Vers un marché européen intégré des paiements par carte, par internet et par téléphone mobile

2012/2040(INI)

OBJECTIF : lancer une consultation en vue de faciliter les paiements sûrs et innovants par carte, internet et téléphone mobile (Livre vert de la Commission).

CONTEXTE : le SEPA (espace unique de paiements en euros) repose sur l’idée première qu’il ne devrait pas y avoir de distinction dans l'UE entre les paiements de détail électroniques en euros selon qu'ils sont transfrontaliers ou nationaux. Le projet SEPA englobe les principaux instruments de paiement de détail: les virements, les prélèvements et cartes de paiement.  Partant de là, le SEPA devrait constituer un tremplin pour la création d’un marché européen des paiements qui soit compétitif et novateur de deux manières.

  • Le premier angle d'intervention concerne la proportion toujours croissante des paiements en ligne (e-paiements) et des paiements par téléphone mobile (m-paiements). Sur ce point, les instruments de paiement paneuropéens SEPA peuvent servir de base à des innovations plus intégrées et plus sûres dans le domaine des paiements.
  • En second lieu, les normes et règles actuelles élaborées dans le cadre du SEPA pourraient être étendues aux instruments de paiement en devises autres que l'euro, repoussant ainsi les frontières d’un marché des paiements unique au-delà des seules transactions libellées en euros.

Le marché des paiements de détail en euros est l’un des plus vastes au monde. En 2009, selon les statistiques de la Banque centrale européenne (BCE), près de 58 milliards d’opérations de paiement de détail ont été effectuées dans la seule zone euro. Les taux de croissance annuelle de la taille du marché du commerce électronique au cours des cinq prochaines années sont estimés à environ 10%. Au niveau de l’UE, on prévoit que les dépenses moyennes par habitant vont passer de 483 EUR en 2009 à 601 EUR en 2014.

Les avantages économiques de l’intégration de ce marché sont considérables. Par exemple, des études indiquent que les retombées directes et indirectes d'une migration totale des virements, prélèvements et cartes de paiement vers le SEPA pourraient dépasser 300 milliards EUR sur une période de six ans. Au niveau européen cependant, le degré actuel d’intégration des systèmes de paiement varie considérablement entre les différents instruments de paiement (tels que les virements, prélèvements et cartes de paiement) et les canaux utilisés (e-paiement ou m-paiement) pour effectuer un paiement :

  • les cartes de paiement représentaient en 2009 un tiers de tous les paiements de détail. Toutefois, l’intégration du marché européen des cartes de paiement est loin d’être terminée et il y a encore peu de résultats tangibles ;
  • faute de cadre d’(auto-)régulation cohérent et complet, la situation actuelle en matière de paiements électroniques en Europe est extrêmement fragmentée selon les États, avec un petit nombre de systèmes d'e-paiement nationaux qui fonctionnent bien et un nombre réduit de grands acteurs internationaux, extérieurs à l’Europe ;
  • la pénétration du marché des m-paiements dans l’UE conserve toujours une importante marge de progression en comparaison, par exemple, de la région Asie/Pacifique. Les initiatives mondiales les plus importantes et les plus prometteuses en matière de m-paiements sont actuellement lancées en dehors de l’Europe.

En vue de promouvoir et d’accélérer l’intégration du marché dans le domaine des paiements par carte, des e-paiements et des m-paiements, il reste un certain nombre de points à régler, tels que la sécurité, la liberté de choix, l’absence d’entrave à l’innovation technique et commerciale, la normalisation des différents composants et l’interopérabilité.

CONTENU : le présent Livre vert fait l'analyse du paysage actuel des paiements par carte, internet et téléphone mobile et identifie les lacunes qui font que la situation actuelle s'écarte de la vision d'un marché des paiements pleinement intégré, ainsi que les obstacles à l'origine de ces lacunes.

L’objectif du Livre vert est de lancer un processus de consultation à grande échelle auprès des acteurs concernés et de contribuer à identifier les mesures appropriées pour améliorer l’intégration du marché.

Les principales questions abordées par le livre vert sont :

1) L’accès au marché et l’accès transfrontalier aux marchés : le document identifie un certain nombre de questions distinctes, qui se posent de la même façon pour les e-paiements et les m-paiement :

  • la nécessité de clarifier la situation juridique en ce qui concerne les commissions multilatérales d’interchange (CMI) ;
  • les obstacles au développement des acquisitions transfrontalières, c’est-à-dire la situation dans laquelle un commerçant utilise les services d’un prestataire de service de paiement acquéreur établi dans un autre pays ;
  • les avantages et/ou inconvénients potentiels du co-badgeage, qui consiste à combiner plusieurs marques de sociétés de paiement sur une même carte ou un même appareil ;
  • l’opportunité de séparer les systèmes de cartes et le traitement des paiements par carte;
  • l’accès aux systèmes de règlement pour les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique ;
  • le contenu et l’impact sur le marché (produits, prix, modalités et conditions) du SEPA Cards Framework (SCF) et la question de savoir si les régimes non conformes devraient disparaître après la mise en œuvre intégrale du SCF ;
  • l’opportunité de permettre à des établissements non bancaires, avec l’accord du client, d'accéder aux informations concernant la disponibilité de fonds sur les comptes bancaires - nécessaires pour les autorisations et/ou garanties de paiement d’une transaction donnée ;
  • la nécessité d’établir des règles objectives pour encadrer le comportement des prestataires de services de paiement et des systèmes de cartes de paiement à l'égard des utilisateurs qui en dépendent.

