Mise en oeuvre de la législation de l'Union européenne relative à l'eau avant l'adoption d'une approche générale nécessaire pour relever les défis qui se présentent à l'Europe dans le domaine de l'eau

2011/2297(INI)

La commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire a adopté un rapport d’initiative de Richard SEEBER (PPE, AT) sur la mise en œuvre de la législation de l’Union européenne relative à l’eau avant l’adoption d’une approche générale nécessaire pour relever les défis qui se présentent à l’Europe dans le domaine de l’eau.

Le rapport reconnaît que la directive 2000/60/CE (directive-cadre sur l’eau ou DCE) constitue une base législative solide et ambitieuse pour une gestion de l’eau intégrée à long terme dans l’Union européenne. Il souligne cependant que la mise en œuvre a été lente et inégale dans les États membres et les régions et que l’application de la DCE doit être considérablement améliorée pour parvenir à un «bon état» de toutes les eaux européennes d'ici 2015.

Selon le rapport, il existe encore des lacunes spécifiques qui doivent être comblées en adaptant la législation existante aux priorités liées à l’eau et en adoptant de nouveaux textes législatifs afin d’atténuer les effets de certains secteurs et de certaines activités spécifiques. Les députés réitèrent leur position selon laquelle la Commission doit présenter une proposition législative favorisant l’adoption d’une politique de l’Union en matière de pénurie d’eau, de sécheresses et d’adaptation au changement climatique. Ils prennent acte du «plan de sauvegarde des eaux européennes» qui sera prochainement élaboré par la Commission.

1) Utilisation rationnelle de l’eau et gestion des ressources : le rapport demande que l’utilisation de l’eau soit plus efficace en particulier dans des secteurs tels que l'énergie et l'agriculture, qui sont les plus grands consommateurs d’eau. Il insiste sur le fait que l’utilisation de l’eau devrait être prise en considération dans l’évaluation de la durabilité des sources d’énergie traditionnelles ainsi que des sources à faible émission de carbone, en particulier de la bioénergie et de l’énergie hydraulique. Il met tout particulièrement l’accent, à cet égard, sur les risques de l’extraction non conventionnelle de gaz naturel.

Les députés estiment que l’efficacité et la durabilité de l’utilisation de l’eau par le secteur de l’agriculture peuvent être accrues grâce à l’introduction de technologies et de pratiques innovantes et grâce à une meilleure information et à une meilleure sensibilisation des agriculteurs et des utilisateurs finals. Ils soulignent par ailleurs que, face aux défis du changement climatique et de la sécurité alimentaire, il convient de mobiliser des ressources hydriques suffisantes pour l’agriculture, par exemple en développant le stockage de l’eau.

Le rapport demande que la législation européenne relative à l’eau soit mise à jour, le cas échéant, afin de tenir compte des progrès technologiques dans la réutilisation et le recyclage de l’eau. Soulignant que la réduction de la consommation d’eau doit être une priorité, il insiste sur l’importance de l’éco-conception et des dispositifs permettant l’économie d’eau et demande que le mesurage de l’utilisation de l’eau soit obligatoire dans tous les secteurs et pour tous les utilisateurs dans l’ensemble des pays de l’Union. La Commission est invitée à réglementer les dispositifs à usage domestique et à usage agricole permettant l’utilisation rationnelle de l’eau.

2) L’eau et les écosystèmes : notant que l’eau est au cœur de la plupart des services écosystémiques, le rapport souligne l’importance d’une bonne gestion de l’eau pour atteindre les objectifs en matière de biodiversité. Il insiste sur la nécessité d’adopter des mesures en faveur de la reforestation et du rétablissement des zones humides dans le cadre de la gestion des ressources hydriques. Il appelle à mieux aligner les objectifs de la DCE sur Natura 2000. Il souligne encore que la base de connaissances devrait intégrer le concept de «débits environnementaux» et tenir compte des services écosystémiques s’appuyant sur l’eau.

Les députés soulignent l’impact que le changement climatique pourrait avoir sur les écosystèmes aquatiques et la nécessité d’adopter des mesures rigoureuses et systématiques visant la préservation de la nature et de la biodiversité et imposant l’établissement de règles précises pour la gestion des masses d’eau transformées. Au vu des risques considérables que posent la prospection et l’extraction de gaz de schiste pour les eaux de surface et les eaux souterraines, la Commission est invitée faire en sorte que ces activités soient couvertes par la directive sur l’évaluation des incidences sur l’environnement.

Rappelant que la protection des sols est cruciale pour préserver la qualité de l’eau, le rapport invite tous les États membres à remplir leurs obligations pour garantir la qualité des sols et maintenir ceux-ci en bon état et demande aux États membres qui n’ont pas de législation sur la protection des sols d’assumer leurs responsabilités.

Les députés appellent à mettre en place des mesures incitatives plus ciblées pour gérer l'eau efficacement et permettre à tous, notamment aux populations pauvres et rurales, d'avoir accès à l'eau et d'assurer sa distribution dans les régions souffrant de sécheresse, en particulier les régions éloignées des grandes agglomérations équipées en infrastructures hydrauliques.

