Rapport annuel sur les droits de l'homme dans le monde et la politique de l'Union européenne en la matière, y compris les conséquences pour la politique stratégique de l'Union européenne et pour les droits de l'homme

2011/2185(INI)

La commission des affaires étrangères a adopté le rapport d’initiative de Richard HOWITT (S&D, UK) sur le rapport annuel sur les droits de l’homme dans le monde en 2010 et la politique de l’Union européenne en la matière, notamment les implications pour la politique stratégique de l’UE en matière de droits de l’homme.

Le rapport salue la révision de la stratégie européenne relative aux droits de l'homme et à la démocratisation, présentée dans la communication conjointe du 12 décembre 2011 de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission européenne au Parlement et au Conseil. Les députés demandent aux États membres de s'engager pleinement dans ce processus et d'en appliquer les résultats dans leurs actions nationales, ainsi qu'au niveau européen.

La commission parlementaire soutient le fait que la communication est ancrée dans les concepts d'universalité et d'indivisibilité des droits de l'homme et se concentre sur l'action de l'Union concernant l'encouragement de l'adhérence aux obligations et engagements actuels des pays tiers en vertu des droits de l'homme internationaux et du droit humanitaire, et qu'elle vise à renforcer le système de justice internationale. Elle reconnaît, à la suite du « printemps arabe », la nécessité de placer le respect des droits de l'homme au centre de la politique étrangère de l'Union, et souligne donc que l'Union doit soutenir et associer les gouvernements, les parlements et la société civile dans le processus de respect et de surveillance des droits de l'homme.

Les principaux points abordés dans le rapport sont les suivants :

Éviter les «deux poids, deux mesures» : le rapport souligne que pour que l’Union soit un acteur crédible dans le domaine des relations extérieures, elle doit agir de manière cohérente et éviter les « deux poids, deux mesures » entre la politique des droits de l’homme et d’autres politiques extérieures, entre les politiques intérieures et extérieures et dans la conduite de ses relations avec les pays tiers. Les députés estiment que la refonte des directives en matière d’asile devrait mettre un terme aux préoccupations constantes relatives aux violations des droits de l’homme, de même qu’aux allégations de «deux poids, deux mesures» appliquées par les États membres dans ce domaine.

L’Union, les États membres et la Commission européenne sont invités prendre les mesures nécessaires afin d’assurer le sauvetage en mer des migrants cherchant à se rendre dans l’Union et d’assurer la coordination et la coopération entre les États membres et les autorités compétentes afin d’éviter le naufrage et la mort de centaines de femmes, d’enfants et de d’hommes en mer.

Le rôle de la société civile : soulignant le rôle essentiel joué par la société civile dans la protection des droits de l’homme, le rapport demande la désignation de personnes de contact avec la société civile et les défenseurs des droits de l’homme au sein des délégations de l’Union. Il insiste sur la nécessité d’améliorer le partage d’informations entre les différents acteurs de la défense des droits de l’homme à travers le monde afin de mieux connaître les activités et actions entreprises, notamment en ce qui concerne les cas particuliers, ainsi que les difficultés rencontrées. Il insiste à cet égard sur la nécessité de créer un mécanisme de surveillance par la société civile de manière à assurer la participation systématique de celle-ci à l'application des conventions et programmes.

Coopération au développement : les députés invitent l’Union à déployer des efforts supplémentaires, à placer les droits de l’homme et la démocratie davantage au cœur des actions de coopération au développement et à veiller à ce que les programmes de développement de l’Union aident les pays partenaires à s’acquitter de leurs obligations internationales en matière de droits de l’homme. Ils soulignent que la démocratie, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la bonne gouvernance, la paix, la sécurité sont en synergie et se renforcent mutuellement en ce qui concerne le développement, la réduction de la pauvreté et la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.

