Définition d'une nouvelle coopération au développement avec l'Amérique latine

2011/2286(INI)

La commission du développement a adopté le rapport d’initiative de Ricardo CORTÈS LASTRA (S&D, ES) sur la définition d'une nouvelle coopération au développement avec l'Amérique latine.

Les députés rappellent que la région est caractérisée par la présence de pays à revenu intermédiaire (PRI) qui ont obtenu des succès remarquables en matière de réduction de la pauvreté – en passant de 44 à 33% en une seule décennie. Malgré cela, un habitant d'Amérique latine sur trois vit encore sous le seuil de pauvreté –ce qui représente 180 millions de personnes– parmi lesquelles 52 millions vivent avec moins de 2 EUR/jour – et dix pays de la région continuent à faire partie des quinze pays du monde présentant les plus grandes inégalités.

Dans ce contexte, les députés soulignent la nécessité d'améliorer la coordination entre l'UE et l'Amérique latine en vue de réaliser les OMD, en particulier les mesures visant à lutter contre la pauvreté, à créer des emplois et à favoriser l'insertion sociale des groupes marginalisés.

Pour lutter contre la pauvreté, les députés demandent que la coopération soit réorientée vers les domaines où elle est la plus utile. Dans cette perspective et dans le contexte du débat sur la future politique de coopération au développement de l'Union, les députés appellent au lancement d’une réflexion d’ensemble sur le modèle de développement actuel et à tirer les enseignements des dernières décennies, afin d'atténuer réellement la pauvreté et l'inégalité, sans réduire ni limiter la marge de manœuvre politique.

La coopération au développement européenne devrait ainsi :

  • être définie en consultation étroite avec l'Amérique latine;
  • faire office de levier pour les pays d'Amérique latine, et donc permettre de mobiliser les moyens nationaux des pays concernés, de mettre en place une fiscalité transparente et une meilleure gouvernance et d’associer les collectivités locales et la société civile ;
  • favoriser le développement durable (vu les investissements importants engagés par la Chine, notamment dans les gisements de matières premières et d'hydrocarbures ou les ressources agricoles);
  • être cohérente en prévoyant des instruments et des objectifs de coopération adaptés à chaque pays ;
  • permettre la réattribution éventuelle de fonds au bénéfice des programmes géographiques en faveur de l'éradication de la pauvreté des PRI.

Les députés demandent en particulier à la Commission et au Conseil de maintenir le volume de l'instrument de financement de la coopération au développement (ICD) pour la période 2014-2020, en accordant à l'Amérique latine un tiers du montant géographique total.

L'importance des PRI – la nécessité d'une approche différenciée : les députés déplorent le manque de rigueur dans l'application des critères d'éligibilité définis dans la proposition de la Commission sur l'ICD, qui retire à 11 PRI de l'ALC l'accès aux programmes bilatéraux alors que certains d’entre eux comptent parmi les pays confrontés aux plus grandes inégalités au monde. Face à l’hétérogénéité des situations économiques des pays concernés, les députés demandent le maintien d’une coopération différenciée, basée sur la coordination et le dialogue politique avec les pays concernés.

D’une manière générale, les députés estiment que le message que l'Union transmet à la région est très préoccupant, puisqu'il revient concrètement à lui signifier qu'elle ne jouit pas de toute l'attention qu'elle mérite, en dépit des multiples engagements politiques et commerciaux conclus et des intérêts mondiaux conjoints. Ils appellent au contraire à accorder aux PRI une attention adéquate, en particulier aux pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure qui sont nombreux à être confrontés à des problèmes similaires à ceux des pays à faible revenu. Ils appellent la Commission et le Conseil à réaliser, dans le cadre du principe de différenciation, une analyse objective et transparente afin de revoir les indicateurs utilisés pour évaluer le niveau de développement. Ils souhaitent vivement, en tenant compte de ces indicateurs, que l'Union poursuive la coopération bilatérale au titre du futur ICD au moins avec la Colombie, l'Équateur, le Pérou et le Paraguay. Dans l’attente, ils demandent une stratégie cohérente de diminution progressive de l'aide bilatérale aux PRI, tout en veillant à ce que cette diminution intègre :

  • un lien explicite entre les objectifs et la concentration sectorielle de l'aide bilatérale afin de renforcer la cohésion sociale et de réduire les inégalités ;
  • la définition de priorités au moyen de dialogues bilatéraux et birégionaux avec les autorités nationales et la société civile ;
  • le maintien de la coopération bilatérale durant une période de transition de 4 ans maximum adaptée à chaque pays.

