Lutte contre l'abandon scolaire

2011/2088(INI)

Le Parlement européen a adopté par 543 voix pour, 83 voix contre et 4 abstentions, une résolution sur la lutte contre l'abandon scolaire.

Le Parlement rappelle que les taux d'abandon scolaire varient selon les États membres, même si globalement, en 2009, le taux moyen d'abandon scolaire s'élevait à 14,4% dans l’UE à cette date. Il rappelle également que l'un des cinq grands objectifs de la stratégie Europe 2020 était de ramener le taux d'abandon scolaire à moins de 10% et de faire passer à 40% au moins la part des jeunes générations qui obtiennent un diplôme de l'enseignement supérieur.

Constatant l’approche fragmentée et mal coordonnée des États membres pour s'attaquer à ce problème, le Parlement dresse un tableau de l'abandon scolaire avec ses principales caractéristiques:

  • les bases du futur parcours scolaire et bien-être éducatif d'un enfant sont posées dès le plus jeun âge ;
  • l'abandon scolaire est particulièrement prononcé dans les milieux pauvres et défavorisés et les enfants de familles de migrants ;
  • une moyenne de 20% des enfants roms ne sont scolarisés d'aucune manière et 30% d’entre eux sont en abandon scolaire particulièrement chez les garçons ; les filles sont confrontées à l’abandon scolaire dans les communautés roms traditionnelles où les mariages précoces sont très répandus ;
  • il existe une tendance marquée chez les enfants de personnes ayant quitté prématurément le système scolaire à faire de même;
  • des politiques inefficaces de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle débouchent sur une augmentation de l'abandon scolaire ;
  • l'abandon scolaire est source de difficultés d’apprentissage tout au long de la vie;
  • les redoublements et les renvois pénalisent le plus les élèves issus de milieux sociaux défavorisés selon les enquêtes PISA et de l’OCDE;
  • un changement d'école en raison de mauvais résultats scolaires, de problèmes comportementaux ou de difficultés spécifiques d'apprentissage a des conséquences négatives sur ses performances scolaires ;
  • les élèves défavorisés sont souvent doublement désavantagés dans la mesure où ils fréquentent des écoles affectées par différents types de désavantages socio-économiques et ont des enseignants moins bien formés et en quantité moindre.

Nécessité d'une approche personnalisée : face à ces divers constats, le Parlement rappelle que l'égalité des chances et des choix dans l'enseignement et l'égalité d'accès à un enseignement de qualité pour les personnes de toutes origines sociales, ethniques ou religieuses sont essentielles dans la construction d'une société plus juste, plus égalitaire et solidaire. Il souligne également que l'apprentissage scolaire est l'un des meilleurs moyens de donner à chacun une chance égale de réussite. Dans ce contexte, il appelle à une approche personnalisée et ouverte à tous en matière d'éducation, qui commence depuis l'éducation et l'accueil des jeunes enfants et comprend un soutien ciblé pour les personnes exposées à l'abandon scolaire. Il invite également à mieux coordonner l'offre de soutien éducatif, à accroître son accessibilité et à étendre la fourniture de services sociaux et d'aides à la famille. Cette approche devrait également avoir les principales caractéristiques suivantes : i) prise en charge spécifique des enfants en difficulté d'apprentissage (dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, troubles de déficit d'attention et d'hyperactivité) ; ii) mise à disposition de conseillers, distincts du corps enseignant, afin que les étudiants connaissant des problèmes puissent en parler sous le sceau de la confidentialité; iii) communication multilatérale et coopération plus étroite entre les écoles, les parents et les responsables locaux, y compris les médiateurs scolaires ; iv) création de mécanismes d'alerte précoce et de procédures de suivi pour les élèves en difficulté ; v) assistance aux parents, compte tenu de l'influence qu'exerce l'environnement familial sur le parcours éducatif et social des élèves; vi) amélioration de l'orientation professionnelle et des programmes de stage de qualité, ainsi que des visites et des échanges culturels et éducatifs organisés par les écoles ; vii) meilleure prise en compte des élèves ayant un handicap sensoriel dans les écoles ordinaires; viii) mise en place de programmes de tutorat dans les écoles de manière à mettre les élèves en contact avec d'anciens élèves; ix) réforme de certains contenus de l'apprentissage afin de les adapter aux besoins des enfants en décrochage ; x) limitation du redoublement par un soutien individuel flexible ; xi) renforcement de l’accès des élèves aux TIC.