Cour pénale internationale (CPI) et lutte contre l'impunité : les députés appellent l'Union et ses États membres à adopter un ensemble de lignes directrices internes pour la définition d'un code de conduite régissant les contacts avec les personnes recherchées par la CPI. Ils invitent tous les États membres (notamment la République de Chypre, la République tchèque, la Hongrie, l'Italie, le Luxembourg et le Portugal) à adopter une législation nationale relative à la coopération avec la Cour et à conclure des accords-cadres avec la CPI pour faciliter la coopération, notamment pour assurer l'exécution des mandats d'arrêt et d'autres requêtes de la Cour.

Les députés estiment que la lutte contre l'impunité est un domaine prioritaire pour l'action de l'Union. Ils estiment que la mise à jour, en 2011, des instruments de l'Union concernant la CPI a constitué une avancée considérable qui doit être reflétée dans la future stratégie européenne des droits de l'homme.

Clauses relatives aux droits de l'homme et à la démocratie : les députés appellent à ce que toutes les relations contractuelles avec les pays tiers, industrialisés ou en développement, notamment les accords sectoriels, commerciaux et d'assistance technique ou financière, comprennent des clauses contraignantes explicites sur les droits de l’homme et la démocratie. Ils invitent la Commission à veiller à la stricte application de ces clauses et à ne pas hésiter à mettre en œuvre le mécanisme de suspension pour les accords en vigueur quand les clauses types en matière de droits de l'homme sont violées de manière répétée.

Les députés réaffirment la nécessité de dresser, en matière de droits de l'homme et de démocratie, à des fins de description et d'évaluation un catalogue unique de critères qui serait reconnu par toutes les institutions de l'Union. Ils souhaitent par ailleurs que tous les accords de libre-échange à venir comportent un chapitre social et environnemental détaillé.

Femmes et droits de l'homme : le rapport  souligne les rôles, expériences et contributions distinctifs des femmes dans le contexte de la paix et de la sécurité. Il salue la création d'ONU Femmes et invite l'Union à travailler en étroite collaboration avec cette institution au niveau international, régional et national pour faire appliquer les droits des femmes. Les députés condamnent fermement la mutilation génitale féminine et prient instamment la Commission d'accorder une attention spécifique à ces pratiques traditionnelles néfastes dans sa stratégie de lutte contre la violence à l'encontre des femmes. Ils invitent le Conseil à inclure les questions des « mariages forcés » et des avortements « en fonction du sexe » dans les lignes directrices de l'Union concernant la violence à l'encontre des femmes et des filles.

Droits des enfants : le rapport demande au Conseil et à la Commission d'intensifier leurs efforts en vue d'une ratification universelle de la Convention relative aux droits de l'enfant et de ses protocoles facultatifs et pour promouvoir leur mise en œuvre effective. Les députés demandent également que des efforts déterminants soient déployés pour faire progresser la mise en œuvre des orientations de l'Union pour la promotion et la protection des droits de l'enfant et la stratégie de l'Union pour lutter contre toutes les formes de violence à l'encontre des enfants. Ils demandent à la HR/VP et au Service européen pour l'action extérieure d'inclure une section consacrée aux droits des enfants dans le rapport annuel de l'Union sur les droits de l'homme.

Liberté d'expression et des médias (sociaux) : se félicitant du rôle joué par l'internet et les réseaux sociaux dans le développement du printemps arabe, le rapport plaide pour un meilleur suivi de l'utilisation de l'internet et des nouvelles technologies dans les régimes autocratiques qui entendent les limiter. Il demande une assistance accrue dans les domaines de la promotion de la liberté des médias, de la protection des journalistes indépendants et des blogueurs, de la réduction de la fracture numérique et de la facilitation de l'accès non restreint à l'information et à la communication et de l'accès non censuré à l'internet (liberté numérique).