Les députés insistent en outre sur la nécessité de doter d'un milliard EUR supplémentaires l'instrument de partenariat afin de promouvoir la nouvelle structure de coopération en faveur des PRI et des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure en garantissant la prévisibilité, la quantification et le contrôle des fonds et en prévoyant des mesures contre les inégalités, le changement climatique, l'insécurité et le trafic de drogues.

Cohésion sociale et lutte contre la pauvreté : pour les députés, seul un niveau élevé de développement et une meilleure répartition du patrimoine permettra de parvenir à une meilleure cohésion sociale en Amérique latine.

Pour atteindre cet objectif, il faudra :

  • favoriser des politiques fiscales plus justes et progressives ;
  • renforcer le développement par le commerce ;
  • maintenir l'objectif de 20% pour les programmes d'éducation et de santé notamment de lutte contre l'analphabétisme en particulier chez les filles et les femmes ;
  • intégrer des politiques budgétaires, fiscales et sociales qui encouragent l'équité, l'accès aux services publics, le travail décent et la réforme du système judiciaire ;
  • encourager la cohésion sociale au sein des principaux forums internationaux comme par exemple au sein de la Fondation UE-ALC.

Cohérence des politiques de développement : d’une manière générale, les députés demandent plus de visibilité pour les projets que l’UE finance dans la région. Ils demandent également plus de cohérence dans la politique de développement européenne. Dès lors, les accords d'association/de libre-échange de l'Union européenne ne devraient pas nuire aux politiques de développement. Des mesures sont donc demandées pour garantir la prise en considération correcte des besoins et préoccupations en matière de développement dans les chapitres liés aux échanges commerciaux, comme les services financiers, les marchés publics et les droits de propriété intellectuelle, etc. Les députés invitent également à i) la prise en compte des besoins de l’Amérique latine dans le SPG renouvelé ; ii) la prévision d’un accord de promotion de la croissance avec la Communauté andine ; iii) la conclusion d'un accord d'association UE-Mercosur se fondant sur le principe du commerce équitable et du respect des normes internationales de travail et d'environnement ; iv) l’encouragement à toutes les formes d'intégration régionale en se fondant sur l’asymétrie des relations ; v) le développement d’une politique commerciale plus cohérente avec les politiques européennes de développement, afin que le commerce soit aussi le vecteur de la promotion de normes sociales équitables et justes. Des mesures sont également réclamées pour le soutien aux parlements des pays concernés et des autorités locales et régionales, ainsi que de la société civile. Celle-ci doit continuer à figurer parmi les priorités du prochain ICD.

Violence et criminalité : les députés sont consternés de voir les répercussions sociales des taux élevés de criminalité et de violence, et en particulier des féminicides, dans la région. Une nouvelle stratégie plus efficace pour combattre ce phénomène ainsi que ses causes économiques, sociales et politiques s’avère donc nécessaire. Ils rappellent que la criminalité et l'insécurité ont un effet considérable sur la confiance que les citoyens placent dans les institutions publiques et démocratiques, ainsi que sur le respect des droits de l'homme. Rappelant également que l'un des objectifs prioritaires de l'action extérieure de l'Union européenne est de favoriser la consolidation des systèmes démocratiques et la défense des droits de l'homme y compris en Amérique latine, les députés demandent à la Commission de faire de la lutte contre l'impunité, une priorité de sa politique de coopération au développement dans cette région et de présenter, d'ici fin 2012, une communication à ce sujet. Dans l’attente, ils demandent à la Commission de soutenir politiquement et financièrement le travail du système interaméricain des droits de l'homme en matière de féminicide et invitent la vice-présidente/haute représentante à chercher avec ces pays des solutions pour mettre un terme aux féminicides et aux autres formes de violence faites aux femmes.