Le Parlement souligne en outre que les difficultés sociales et financières que connaissent les familles défavorisées peuvent contraindre les étudiants à quitter l'école prématurément. Des mesures s’imposent donc pour soutenir financièrement ceux qui en ont besoin ou éventuellement leurs parents. Il suggère également la gratuité des repas à l'école, des livres scolaires et des équipements de sport, de manière à diminuer l'incidence des inégalités sociales.

Un effort doit également être fait pour éviter les brimades et la violence à l'école et pour s'attaquer à ce phénomène.

Responsabilité partagée : le Parlement souligne que les acteurs qui peuvent lutter contre l'abandon scolaire sont multiples : les acteurs éducatifs, les autorités publiques, les services de santé et les services sociaux locaux. Une approche "concertée" devrait dès lors permettre d'aider les personnes concernées à surmonter les multiples obstacles en matière d'éducation et d'emploi. Á cet effet, le Parlement souligne l'importance des allocations d'études qui permettraient aux enfants des milieux défavorisés de bénéficier des mêmes possibilités que les autres. Il estime en outre qu’il faut des mesures d'accompagnement du jeune afin de réduire les coûts résultant de la délinquance juvénile, de la criminalité, de la dépression ou des autres problèmes d'instabilité qui conduisent les enfants à abandonner l'école.

Pour mieux circonscrire les effets de l’abandon scolaire, le Parlement suggère que l’on associe les jeunes, notamment ceux ayant quitté prématurément l'école, aux débats sur la conception et la mise en œuvre des politiques et des programmes en matière d'abandon scolaire. Il faut également rendre les parents responsables de l'éducation des enfants jusqu'à leur 18ème anniversaire, de sorte que l'obligation scolaire soit prolongée de 2 ans, jusqu'à 18 ans au lieu de 16 ans ou jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire.

Le Parlement demande encore une meilleure analyse et une cartographie de la situation de l’abandon scolaire dans l’UE afin de mieux concevoir et élaborer des politiques ciblées dans ce domaine. Parmi les mesures phares figurent : une meilleure formation des enseignants, une aide pédagogique complémentaire dans les écoles exposées à l’abandon scolaire, l'assistance sociale des parents, un environnement d'apprentissage stimulant et favorisant l'intégration de tous (notamment dans des classes plus petites) et des programmes de cours aménagés.

Diverses méthodes d'apprentissage : le Parlement invite les États membres et les administrations régionales compétentes en matière d'éducation à reconnaître et à valider les connaissances acquises de manière non formelle et informelle. Il souligne notamment les avantages que présentent le sport, les activités culturelles, le bénévolat et la citoyenneté active en servant de cadre à l'éducation non formelle et à l'apprentissage tout au long de la vie. D’une manière générale, il souligne que les élèves doivent effectuer des parcours éducatifs variés, combinant formation générale et formation professionnelle, afin de donner à ces derniers les plus grandes chances d'accéder à un emploi de qualité. Les États membres sont également appelés à tenir compte des exigences du marché du travail et à prendre des mesures visant à accorder une plus grande importance aux qualifications professionnelles. Le Parlement souligne en outre que le principe d'"apprendre à apprendre" devrait être au cœur de tous les programmes scolaires, de même que la modernisation du matériel des établissements scolaires en vue de mettre à profit les possibilités qu'offre la numérisation des méthodes pédagogiques.

Le Parlement indique en particulier que la maîtrise de la langue et du calcul sont rarement atteints par tous les élèves, ce qui contribue à l'abandon scolaire. Les États membres devraient dès lors d'urgence fixer des objectifs afin que tous les élèves terminent l'école primaire en étant capables de lire, d'écrire et de faire des mathématiques à un niveau approprié pour leur âge.