La Commission est invitée à intensifier la lutte contre les rejets de plus en plus fréquents de substances polluantes, telles que les résidus d'antibiotiques, de médicaments et d'hormones issus des pilules contraceptives, dans l'eau, étant donné que ces résidus ont des effets négatifs sur la santé humaine et l'environnement.

3) La connaissance et l’innovation : tout en reconnaissant que le cadre stratégique européen a permis de collecter des données moins fragmentaires sur l’eau ainsi qu’une meilleure surveillance, le rapport note cependant le manque de données fiables concernant les quantités d’eau, notamment pour ce qui est des extractions et des fuites. Il prend note du potentiel d’amélioration de la gestion des données, sur la base d’une amélioration des informations statistiques et de l’utilisation de stations de collecte de données, du Système d'Information sur l'Eau pour l'Europe (WISE) ainsi que de la surveillance GMES de l'état des ressources en eau. La Commission est invitée à mettre en place une nouvelle série d’indicateurs fiables pour la comptabilité de l’eau, en collaboration avec l’Agence européenne pour l’environnement.

Les députés jugent important de favoriser la recherche et l'innovation sur le thème de l'eau et d'accompagner le développement de clusters européens dans ce domaine. Ils invitent la Commission, les États membres et les autres parties intéressées à soutenir le partenariat européen d’innovation sur l’eau. Ils soulignent également  la nécessité d'accorder de l'importance aux activités et aux objectifs spécifiques du programme «Horizon 2020» en termes de meilleure gestion durable des ressources en eau.

4) Intégration de la problématique de l’eau : le rapport souligne la nécessité d’une meilleure cohérence et d’une meilleure intégration des objectifs relatifs à l’eau dans la législation au niveau européen, national, régional et local. Il demande qu’une évaluation complète des effets sur les ressources en eau soit prise en considération dans la conception des politiques globales relatives à la gouvernance économique telles que la stratégie UE 2020 et les cadres des différentes politiques communes de l’Union comme la politique agricole commune et la politique de cohésion.

5) L’eau et l’économie : la Commission et les États membres devraient veiller à l’application des principes du «pollueur-payeur» et de l’«utilisateur-payeur» grâce à l’application, dans tous les secteurs utilisant de l’eau, de systèmes de tarification transparents et efficaces visant la récupération des coûts des services liés à l'eau, y compris les coûts environnementaux et les coûts en ressources, comme le prévoit la directive-cadre sur l’eau.

Le rapport souligne néanmoins que les questions sociales devraient être prises en considération dans la fixation des tarifs et qu’une eau salubre devrait être disponible à un prix abordable pour subvenir aux besoins de l’homme. Il demande à la Commission et aux États membres d’analyser et de revoir les subventions préjudiciables pour l’eau et d’élaborer et d’introduire de nouveaux instruments économiques, comme des taxes, pour réduire les activités qui nuisent à l’environnement et encourager l’utilisation plus durable des ressources en eau.

6) L’eau et la société : les députés exhortent la Commission, les États membres et les autorités régionales à stimuler le dialogue intersectoriel ainsi que le dialogue entre les acteurs économiques et les citoyens sur les questions liées à l’eau, ainsi qu'entre ces derniers et la commission des pétitions lorsqu'elle aborde les préoccupations directes des citoyens européens concernant les questions liées à l'eau. La Commission devrait aussi favoriser la participation totale et transparente des communautés locales et parties prenantes à tous les niveaux dans l’élaboration de la politique relative à l’eau. L’échange de bonnes pratiques devrait être encouragé en vue d’améliorer la gouvernance dans le domaine de l’eau.

Le rapport appelle en outre à mieux sensibiliser et éduquer le public à la question de l’eau, afin que les consommateurs, les professionnels de santé, les décideurs et les responsables politiques comprennent mieux les liens existant entre l’eau, les écosystèmes, l’assainissement, l’hygiène, la santé, la sûreté et la sécurité alimentaires ainsi que la prévention des catastrophes.

Les députés demandent :

  • la généralisation du mécanisme du pavillon bleu à l'ensemble des zones de baignade en Europe, y compris les rivières, les lacs et les étangs;
  • la mise en place de formations sur les économies d'eau et l'utilisation durable de l'eau à l'intention des professionnels du tourisme, particulièrement sur les zones côtières et dans les zones thermales ;
  • l’introduction de systèmes efficaces d’approvisionnement en eau dans les bâtiments et les espaces publics afin de réduire la nécessité de l’eau en bouteille.

7) L’eau dans le monde : le rapport se félicite de l’atteinte précoce de l’objectif du Millénaire pour le développement des Nations unies en matière de sûreté de l’accès durable à l’eau potable. Les députés invitent la Commission, les États membres et les autorités compétentes à tous niveaux à renforcer leur engagement, à jouer un rôle actif dans la réalisation de l’OMD relatif à l’assainissement de base et à tenir compte des conclusions en la matière de la Conférence Rio+20 sur le développement durable, afin que l’accès à l’eau potable et aux services d'assainissement puisse être garanti comme un droit fondamental de l’humanité.