2) La transparence et l'efficience de la tarification des services de paiement : le véritable coût des services de paiement est souvent opaque, autant pour les consommateurs que pour les commerçants, ce qui entraîne des coûts de paiement plus élevés pour l’économie de l’UE. Le manque de transparence concerne principalement le marché des cartes, mais les liens entre cartes, e-paiements et m-paiements, ont des répercussions sur tous ces modes de paiement.

En outre, le renforcement de la transparence dans la tarification doit être considéré comme un moyen de réduire le coût des transactions de paiement pour toutes les parties concernées et, au final, d’optimiser les coûts dans toute l’UE. Un autre problème lié à la tarification des services de paiement concerne les micropaiements, c'est-à-dire les paiements de faible valeur, lesquels sont souvent, de par leur nature, effectués par carte, e-paiement ou m-paiement. Les frais de paiement sont souvent perçus comme excessifs, par les consommateurs comme par les commerçants.

3) La normalisation technique : si l’interopérabilité transfrontalière se réalise, les utilisateurs de services de paiement européens (entreprises, consommateurs, commerçants) profiteront pleinement de la concurrence, de la liberté de choix et d’opérations de paiement plus efficients. Cela concerne tous les paiements électroniques et implique de multiples acteurs du processus de paiement, en fonction du mode de paiement.

Cependant, la normalisation des différents composants (par exemple, les protocoles, interfaces, applications, services) doit être assurée en profondeur  afin de réduire au minimum les risques d'exclusion d'innovations ou de concurrents éventuels.

La question se pose de savoir si l’utilisation de normes communes pour les paiements par carte serait bénéfique et si  les dispositifs de gouvernance actuels sont suffisants pour coordonner, piloter et assurer l’adoption et la mise en œuvre de normes communes pour les paiements par carte dans un délai raisonnable.

4) L'interopérabilité entre prestataires de services : la coopération est une exigence clé dans une industrie en réseau telle que celle des paiements, étant donné que tout paiement requiert un accord entre le prestataire de services de paiement du payeur et le prestataire de services de paiement du bénéficiaire. Pour que tout paiement puisse atteindre n’importe quel bénéficiaire sans préjudice pour les acteurs et intermédiaires impliqués, un niveau de coordination plus élevé est souhaitable sous la forme d’une interopérabilité totale.

Conformément à la proposition de la Commission sur les virements et les prélèvements, le principe d’interopérabilité pourrait s’appliquer au marché des cartes, tout en éliminant les obstacles mentionnés ci-dessus, en particulier en ce qui concerne le choix de l’acquéreur et les règles commerciales.

5) La sécurité des paiements et la protection des données : la sécurité des paiements de détail est un préalable essentiel pour les utilisateurs de systèmes de paiement comme pour les commerçants. La consultation publique sur l’avenir du commerce électronique au sein du marché intérieur a désigné la sécurité des systèmes de paiement comme l’un des principaux obstacles à l’adoption généralisée du commerce électronique.

  • Au niveau européen, le remplacement progressif des cartes basées sur la signature (équipées d’une bande magnétique pour la lecture de la carte) par des cartes à «puce et PIN» (conformes à la norme EMV) a considérablement contribué à réduire la fraude sur les points de vente. Les activités frauduleuses se portent désormais de plus en plus sur les opérations par carte à distance, en particulier les paiements sur internet.
  • La protection des données constitue un second aspect important. Les informations à caractère sensible concernant les clients devraient être conservées dans une infrastructure de paiement sûre, tant en termes de traitement que de stockage des donnée. Il est par ailleurs crucial que les mécanismes d’authentification des transactions de paiement soient conçus dès le départ de manière à inclure les mesures nécessaires pour garantir la conformité aux exigences de protection des données.

6) La gouvernance : jusqu’à présent, le SEPA a principalement évolué sous la forme d'un projet autorégulé, mis en place et géré par le secteur bancaire européen, par l'intermédiaire du Conseil européen des paiements (CEP), avec le soutien de la BCE et de la Commission.

  • Avec l'adoption du règlement établissant des exigences techniques pour les virements et les prélèvements en euros, il peut être utile que les institutions de l'UE participent plus activement à la gouvernance du SEPA. Dans ce contexte, il pourrait être envisagé de renforcer le rôle de la surveillance législative et réglementaire par l'intermédiaire, par exemple, de la BCE, de la Commission ou de l'Autorité bancaire européenne (ABE).
  • Dans des domaines tels que la création d’un cadre adapté pour les e-paiements et m-paiements, les efforts d’intégration sont lents à produire des résultats tangibles, retardant ainsi l’interopérabilité, l’innovation, la diversification des choix et les effets d’échelle. Les incertitudes risquent d'amener les participants au marché à adopter une attitude attentiste. La réalisation d’un marché intégré nécessite d’adopter une approche globale impliquant réglementation, autorégulation et conformité aux lois de la concurrence puis contrôle de conformité.

Toutes les parties intéressées sont invitées à soumettre leur point de vue sur les questions ci-dessus. Les contributions doivent parvenir à la Commission le 11 avril 2012 au plus tard.