Solutions de la seconde chance : le Parlement invite les États membres à trouver des moyens permettant de réinsérer les jeunes ayant quitté prématurément l'école dans le système scolaire en mettant en œuvre des programmes adaptés, tels que les écoles de la "seconde chance", qui offrent un environnement d'apprentissage adapté. Les taux de réinsertion les plus élevés sont obtenus par des programmes traitant les besoins individuels des décrocheurs scolaires. Il faut donc mettre en œuvre des initiatives au niveau local visant à encourager le retour à l'école. Les États membres devraient dès lors créer davantage d'écoles de la seconde chance, en renforçant le contenu des programmes et l'équipement matériel et technique et en améliorant la capacité du personnel enseignant disponible.

Système éducatif et emploi : le Parlement rappelle une fois encore que la réduction du taux d'abandon scolaire à 10%, conformément à la stratégie Europe 2020, aurait un effet sur la baisse du chômage des jeunes et sur l'amélioration du taux d'emploi, sachant que 52% des décrocheurs sont actuellement sans emploi. Il attire en outre l'attention sur le fait qu'une réduction du taux d'abandon scolaire de 1% seulement pourrait déjà faire croître de 500.000 le nombre de travailleurs qualifiés potentiels. Il estime que les pays européens ne peuvent se permettre ce gigantesque gaspillage de talents et qu’il est urgent de mettre l'accent sur le lien entre l'abandon scolaire et le chômage des jeunes.

Par ailleurs, les effets socio-économiques à long terme de l'abandon scolaire entraînent un risque de pauvreté majeur. Par conséquent, la réduction du nombre de jeunes en abandon scolaire constitue une mesure essentielle pour soustraire au moins 20 millions de personnes au risque de pauvreté. Il invite donc instamment les États membres à ne pas abaisser l'âge de la fin de la scolarité obligatoire. Les systèmes d'enseignement doivent également mieux répondre aux besoins du marché du travail, sachant qu'il deviendra de plus en plus rare de travailler toute sa vie dans la même branche professionnelle.

Il est, entre autre, également important :

  • d'élargir les possibilités de faire un stage en entreprise,
  • de faciliter la transition entre le système éducatif et le marché du travail,
  • d’accorder une attention particulière aux garçons rencontrant des difficultés d'adaptation à l'environnement scolaire puisqu’ils sont plus exposés que les filles à ce phénomène,
  • d’investir dans la reconversion et la modernisation des parcours de formation professionnelle,
  • d'améliorer les compétences acquises dans le cadre de l'enseignement technique et professionnel,
  • de favoriser l'apprentissage précoce des NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication) comme celles des langues.

Politiques de l'Union : d’une manière générale, le Parlement se félicite de la proposition de la Commission pour une recommandation du Conseil concernant les politiques de réduction de l'abandon scolaire. Il estime toutefois que cela n’est pas suffisant et que, mis en place dans le respect du principe de subsidiarité, un cadre européen de stratégies globales visant à lutter contre l'abandon scolaire pourrait constituer, pour les États membres, un guide utile les aidant à définir la bonne approche pour élaborer leurs programmes de réforme nationaux.

Le Parlement met également en garde contre les conséquences négatives des coupes budgétaires susceptibles d'intervenir dans les investissements publics en matière d'éducation et souligne que des investissements financiers plus importants en faveur de la lutte contre l'abandon scolaire peuvent, à long terme, permettre aux jeunes de ne pas devenir dépendants des systèmes de sécurité sociale. Il préconise en particulier une utilisation ciblée, efficace et cohérente des Fonds structurels, notamment du Fonds social européen, en vue de la pleine mise en œuvre des stratégies relatives à la jeunesse, dans le but de favoriser leur inclusion sociale et d'éviter l'abandon scolaire.

Il demande enfin :

  • une analyse approfondie de la question de l'abandon scolaire dans tous les États membres ;
  • des fonds accrus pour le programme de l'Union sur la formation tout au long de la vie et l'amélioration de l'accessibilité à ce programme;
  • des mesures de sensibilisation accrue de la part de la Commission en vue d’accroître la visibilité du programme Comenius sur la mobilité individuelle des élèves, qui peut contribuer à réduire l'abandon scolaire.