Renforcement de la solidarité intra-européenne en matière d'asile

2012/2032(INI)

OBJECTIF : renforcer le principe de solidarité au sein de l'Union européenne dans le domaine de l'asile.

CONTEXTE : la solidarité est une des valeurs fondamentales de l’UE et un principe directeur de la politique européenne commune en matière d’asile depuis ses débuts en 1999. Elle est à présent consacrée par l’article 80 du TFUE.

La solidarité a d’emblée été reconnue comme un élément essentiel du régime d’asile européen commun (RAEC). La nécessité de traduire la solidarité en mesures concrètes découle des réalités pratiques, puisque les systèmes d’asile de tous les États membres sont interdépendants. Un système surchargé ou défaillant dans un État membre a évidemment une incidence sur tous les autres, notamment via les mouvements secondaires. Les flux de demandeurs d’asile ne sont pas constants et ne sont pas non plus répartis de manière égale dans toute l’Union. Ils sont passés d’un pic de 425.000 demandes pour l’UE-27 en 2001 à moins de 200.000 demandes en 2006.

Une intensification des flux de demandeurs d’asile peut mettre à rude épreuve la capacité de certains États membres à y faire face. C’est pourquoi, un système de solidarité s’impose, allant de pair avec un accroissement de la confiance.

L’Union a déjà mis au point une série d’outils de solidarité qui constituent une base solide dans ce domaine.

Elle propose maintenant de les renforcer dans le cadre d’un plan opérationnel composé de 4 axes:

  • la coopération pratique et l’assistance technique,
  • la solidarité financière,
  • la répartition des responsabilités,
  • l’amélioration des outils pour la gouvernance du système d’asile.

CONTENU : de nombreuses mesures de coopération pratique ont été prises ces dernières années en matière d’asile. La présente communication fait le relevé de ces différentes mesures et propose un arsenal de mesures nouvelles destinées à les renforcer.

1) renforcement du Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEA) : le BEA a été créé pour renforcer la coopération pratique dans le domaine de l’asile. Son impact dépendra cependant de la volonté des États membres à utiliser les possibilités qu’il offre et de leur détermination à s’engager dans une telle collaboration. La communication suggère ainsi la possibilité de déployer, dans les États membres demandeurs, des équipes d’appui en matière d’asile du BEA sur la base de plans d’exploitation. D’autres mesures opérationnelles de solidarité sont envisagées dans ce contexte, en coordination avec FRONTEX et EUROPOL.

En réponse aux événements récents en Méditerranée (Printemps arabe, guerre en Lybie), la Commission envisage, entre autre, les actions suivantes pour le BEA :

  • octroyer des ressources suffisantes au BEA pour qu’il en soit fait un meilleur usage dans les États membres ;
  • le BEA doit apporter aux États membres un soutien technique à la mise en œuvre complète de la législation en matière d’asile ;
  • en 2012, le BEA doit réviser les procédures qui faciliteront le détachement de fonctionnaires en vue d’aider ceux d’entre eux qui sont confrontés à des pressions particulières en matière d’asile;
  • le BEA doit améliorer l’efficacité du déploiement d'experts en évaluant la méthode du plan d’exploitation et l’expérience initiale des équipes d’appui à l’asile en Grèce (pays particulièrement exposé) ;
  • en 2013, la Commission doit évaluer l’impact du BEA sur la coopération pratique en matière d’asile et sur le RAEC et proposer d’éventuelles mesures complémentaires jugées nécessaires pour garantir la solidarité et le partage des responsabilités ;
  • le BEA et FRONTEX devront convenir de modalités de coopération claires notamment en cas d’urgence particulière ;
  • la Commission et les États membres doivent étudier la possibilité de recourir au mécanisme de protection civile de l’UE en cas de flux migratoires exceptionnels dépassant les capacités de réponse nationales quand certaines conditions sont remplies.

2) renforcement de la solidarité financière : la Commission propose dans un premier temps de maximiser l'utilisation du Fonds européen pour les réfugiés jusqu’en 2013. À partir de 2014, les États membres disposeront d’un nouveau Fonds «Asile et migration» (FAM). Ce dernier apportera une série d’importantes améliorations qui devraient aider à atteindre les objectifs stratégiques de l’Union et générer une valeur ajoutée européenne plus significative (voir détail de la proposition de la Commission sur le FAM sur ce point COM(2011)0751).

Les actions clés de solidarité financière seraient ainsi les suivantes :

  • les États membres devraient faire le meilleur usage possible des programmes 2011, 2012 et 2013 du FER, notamment les mesures d’urgence ;
  • en 2013, la programmation devrait être utilisée de manière plus stratégique, par exemple pour financer la transposition et la mise en œuvre de la législation adoptée dans le cadre du paquet «asile» de 2012 ;
  • les colégislateurs devraient se mettre rapidement d’accord sur le nouveau Fonds ;
  • les États membres devraient garantir la coordination et la complémentarité avec d’autres instruments financiers européens afin de renforcer leur capacité à gérer les flux de demandeurs d’asile.

