Vers une approche européenne cohérente du recours collectif

2011/2089(INI)

Le Parlement européen a adopté une résolution intitulée «Vers une approche européenne cohérente en matière de recours collectif».

La résolution se réfère au Flash Eurobaromètre de mars 2011 intitulé «Attitudes des consommateurs envers les ventes transfrontalières et la protection des consommateurs», selon lequel 79% des consommateurs européens admettent qu'ils seraient plus disposés à défendre leurs droits devant une juridiction s'ils pouvaient s'associer à d'autres consommateurs se plaignant du même objet.

L'intégration des marchés européens et l'augmentation consécutive des activités transfrontalières font ressortir la nécessité d'adopter une approche cohérente au niveau de l'Union pour faire face aux affaires dans lesquelles les consommateurs se retrouvent impuissants parce que les procédures de recours collectif en réparation introduites dans un certain nombre d'États membres n'offrent pas de solutions transfrontalières.

Nécessité d’une action au niveau de l’Union : le Parlement se félicite du travail de la Commission en faveur d'une approche européenne cohérente en matière de recours collectif et de la consultation «horizontale» lancée sur ce sujet en février 2011 (SEC(2011)0173). Il demande à la Commission de montrer, dans son évaluation d'impact, qu'il est nécessaire de mener une action au niveau de l'Union dans le but d'améliorer le droit européen en vigueur de façon à permettre aux victimes d'infractions à la législation de l'Union d'être indemnisés des dommages qu'ils ont subis. Il souligne les avantages possibles des procédures judiciaires collectives, en réduisant les coûts et en accroissant la sécurité juridique pour les parties requérantes et la partie défenderesse, mais également pour le système judiciaire, car elles permettent d'éviter les procédures parallèles sur des plaintes similaires.

Les députés se félicitent des efforts consentis par les États membres en vue de renforcer les droits des victimes de comportements illicites en instaurant, ou en prévoyant d'instaurer une législation visant à faciliter les recours sans ouvrir la voie à une culture de la saisie abusive des juridictions. Ils observent également que les mécanismes nationaux de recours collectif divergent largement les uns des autres, notamment dans leur champ d'application et leurs caractéristiques procédurales, ce qui est susceptible de porter atteinte à l'exercice des droits des citoyens.

La résolution formule les recommandations suivantes :

Législation existante de l'Union et mesures de redressement par voie d'injonction : le règlement (CE) n° 861/2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges donne accès à la justice en simplifiant la saisie transfrontalière des juridictions et en réduisant son coût, dans le cas de plaintes relatives à des montants inférieurs à 2.000 euros. La résolution note néanmoins que ce texte n'est nullement conçu pour offrir un accès efficace à la justice dans les cas où un grand nombre de victimes subissent un préjudice similaire.

Les députés sont d’avis que les mécanismes introduits par le règlement (CE) n° 2006/2004 relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs, ainsi que par la directive 2009/22/CE relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs, peuvent être sensiblement améliorés de façon à encourager la coopération et le redressement par voie d'injonction dans les affaires transfrontalières. Ils jugent particulièrement nécessaire d'améliorer les moyens de redressement par voie d'injonction dans le secteur de l'environnement. La Commission est donc invitée à renforcer ces instruments, et à en accroître l'efficacité.

La résolution souligne que les mesures de redressement par voie d'injonction devraient viser à la fois la protection des intérêts particuliers et celle de l'intérêt public. Elle demande que des précautions soient prises au moment d'étendre l'accès à la justice pour les organisations, dans la mesure où celles-ci ne devraient pas bénéficier d'un accès plus aisé à la justice que les particuliers.

