblées telles que: i) la mise en place d'un système efficace de suivi de toutes les procédures judiciaires et de leurs prolongements dans les cas où des violences ont été commises contre les femmes; ii)  l'adoption de mesures, de stratégies et de programmes axés non seulement sur les éléments relatifs à la protection et à la poursuite, mais surtout à la prévention; iii) des programmes visant à dispenser gratuitement aux victimes d'actes de violence, des soins et des conseils psychologiques dans leur langue maternelle ; iv) des programmes de santé génésique et sexuelle, tant à destination des femmes que des hommes ; v) des mesures spécifiques pour garantir aux femmes en situation de guerre, l'accès équitable aux systèmes de santé publique ; vi) des programmes visant à la protection des témoins, afin de protéger les victimes contre leurs agresseurs.

Parallèlement, les députés invitent la Commission, le SEAE et les délégations du Parlement à trouver des moyens d'inciter à la signature, à la ratification et à l'application du Statut de Rome de 1998 (relatif à la Cour pénale internationale) par les pays en développement qui ne l'ont pas déjà fait, étape indispensable pour assurer la protection des femmes dans le domaine de la sexualité en temps de guerre.

En ce qui concerne les victimes, les députés appellent encore à un panel de mesures dont : i) la possibilité d'instituer des unités de réaction rapide composées de personnels formés (médecins, psychologues, sociologues et conseillers juridiques) de manière à fournir, immédiatement et sur place, une assistance aux victimes de crimes liés à l'appartenance sexuelle ; ii) des mesures d'indemnisation appropriée des victimes, conformément au droit international ; iii) des mesures de rétablissement de l’image des femmes victimes et la mise en place d’une nouvelle rhétorique à leur égard sur "l'expérience des femmes en temps de guerre".

Les députés font enfin une série de recommandations techniques dans le droit fil des propositions énumérées ci-avant. Parmi ces recommandations, on citera les éléments suivants :

  • création, au sein du SEAE, d'un poste de représentant spécial de l'Union européenne pour les femmes, la paix et la sécurité afin d'intégrer dans tous les domaines, la dimension de l'égalité hommes/femmes et d'assurer une étroite concertation avec les homologues des Nations unies;
  • attention particulière portée aux questions d'égalité hommes/femmes dans le cadre de la recherche sur la paix et du règlement des conflits ou des opérations de maintien de la paix ;
  • reconnaissance, par le SEAE, la Commission et les États membres, du droit à la protection et au soutien de la maternité, des soins et de l'éducation dispensés aux enfants, dans les questions de développement ;
  • adoption, mise en œuvre et application de plans nationaux d'action concernant les femmes, la paix et la sécurité dans le cadre des stratégies de l’Union en matière de développement ;
  • recrutement de femmes aux postes à responsabilité dans les délégations de l'Union européenne dans les pays tiers ou d’autres enceintes internationales pertinentes ;
  • lutte contre les stéréotypes, les discriminations (fondées sur le sexe, la culture ou la religion) et la violence domestique ;
  • instauration de procédures de plaintes publiques dans le cadre de la PSDC contribuant à la dénonciation des violences sexuelles ou sexistes;
  • prévision d'un budget et de compétences en matière d'égalité hommes/femmes et mise en place d’initiatives et d’activités relatives aux femmes, à la paix et à la sécurité dans le cadre des missions de la PSDC;
  • affectation de ressources financières à la promotion de l'égalité des genres et des droits des femmes dans les futurs instruments de financement du développement pour la période 2014-2020;
  • plus grande complémentarité de tous les instruments financiers destinés à l'action extérieure de l'Union dans le domaine de la protection de l’égalité hommes/femmes, afin d'éviter que l'Union réagisse en ordre dispersé devant la situation des femmes en période de conflit;
  • appui aux initiatives consistant à créer des indicateurs sexospécifiques d'alerte rapide et de surveillance des conflits, comme ceux d'ONU Femmes, du Conseil de l'Europe, de la Fondation suisse pour la Paix, de l'association International Alert et du Forum on Early Warning and Early Response.