Aspects commerciaux du partenariat oriental

2011/2306(INI)

La commission du commerce international a adopté le rapport d’initiative de Miloslav RANSDORF (GUE/NGL, CZ) sur les aspects commerciaux du partenariat oriental.

Les députés soulignent que la conclusion et la mise en œuvre des accords d'association comprenant des zones de libre-échange approfondi et complet sont une priorité et un objectif de la politique européenne de voisinage révisée. Ils rappellent également qu’à la suite du Printemps arabe, les intérêts de l'Union ont été centrés sur les voisins du Sud. Or, les pays du partenariat oriental et les relations commerciales de l'UE avec les pays de cette zone, méritent l'attention de l’UE.

Considérations générales : c’est dans ce contexte général, que les députés soulignent que la perspective de créer des zones de libre-échange entre les pays du partenariat oriental et l'Union européenne est essentielle et permettra de parvenir à un environnement économique stable, transparent et prévisible qui respecte la démocratie, les droits fondamentaux et l'état de droit avec ces pays. Cela leur permettra également de parvenir à une intégration économique accrue, à la convergence réglementaire dans les domaines ayant une incidence sur le commerce des biens et services, et à réduire les obstacles techniques et autres barrières non tarifaires au commerce. D’une manière générale, les députés considèrent qu'il est fondamental de conclure des zones de libre-échange afin de lutter contre la tendance en faveur du protectionnisme au niveau mondial.

Les députés soulignent, en particulier :

  • l'influence des zones de libre-échange pour renforcer l'état de la démocratie, l'état de droit et d'autres normes communes dans ces pays ;
  • la nécessité de parvenir à un accord politique plus vaste (accord d'association) avec les pays de la zone ou à défaut, un accord commercial adéquat incluant la mise en place d’une zone de libre-échange afin de poursuivre efficacement les objectifs économiques et commerciaux de l'Union ;
  • l'importance du soutien et de la participation de la société civile locale et des ONG à la promotion des bénéfices à long terme des réformes dans les pays en question ;
  • la nécessité d’un renforcement de la coopération entre l'Union et ses partenaires orientaux dans un certain nombre de secteurs, comme l'industrie, les PME, la recherche, le développement et l'innovation, les technologies de l'information et de la communication et le tourisme.

Les députés mettent également en évidence deux grands principes à respecter dans le traitement des pays concernés :

  1. la différenciation accompagnée de l'application du principe "more for more", telle qu'elle est décrite dans la communication de la Commission intitulée «stratégie nouvelle à l'égard d'un voisinage en mutation» ;
  2. la flexibilité dans l’approche des différents partenaires.

La question du budget : les députés se félicitent de la proposition de la Commission relative au cadre financier pluriannuel 2014-2020, qui propose une augmentation de 40% du financement de la politique européenne de voisinage. Ils appellent le Conseil à maintenir les fonds proposés par la Commission.

Questions sectorielles : les députés appellent encore à : i) renforcer l’association des parlements nationaux des partenaires orientaux de l'Union dans le rapprochement de la législation commerciale avec l'acquis de l'UE; ii) renforcer les initiatives phares de la Commission concernant les PME, notamment la facilité en faveur des PME du partenariat oriental, les marchés régionaux de l'énergie et l'efficacité énergétique; iii) développer davantage la stratégie pour la mer Noire, vu son rôle géostratégique pour la diversification de l'approvisionnement en énergie de l’UE ; iv) rapprocher les efforts de proximité avec l'Assemblée parlementaire Euronest.

Les députés insistent également sur le fait que la création d’une zone de libre-échange ne représente pas une assistance apportée aux partenaires orientaux, mais qu'il s'agit d'un accord commercial entraînant des avantages et des obligations réciproques pour les deux parties. En ce sens, ils regrettent que la révision de la politique européenne de voisinage ne précise toujours pas comment la poursuite d'une telle politique commerciale pourrait stimuler les intérêts économiques de l'Union en apportant des avantages significatifs aux consommateurs, aux entreprises et aux travailleurs européens. Pour les députés, les zones de libre-échange doivent contribuer non seulement à introduire des avantages économiques pour les partenaires orientaux, mais accélérer les réformes institutionnelles, la modernisation et le développement.