Les députés estiment que les fournisseurs de services internet et de télécommunications doivent tirer les enseignements des erreurs du passé, telles que la décision de Vodafone de céder aux demandes des autorités égyptiennes, au cours des dernières semaines du régime Moubarak, visant à suspendre les services, diffuser une propagande pro-gouvernementale et à surveiller les opposants et la population de manière générale, ainsi que des sociétés d'autres États membres qui ont vendu des technologies de télécommunications et d'information à d'autres pays tiers, comme la Libye, la Tunisie, etc.;

La Commission est invitée à soutenir le développement et la diffusion des technologies de sécurité numérique et à conférer plus d'autonomie aux défenseurs des droits de l'homme au moyen de mécanismes sûrs de collecte, de codage et de stockage pour ce genre de données sensibles, ainsi que l'utilisation de l'informatique en nuage pour garantir que ce matériel n'est pas découvert et supprimé.

En outre, soulignant que la «diplomatie numérique» constitue un outil inédit et dynamique, le rapport invite le SEAE à élaborer des lignes directrices claires pour ses délégations concernant la façon optimale d'utiliser les médias sociaux et pour l'élaboration d'un répertoire des médias sociaux, régulièrement mis à jour, destiné aux acteurs européens.

Le monde des affaires et les droits de l'homme : le rapport relève que pratiquement la moitié des cent premiers acteurs économiques du monde sont aujourd'hui des entreprises privées. Rappelant que l'Union s'est elle-même fixé l'objectif d'encourager la responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans ses politiques extérieures, les députés demandent à la Commission et aux États membres de veiller à ce que les entreprises qui relèvent des droits nationaux ou européen ne s'affranchissent pas du respect des droits de l'homme et des normes sociales, sanitaires et environnementales qui s'imposent à elles quand elles s'installent ou mènent leurs activités dans un pays tiers. Ils félicitent l'Union pour son soutien à l'élaboration des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme et pour leur adoption à l'unanimité au sein du Conseil des droits de l'homme.

Lutte contre le terrorisme : le rapport reconnaît que la communication conjointe accepte la nécessité que toutes les activités de lutte contre le terrorisme soient menées en respectant pleinement les droits de l'homme internationaux, le droit humanitaire et le droit des réfugiés. Il souligne que ce principe doit faire partie des discussions sur l'ensemble des nouvelles mesures de lutte contre le terrorisme au sein de l'Union et avec les partenaires dans les pays tiers. Il réaffirme que la stratégie européenne de lutte contre le terrorisme devrait mentionner spécifiquement l'interdiction de la torture dans le contexte du contre-terrorisme, telle que reconnue dans les conclusions du Conseil du 29 avril 2008.

Vers une stratégie commune ambitieuse : les députés demandent que des progrès rapides, transparents et globaux soient faits en direction d'une stratégie commune finale et ambitieuse pour l'Union, dotée d'actions, de responsabilités et de calendriers clairs. Ainsi, certaines actions abordées dans la communication devraient avancer parallèlement aux progrès en direction d'une stratégie globale, à savoir :

  • la nomination d'un représentant spécial de l'Union pour les droits de l'homme qui soit bien connu du public et fort d'une expérience internationale dans l'encouragement des droits de l'homme internationaux;
  • l'instauration d'un COHOM permanent, basé à Bruxelles, qui devrait régulièrement adopter des conclusions sur la situation des droits de l'homme dans des pays spécifiques à la suite de dialogues sur les droits de l'homme, ainsi que
  • la fixation d'un calendrier pour la finalisation des points centraux des délégations de l'Union en matière de droits de l'homme et pour l'identification des officiers de liaison des défenseurs des droits de l'homme dans tous les pays tiers.

Enfin, le rapport appelle de ses vœux une augmentation considérable du rôle du Parlement européen dans l'encouragement de la transparence et de la responsabilité pour la mise en œuvre de la stratégie de l'Union en matière de droits de l'homme.

Rappelant que le rapport annuel élaboré par le Conseil ne constitue pas en soi un mécanisme de responsabilité, les députés réitèrent les recommandations sur l'intégration formulées par le Parlement dans ses rapports annuels précédents, ainsi que dans le document du comité politique et de sécurité du 1er juin 2006 sur l'intégration des questions relatives aux droits de l'homme dans la PESC et les autres politiques de l'Union, qui n'ont toujours pas été pleinement mises en œuvre.