Cadre «horizontal» et garanties juridiquement contraignants : les députés suggèrent que toute proposition en matière de recours collectif prenne la forme d'un cadre « horizontal » comprenant un ensemble de principes communs garantissant un accès uniforme à la justice au sein de l'Union par la voie du recours collectif et traitant spécifiquement mais non exclusivement des infractions aux droits des consommateurs. Des garanties doivent être mises en place à l'intérieur du cadre «horizontal» afin d'éviter les demandes non fondées ainsi que les abus en matière de recours collectif. De telles garanties doivent couvrir, entre autres, les points suivants :

  • Qualité pour agir : pour qu'une action représentative soit admissible, il doit exister un groupe clairement déterminé, et ses membres doivent être identifiés avant que le recours ne soit engagé. Les victimes ne doivent prendre part à la procédure que dès lors qu'elles ont clairement indiqué qu'elles souhaitaient être parties, et ce afin d'éviter d'éventuels abus. Les États membres devraient veiller à ce qu'un juge ou un magistrat continue d'avoir le pouvoir discrétionnaire de vérifier au préalable la recevabilité de tout éventuel recours collectif afin de confirmer que les critères d'éligibilité sont respectés et que le recours peut être introduit. Ils devraient également désigner les organisations ayant qualité pour engager des actions représentatives, et des critères européens seraient utiles pour définir clairement ces entités qualifiées.
  • Réparation complète du préjudice réel : le cadre «horizontal» devrait uniquement couvrir la réparation des préjudices réellement causés, et les dommages-intérêts à caractère punitif doivent être proscrits. Le montant accordé à titre de dommages-intérêts doit être réparti entre les différentes victimes proportionnellement au préjudice que chacune d'elles a subi.
  • Accès aux preuves: les auteurs d'actions collectives ne doivent pas être privilégiés par rapport aux requérants individuels en ce qui concerne l'accès aux éléments de preuve du défendeur, et chaque requérant doit avancer des éléments de preuve pour étayer son recours.
  • Principe selon lequel la partie qui succombe est condamnée aux dépens : les États membres doivent élaborer leurs propres règles en matière d'imputation des frais, en précisant que la partie qui succombe doit supporter les frais engagés par l'autre partie, afin d'éviter la multiplication de plaintes non fondées dans un mécanisme de recours collectif étendu à l'ensemble de l'Union.
  • Aucun financement par des tiers : la Commission ne doit pas formuler de principes ou d'orientations concernant le financement des actions en dommages-intérêts, dans la mesure où le recours à un financement par des tiers, par exemple en leur octroyant une partie du montant accordé à titre de dommages-intérêts, est pratiquement inconnue dans les systèmes juridiques des États membres; cela n'empêche pas les États membres de formuler des principes ou des orientations concernant le financement des actions en dommages-intérêts.

La Commission est invitée à étudier les moyens de diffuser, chez les consommateurs, la connaissance de la disponibilité de mécanismes de recours collectif et de faciliter la coopération entre les entités habilitées à engager des actions collectives. Les députés demandent également à la Commission de déterminer quelle est la législation de l'Union en vertu de laquelle il est difficile d'engager un recours en réparation et ce, afin de cerner les domaines dans lesquels le cadre «horizontal» pourrait ouvrir la voie à des recours collectifs en réparation en cas d'infraction à ladite législation, ainsi que pour violation des règles de l'Union sur les ententes et les abus de position dominante.

Résolution alternative des conflits (ADR) : le Parlement encourage la création de programmes de résolution alternative des conflits (ADR) au niveau européen de manière à permettre un règlement des litiges qui soit rapide et peu coûteux et constitue une solution plus attrayante que des procédures en justice. Il propose que les magistrats chargés de vérifier la recevabilité préalable d'une action collective soient aussi compétents pour ordonner aux parties concernées de rechercher une résolution consensuelle collective de la plainte avant d'engager des procédures judiciaires collectives.

Compétence et droit applicable : un cadre «horizontal» devrait lui-même fixer des règles visant à empêcher que les tribunaux ne soient pris d'assaut (course aux tribunaux), sans pour autant compromettre l'accès à la justice. Bruxelles I devrait servir de point de départ pour déterminer quels sont les tribunaux compétents.

Le Parlement demande que soit examinée plus avant la manière dont les règles de conflits de loi pourraient être modifiées : une solution pourrait consister à appliquer le droit du lieu où la majorité des victimes sont domiciliées, tout en gardant à l'esprit que toute victime devrait demeurer libre de ne pas engager d'action collective mais plutôt un recours individuel.

La résolution précise enfin que le Parlement européen devrait être associé, dans le cadre de la procédure législative ordinaire, à toute initiative législative en matière de recours collectif et demande que toute proposition soit fondée sur une analyse d'impact détaillée.