Les députés font également les commentaires suivants sur les négociations en cours :

  • ils prennent acte que la Russie a conclu une union douanière avec le Kazakhstan et la Biélorussie ce qui compromet les négociations commerciales entre l'UE et plusieurs partenaires orientaux (en particulier, l'Ukraine) en proposant une autre possibilité, basée sur des solutions à court terme, comme une baisse du prix du gaz ;
  • ils soulignent qu’en dépit des progrès accomplis par la Géorgie et la Moldavie, ces deux pays doivent toujours garantir le caractère à long terme de leur engagement dans le processus de réforme, et garantir qu'ils lanceront un processus de réforme durable tout au long des négociations; or, des progrès considérables sont attendus en ce qui concerne les obstacles techniques au commerce, les mesures sanitaires et phytosanitaires, les droits de propriété intellectuelle et le droit de la concurrence ;
  • la nécessité de mesures efficaces en matière de concurrence et contre la corruption dans les accords de libre-échange ainsi que le respect des droits fondamentaux du travail approuvés par l'OIT ainsi qu’un chapitre contraignant sur le développement durable et la protection de l'environnement ;
  • la nécessité de ne pas permettre que certains les conflits dit «gelés» au niveau régional ne puissent compromettre la réussite et le développement du commerce transfrontalier et maintiennent ainsi certains pays dans un isolement économique total.

Les députés reviennent ensuite sur chacun des pays concernés de la zone orientale :

