Définition d'une politique cohérente vis-à-vis des régimes contre lesquels l'Union européenne applique des mesures restrictives, lorsque leurs dirigeants poursuivent leurs intérêts personnels et commerciaux à l'intérieur des frontières de l'Union. Recommandation du Parlement européen à l'intention du Conseil

2011/2187(INI)

La commission des affaires étrangères a adopté un rapport d’initiative de Graham WATSON (ADLE, UK) contenant une proposition de recommandation du Parlement européen à l'intention du Conseil (conformément à l'article 121, paragraphe 1, du règlement) sur la définition d'une politique cohérente vis-à-vis des régimes autoritaires contre lesquels l'Union européenne applique des mesures restrictives, lorsqu'ils exercent des intérêts personnels et commerciaux à l'intérieur des frontières de l'Union européenne.

Dans le cadre de la PESC, les mesures restrictives ou les sanctions sont considérées comme des mesures coercitives ne faisant pas appel à la force, par exemple les embargos sur les armes, les sanctions commerciales, financières ou économiques, le gel d'avoirs, les interdictions de vol, les restrictions d'accès, les sanctions diplomatiques, le boycottage de manifestations sportives et culturelles et la suspension de la coopération avec le pays tiers.

Les députés considèrent que l'application de sanctions ou de mesures restrictives est efficace dans la mesure où elle s'inscrit dans une stratégie cohérente et globale de l'Union européenne et de ses États membres dans le domaine des droits de l'homme. Or, des désaccords entre les États membres sont souvent à l'origine d'une application incohérente des mesures restrictives, laquelle exerce des effets défavorables sur la crédibilité de l’Union européenne et sur l'efficacité desdites mesures.

Les troubles récents au Proche-Orient ont montré la nécessité d'adopter une stratégie plus cohérente et plus efficace vis-à-vis des régimes autoritaires déjà visés par des mesures restrictives de l'Union européenne. Les dirigeants autoritaires bâtissent souvent leur fortune personnelle en recourant à la corruption et en exploitant leurs peuples et leurs ressources. De plus, ils emploient fréquemment cette fortune pour asseoir leur pouvoir et opprimer leurs peuples,

Les députés estiment qu’un moyen efficace de lutter contre les dirigeants autoritaires serait de les décourager de profiter du produit de la corruption et de s'attaquer à leur capacité de transférer des fonds. Dans ce contexte, il est proposé que le Parlement européen adresse au Conseil les recommandations suivantes:

1°) élargir et renforcer son arsenal de mesures restrictives à l'encontre des régimes autoritaires en visant notamment leurs activités personnelles et commerciales dans l'Union européenne :

  • pour priver les dirigeants autoritaires et leurs principaux collaborateurs du droit de posséder des propriétés ou des capitaux dans les pays de l'Union européenne,
  • pour empêcher les dirigeants autoritaires et leurs principaux collaborateurs d'envoyer des membres de leur famille dans les pays de l'Union européenne pour y faire des études,
  • pour empêcher les dirigeants autoritaires et leurs principaux collaborateurs de se déplacer dans l'Union européenne,
  • pour interdire aux dirigeants autoritaires et à leurs principaux collaborateurs d'exploiter des intérêts commerciaux dans l'Union européenne.

2°) associer activement les pays tiers pour qu'ils participent à cette démarche.

Pour y parvenir, la commission parlementaire formule, entre autres, les recommandations suivantes:

  • élaborer des critères clairs concernant les cas dans lesquels des mesures restrictives doivent être appliquées, les objectifs de ces mesures, les formes de sanctions à prévoir et des orientations concernant leur évaluation périodique ainsi que la procédure de réexamen à suivre, en consultation avec le Parlement européen;
  • élaborer les critères de manière à renforcer le caractère systématique et la crédibilité des sanctions de l'Union tout en ménageant suffisamment de souplesse au niveau opérationnel pour permettre à l'Union de jouer de cet instrument comme d'un argument de négociation dans ses relations extérieures;
  • soutenir systématiquement l'action du tribunal pénal international en veillant à ce que les procédures et les arrêts de ce tribunal soient dûment pris en compte dans la politique de sanction de l'UE;
  • demander aux États membres de l'Union d'appliquer le principe de compétence universelle à la lutte contre l'impunité et les crimes contre l'humanité dans le but d'améliorer le système de justice pénale internationale;
  • mettre sur pied une politique de sanctions efficace : i) exhorter les 27 à parler d'une voix cohérente lorsqu'il s'agit de condamner les régimes autoritaires dans le cadre d'une approche intégrée unique de l'Union; ii) appliquer les régimes de sanction avec rigueur et uniformité, en s’employant à éviter les inégalités de traitement et en étendant leur champ d'application aux cas de violation des libertés fondamentales ; iii) appliquer des sanctions ciblées sur l’objectif visé et proportionnées à celui-ci, censées n’exercer leurs effets que sur les élites responsables des régimes répressifs ou criminels ; iv) veiller à ce qu'il n'y ait pas deux poids, deux mesures lors de l’adoption de mesures restrictives ou de sanctions et que celles-ci s'appliquent quels que soient les intérêts politiques, économiques et sécuritaires ; v) veiller à ce que les chefs des missions et délégations de l'UE soient étroitement associés à la détermination, à la mise en œuvre, au suivi et à l'évaluation des mesures restrictives et de leurs conséquences sur place en participant à la réalisation d'analyses d'impact.

La Commission et les États membres sont invités à coordonner l'application des embargos sur les armes qui relèvent des compétences des États membres.

En vue de conforter l’adhésion à une politique cohérente à l'intérieur des frontières de l'UE, les députés suggèrent : i) d’exhorter les États membres de l'UE à révéler que les dirigeants de régimes frappés de sanctions possèdent des actifs sur leur territoire ainsi que la valeur approximative et la localisation de ces actifs; ii) de demander aux États membres de l'Union de coopérer en échangeant les informations afférentes par l'intermédiaire des bureaux de recouvrement des avoirs existants et du réseau CARIN; iii) de renforcer la coopération entre les États membres de l’Union en ce qui concerne l’identification et la confiscation de ces actifs.

Il convient également d’inviter l'UE à renforcer la légitimité et le soutien du public et des milieux politiques à ses mesures, y compris aux mesures restrictives et aux sanctions prises au niveau de l'UE et au niveau international, en particulier dans les pays des régimes sanctionnés, et à associer le Parlement à cette démarche.