3) répartition des responsabilités : dans ce cadre, plusieurs mesures sont envisagées :

a) réformer le règlement de Dublin : l’objectif du règlement de Dublin, à savoir l’attribution de la responsabilité de chaque demandeur d’asile à un État membre, reste au cœur du RAEC. Toutefois, la jurisprudence a soulevé des questions fondamentales quant à la manière d’exploiter efficacement le système de Dublin en toutes circonstances et de faire en sorte que les mesures prises pour l’application du règlement respectent totalement les droits fondamentaux. Afin de protéger l'intégrité du système de Dublin, l’efficience de ce dernier et le niveau de protection des demandeurs doivent être améliorés.

Les négociations relatives à la proposition de la Commission de 2008 ont mis en évidence le besoin de renforcer la confiance mutuelle dans le système de Dublin. L'une des solutions pourrait être d’intensifier les mesures de suivi et de résolution des problèmes en vue d’intervenir plus tôt à l’aide des dispositifs d’évaluation et d’alerte rapide. Il est donc envisagé de réviser le règlement de Dublin à mesure que d’autres composants du RAEC et des outils de solidarité européens sont créés.

b) répartition des bénéficiaires d’une protection internationale : la répartition consiste à transférer des bénéficiaires ou des demandeurs d'une protection internationale d’un État membre vers un autre, l’État membre d’accueil assumant alors la responsabilité de l’examen de la demande ou des mesures d’intégration. L’idée de répartir les demandeurs d'une protection internationale avant que leurs besoins de protection aient été évalués ne fait pas l'unanimité. De nombreuses questions demeurent quant à la manière dont une telle action s'inscrirait dans le cadre du système de Dublin, à son utilité pratique et son rapport coût/efficacité par rapport aux autres formes de solidarité, et à l’impact sur les demandeurs eux-mêmes.

La Commission ne juge pas utile de proposer un mécanisme européen de répartition des demandeurs d'une protection internationale pour le moment. Néanmoins, elle a prévu la possibilité d'un cofinancement par l'Union de ce genre d’activités dans la proposition FAM. Ce cofinancement pourrait aussi être utile en cas d’urgence. En revanche, il existe un consensus autour de l’idée que la répartition des bénéficiaires d’une protection internationale peut être à la fois utile et opportune. En juin 2009, la Commission a  proposé un projet pilote à l’échelle européenne, le projet EUREMA (EU Relocation Malta), cofinancé par le FER. Ce projet pilote a constitué une expérience importante pour tous les participants. Pendant son déroulement, les États membres ont fait preuve de créativité pour trouver des solutions aux nombreux problèmes juridiques et pratiques concernant, par exemple, l’octroi d’un statut adéquat ou les mesures d’intégration proprement dites. Sur la base de l’expérience acquise, la Commission va proposer, sous réserve d’une analyse d’impact complémentaire, un système permanent auquel la participation sera volontaire. Les États membres pourront ainsi demander une assistance sous la forme d'une répartition, notamment en cas d’urgence.

c) traitement conjoint des demandes sur le territoire de l’Union : de nombreux aspects du traitement conjoint des demandes d’asile doivent être clarifiés. Les questions essentielles à examiner incluent une évaluation du type de situations dans lesquelles un traitement conjoint pourrait être utile. Les aspects juridiques et administratifs à prendre en considération comprennent la compatibilité avec le droit européen, la base juridique des traités, la question du recours effectif, le statut des personnes qui font l’objet d’un traitement conjoint, la compétence de la prise des décisions, etc. ainsi que d’autres aspects financiers et pratiques (entre autres, endroit où aurait lieu le traitement conjoint). Le traitement conjoint sur le territoire de l’Union pourrait toutefois devenir un outil de solidarité utile. Il pourrait compléter le système de Dublin en aidant les États membres sous pression à réduire le nombre de dossiers en souffrance, et constituer un moyen de diffuser les meilleures pratiques et de partager les techniques. C’est pourquoi, la Commission a l’intention de lancer une étude afin d’examiner ces questions en profondeur, fin 2012.