  • Arménie : les députés se félicitent du lancement des négociations sur la zone de libre-échange avec ce pays depuis 2012 et soulignent qu'une intégration économique plus approfondie avec l'UE doit contribuer à renforcer la stabilité politique et la sécurité de la région. Dans ce contexte, ils attendent des progrès concrets dans la poursuite des réformes visant à mettre en place un environnement économique stable et transparent qui attirera les investissements étrangers et favorisera le développement et la création d'emplois. Ils regrettent au passage que le conflit du Haut-Karabakh résonne encore autour des frontières toujours fermées de l'Arménie avec l'Azerbaïdjan et la Turquie et soulignent que l'ouverture des frontières constitue une condition importante pour attirer les investissements étrangers. Ils demandent en particulier le renforcement : i) du système de protection des investissements; ii) du cadre institutionnel pour les marchés publics et la politique de concurrence ; iii) de la réglementation en matière de lutte contre la corruption ; iv) du droit de la concurrence, en particulier dans les secteurs de la construction et de l'énergie; v) de la réglementation en matière sanitaire et phytosanitaire et son harmonisation avec celle de l'Union ; vi) de l’indépendance de l’Arménie vis-à-vis du soutien commercial et gouvernemental de la Russie ;
  • Azerbaïdjan : les députés insistent sur le fait que l'adhésion de l'Azerbaïdjan à l'OMC est une condition préalable à l'ouverture d'une zone de libre-échange avec l'Union. Or, la structure de l'économie azerbaïdjanaise n'encourage pas le gouvernement à adhérer à l'OMC ni à mettre en place une zone de libre-échange approfondi et complet avec l'UE. Il convient dès lors d’aider ce pays à adhérer à l’OMC et de lui fournir une aide à cet effet. Si les députés se félicitent de la croissance économique remarquable de l'Azerbaïdjan, ils soulignent le caractère extrêmement vulnérable de son économie, uniquement concentrée sur les exportations d’énergie. Ils appellent donc le gouvernement azerbaïdjanais à diversifier son économie, par exemple dans le domaine agricole et dans le respect des prescriptions sanitaires et phytosanitaires de l’UE. Le pays devrait en outre s’engager dans une lutte résolue contre la corruption et les inégalités sociales ;
  • Biélorussie : d’une manière générale, les députés regrettent que la Biélorussie, en dépit de son potentiel indéniable, s'éloigne de plus en plus de l'Union européenne en ce qui concerne ses normes politiques et économiques générales et son modèle économique. Or, ce pays possède une position stratégique indéniable en tant que pays de transit de l'énergie (gaz naturel) pour l'UE. Les députés appellent dès lors à l’octroi d’une assistance européenne accrue en vue d'améliorer les performances des structures administratives dans ce pays en vue de : i) lutter contre la corruption; ii) réduire la pauvreté (20% de la population biélorusse vivrait sous le seuil de pauvreté alimentaire) ; iii) renforcer la concurrence (80% des entreprises sont publiques et le développement du secteur privé est entravé par des mesures discriminatoires et arbitraires) ; iv) ouvrir son marché aux investisseurs étrangers (actuellement 1% à peine du PIB du pays) ; iv) renforcer la société civile ; v) permettre au pays de s’engager dans le processus d’adhésion à l’OMC ; vi) encourager les réformes indispensables pour la population biélorusse. Les députés constatent au passage les mesures économiques restrictives que l'Union applique actuellement à la Biélorussie. Ils estiment que l'Union devrait maintenir ces mesures ciblées tout en continuant à soutenir la société civile et les chefs d'entreprise, afin non seulement d'améliorer le climat économique, mais aussi de renforcer l'état de droit, la transparence et la lutte contre la corruption ;
  • Géorgie : constatant les progrès économiques fulgurants de ce pays (qui se classe aujourd’hui au 16ème rang des régions les plus économiquement propices au monde), les députés regrettent que ce pays soit aussi celui où les droits de propriété intellectuelle sont très peu respectés (ce pays détient le plus grand nombre de logiciels piratés). Le gouvernement géorgien est donc appelé à adopter des lois afin d'assurer le respect des droits de propriété intellectuelle. D’autres mesures sont attendues comme l’amélioration de la législation et de l'efficacité de ses institutions pour le contrôle des produits. Les députés soulignent au passage la très grande ouverture du système de passation de marchés en Géorgie qui autorise les enchères en ligne pour tous les types de contrats, indépendamment de leur taille ou de leur nature. Pour les députés, ce pays devrait servir d’exemple à tous les États membres de l’UE, dans ce domaine ;
  • Moldavie : malgré la fragilité de son économie, les députés constatent les efforts entrepris pour réformer l’économie du pays. Ils estiment que la future zone de libre-échange avec ce pays devrait s'appliquer à l'ensemble du territoire de la Moldavie qui reconnaît officiellement son adhésion à l'État moldave. Les députés constatent que, pour l'instant, la plupart des exportations moldaves sont de nature agricole et sont donc confrontées à une concurrence féroce et à des exigences strictes sur le marché de l'Union. Il faut donc que la zone de libre-échange contribue à diversifier les exportations moldaves et à rendre le pays plus compétitif, en vue d’attirer des investissements étrangers. Des avancées significatives sont également attendues dans le domaine de la protection des services. Les députés invitent également les autorités européennes à participer davantage à la recherche d'une solution pacifique aux problèmes de réintégration territoriale de la Moldavie ;
  • Ukraine : les députés se félicitent de la conclusion des négociations relatives à la zone de libre-échange approfondi et complet entre l'Union et l'Ukraine (tout premier accord de libre-échange entre l'UE et un partenaire oriental). Celui-ci ouvre un nouveau marché de 46 millions de consommateurs. Ils se réjouissent également de constater que la Commission a exclu la possibilité d'une application provisoire de l'accord sur la zone de libre-échange avant la signature de l'accord d'association et son approbation par le Parlement européen. Ils attendent maintenant la bonne mise en œuvre de la zone de libre-échange ainsi que les avantages qui en découlent et appellent à la poursuite des réformes économiques entreprises dans les domaines de l'agriculture, de l'énergie et du transport. D’une manière générale toutefois, les députés s’inquiètent du climat des affaires et des investissements en Ukraine qui découlent de diverses défaillances institutionnelles et systémiques, telles que les barrières à l’entrée sur le marché, les permis administratifs, le nombre excessif de contrôles administratifs ou encore de la protection insuffisante des droits de la propriété intellectuelle. Ils demandent au gouvernement ukrainien de répondre plus efficacement aux préoccupations des milieux économiques, en particulier en ce qui concerne l'accès au crédit et à la propriété foncière, aux prêts hypothécaires … et invitent l'Ukraine à adapter sa législation nationale afin de faciliter un transit libre et continu du gaz à destination des États membres de l'UE. Ils font observer que ce processus devrait prévoir la restructuration du secteur gazier et l'introduction d'une réglementation équitable des infrastructures énergétiques afin de traiter de manière égale les fournisseurs étrangers. Ils appellent en outre à une coopération accrue entre l'Union et l'Ukraine dans le domaine de l'énergie.

Enfin, les députés invitent le Conseil, la Commission et le Service européen pour l'action extérieure à prendre dûment en compte les considérations et recommandations incluses dans la présente proposition de résolution et à informer régulièrement et en détail le Parlement européen des avancées des négociations et, après leur entrée en vigueur, des avancées de la mise en œuvre de chaque zone de libre-échange conclue.