Changement climatique : les députés insistent pour que l'Union ne promeuve ni ne soutienne la production à grande échelle de biocarburants par sa coopération au développement, en raison des incidences négatives de cette production sur la sécurité alimentaire, la prévention de la déforestation, l'accès à la terre et l'environnement. Ils invitent en outre les autorités locales des pays d'Amérique latine à accorder une attention particulière à l'accroissement des investissements susceptibles d'entraver le développement durable et la préservation des écosystèmes du pays. Les députés rappellent que le changement climatique accroît les pressions auxquelles l'Amérique latine est soumise et qu'il est urgent de financer des mesures de lutte contre ce changement, d'atténuation de ce phénomène et d'adaptation à ses conséquences. Ils demandent en particulier que l'échange d'expériences et d'informations entre l'Union et l'Amérique latine soit encouragé dans le cadre du programme EuroClima et de la coopération Sud-Sud. Ils réclament en outre des mesures plus résolues en matière de distribution de l’eau et de promotion des énergies durables.

Secteur privé et infrastructures : les députés notent que des mécanismes tels que la facilité d'investissement pour l'Amérique latine (LAIF) sont destinés à revêtir une importance croissante dans la coopération au développement, même si cette initiative semble insuffisante. Les députés soulignent en particulier l'importance du soutien aux PME pour la croissance économique de la région et à la consolidation sociale et économique. Ils soulignent la nécessité de promouvoir la construction d'infrastructures en Amérique latine pour soutenir les taux élevés de croissance actuels (transports, énergie et télécommunications). Ils attendent en outre des lignes directrices de la Commission pour la sélection des projets porteurs. Une combinaison subventions/prêts est également réclamée dans des domaines tels que la production d'énergie à petite échelle et d'énergie locale, la production agricole et le développement des PME et des microentreprises locales.

Coopération différenciée: recherche scientifique et technologique : globalement, les députés demandent un renforcement de la coopération avec certains PRI dans le domaine de la science, de la technologie et de l'innovation, dans le cadre du programme Horizon 2020. Ils appellent à l'ouverture d'un dialogue soutenu dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la formation, des technologies et de l'innovation en vue de la création d'un espace euro-latino-américain de l'innovation et de la connaissance. Ils appellent également à la promotion d’une plus grande mobilité des chercheurs et à la coopération dans le domaine de la recherche dans des secteurs comme la santé, la sécurité alimentaire, la recherche marine et maritime, les énergies renouvelables, la lutte contre le changement climatique, l’agriculture,…

Promotion de la coopération régionale, de la coopération Sud-Sud (CSS) et de la coopération triangulaire : les députés demandent à la Commission de mener une réflexion plus approfondie sur l'intégration de la CSS dans la politique de coopération. Sachant que l'Amérique latine est la région du monde la plus dynamique en matière de CSS, ils souhaitent que l’on fixe des indicateurs démontrant l'incidence sociale et économique des différents modes de coopération Sud-Sud et de coopération triangulaire. Ils rappellent l'importance des échanges commerciaux intrarégionaux et de la coopération triangulaire pour l'éradication de la pauvreté, la promotion de l'emploi et de l'égalité entre les hommes et les femmes et demandent des initiatives résolues de coopération birégionale et de coopération Sud-Sud dans des secteurs tels que la science et la recherche, le développement durable, l'environnement, l'énergie, l'éducation, l'emploi…

Enfin, les députés insistent sur l’élargissement du dialogue politique entre l'Union et l'Amérique latine à différents niveaux, comme les sommets de chefs d'État et l'Assemblée parlementaire Eurolat.