4) garantir une répartition adéquate des responsabilités dans des cas exceptionnels : en cas d’afflux massif de personnes déplacées, la Commission envisage toujours d’activer le mécanisme de la directive relative à la protection temporaire. Cette directive prévoit l'octroi d'un statut adéquat à ses bénéficiaires, tout en soulageant le système d’asile et en créant un mécanisme structuré, mais volontaire pour le transfert des bénéficiaires entre États membres. Toutefois, ce type de situation est rare. Même, les événements de 2011 dans le sud de la Méditerranée n’ont pas entraîné un afflux de personnes dans l’Union à une échelle comparable à celle faisant suite à la guerre en ex-Yougoslavie.

En tout état de cause, cependant, les États membres sont tenus, en vertu du droit international, de porter assistance à toute personne en détresse en mer et d’assurer son débarquement en lieu sûr le plus rapidement possible. S’il s’agit d’obligations absolues axées sur la vie et la santé des personnes, on ne peut nier que, sans les mesures prises au niveau européen, les arrivées massives mettraient à rude épreuve les capacités et responsabilités d’accueil des États membres, notamment en ce qui concerne les retours.

C’est pourquoi, la Commission envisage les actions clés suivantes :

  • réformer le règlement de Dublin afin de respecter l’échéance de 2012 et lancer un «bilan de qualité» du règlement de Dublin en 2014 ;
  • proposer en 2012 un système volontaire et permanent de répartition des bénéficiaires d’une protection internationale ;
  • lancer une étude sur la faisabilité et les implications juridiques et pratiques de l’établissement d’un traitement conjoint des demandes d’asile, avant fin 2012.

4) renforcer les outils de gouvernance : à la suite d’allégations selon lesquelles la Grèce n’avait pas correctement mis en œuvre la législation européenne en matière d’asile et selon lesquelles certains aspects de son système d’asile laissaient beaucoup à désirer, notamment les conditions inhumaines dans des centres de rétention, la Commission a lancé une procédure d’infraction à l’encontre de la Grèce en 2009. La Commission a cependant reconnu qu’il était nécessaire d’apporter différentes formes d’assistance à la Grèce pour améliorer la situation, étant donné l’aspect humanitaire de l’asile. Elle a notamment aidé la Grèce à mettre au point un plan d’action national en matière de gestion de l’asile et débloqué un financement d’urgence du FER.

a) renforcer la résilience du système de Dublin : la Commission, le Parlement européen et les États membres ont récemment discuté de la manière de garantir le bon fonctionnement des systèmes d’asile de tous les États membres et de détecter et résoudre les problèmes émergents avant qu’ils ne mènent à des crises et à des procédures d’infraction. L’idée d’un mécanisme d’évaluation et d’alerte rapide semble constituer une voie à suivre. En pratique, un processus d’évaluation et d’alerte rapide pourrait couvrir différents aspects de la gouvernance du système d’asile de chaque État membre. La Commission estime qu’un tel processus pourrait considérablement renforcer la confiance mutuelle entre les États membres et avec les organisations de la société civile qui sont souvent critiques à l’égard du système de Dublin.

b) renforcer la confiance mutuelle via d’autres domaines de la gestion des migrations : bien que les objectifs de chaque politique de migration soient différents, une meilleure gestion des migrations sous la forme d’une meilleure gestion des frontières et d’une meilleure politique des visas peut avoir un impact positif sur le renforcement de la confiance mutuelle entre les États membres dans le domaine de l’asile. La Commission a proposé, le 16 septembre 2011, une série de modifications de la gouvernance Schengen en vue de protéger la libre circulation en renforçant la confiance mutuelle entre les États membres. Ces propositions amélioreront inévitablement la gestion commune de Schengen.

S’agissant de la politique des visas, l'une des modifications du règlement relatif aux visas pourrait aussi contribuer à renforcer l’efficacité des systèmes d’asile des États membres. L’introduction d’une clause de sauvegarde sur les visas en tant que mesure de dernier ressort, permettrait de suspendre la circulation sans visa à partir d’un pays tiers donné lorsque tout semble indiquer qu'il y a eu abus du système d’asile. Ce mécanisme permettrait notamment à l’Union de maintenir un équilibre entre une meilleure gestion de la circulation des ressortissants de pays tiers et la garantie que la circulation sans visa ne mène pas à des excès.

Les actions clés suivantes sont donc envisagées :

  • les États membres doivent mettre en œuvre le droit européen et la Commission doit évaluer régulièrement cette mise en œuvre et poursuivre les infractions ;
  • la Grèce doit activement poursuivre la mise en œuvre de son plan d’action et faire pleinement usage des mesures de solidarité disponibles ;
  • les colégislateurs doivent achever les négociations sur le règlement de Dublin en prévoyant des dispositions renforcées pour favoriser la confiance mutuelle entre les États membres ;
  • les colégislateurs doivent approuver le paquet «Schengen» afin d’améliorer la gouvernance de la gestion des frontières ;
  • les colégislateurs doivent approuver la modification du règlement relatif aux visas.