AVIS du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) sur les propositions de la Commission de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les opérations dinitiés et les manipulations de marché, et de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux sanctions pénales applicables aux opérations dinitiés et aux manipulations de marché.
Les propositions de règlement et de directive ont été envoyées par la Commission au CEPD en vue dune consultation et reçues le 31 octobre 2011. Le 6 décembre 2011, le Conseil de lUnion européenne a consulté le CEPD sur les propositions.
Le CEPD note que plusieurs des mesures prévues dans les propositions visant à améliorer lintégrité du marché et la protection des investisseurs ont une incidence sur les droits des personnes sagissant du traitement de leurs données à caractère personnel. Alors que la proposition de règlement contient plusieurs dispositions susceptibles de porter atteinte aux droits des personnes à la protection de leurs données à caractère personnel, la proposition de directive ne comporte pas, en tant que telle, le traitement de données à caractère personnel.
Le présent avis est donc axé sur la proposition de règlement et notamment sur les points suivants:
1) Lapplicabilité de la législation en matière de protection des données : le CEPD se félicite de lattention spécifiquement accordée à la protection des données dans la proposition de règlement. Cependant, il suggère de reformuler la disposition, de sorte que lapplicabilité de la législation existante en matière de protection des données soit mise en exergue. En outre, la référence à la directive 95/46/CE devrait être explicitée en précisant que les dispositions sappliqueront conformément aux règles nationales mettant en uvre la directive 95/46/CE.
2) Les listes dinitiés : la proposition de règlement contient lobligation pour les émetteurs dun instrument financier ou les acteurs du marché des quotas démission détablir une liste de toutes les personnes travaillant pour eux, en vertu dun contrat de travail ou dune autre manière, et ayant accès à des informations privilégiées.
Tout en reconnaissant la nécessité dune telle liste et le fait quelle représente un outil important pour les autorités compétentes lorsquelles enquêtent sur déventuelles opérations dinitiés ou déventuels abus de marché, le CEPD recommande de mentionner explicitement la finalité dune telle liste dans une disposition de fond de la proposition de règlement.
Le CEPD recommande également : i) dintégrer les principaux éléments de la liste (en tout état de cause les raisons dinclure des personnes sur une liste dinitiés) dans la proposition de règlement elle-même ; ii) dintégrer une référence à la nécessité de consulter le CEPD dès lors que les actes délégués concernent le traitement de données à caractère personnel.
3) Les pouvoirs des autorités compétentes : le CEPD attire lattention sur deux pouvoirs en particulier, en raison de leur nature attentatoire aux droits à la vie privée et à la protection des données: i) le pouvoir de pénétrer dans des locaux privés pour y saisir des documents sous quelque forme que ce soit et ii) le pouvoir de se faire remettre les enregistrements des échanges téléphoniques et de données existants.
Le CEPD recommande :
4) Les systèmes de détection et de signalement des transactions suspectes : la proposition de règlement dispose que toute personne qui organise ou exécute des transactions sur des instruments financiers à titre professionnel dispose de systèmes de détection et de déclaration des ordres et des transactions qui pourraient constituer des opérations dinitiés, des manipulations de marché.
Dans la mesure où ces systèmes concerneront très probablement des données à caractère personnel, le CEPD recommande que ces normes soient élaborées selon le principe du «respect de la vie privée dès la conception», à savoir lintégration de la protection des données et de la vie privée dès la création de nouveaux produits, services et procédures comportant le traitement de données à caractère personnel.
Le CEPD recommande en outre dinclure une référence à la nécessité de consulter le CEPD dans la mesure où ces normes de réglementation concernent le traitement de données à caractère personnel.
5) Léchange dinformations avec des pays tiers : le CEPD note la référence à la directive 95/46/CE, plus particulièrement aux articles 25 ou 26 et les garanties particulières mentionnées à larticle 23 de la proposition de règlement concernant la communication de données à caractère personnel à des pays tiers.
6) La publication des sanctions : le CEPD est davis que la disposition sur la publication obligatoire des sanctions - telle quelle est actuellement formulée - ne respecte pas les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données.
Le législateur devrait évaluer attentivement la nécessité du système proposé et vérifier si lobligation de publication va au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser lobjectif dintérêt public poursuivi et sil nexiste pas des mesures moins restrictives pour atteindre le même objectif.
Sous réserve du résultat de cette évaluation du critère de proportionnalité, lobligation de publication devrait en tout état de cause être accompagnée de garanties adéquates pour garantir le respect de la présomption dinnocence, le droit dopposition des personnes concernées, la sécurité/exactitude des données et leur effacement après un laps de temps approprié.
7) Le signalement des violations : larticle 29 de la proposition de règlement dispose que les États membres sont tenus de mettre en place des mécanismes efficaces visant à encourager le signalement des infractions (également appelés mécanismes de dénonciation).
Le CEPD souligne la nécessité dintroduire une référence spécifique à la nécessité de respecter la confidentialité de lidentité des dénonciateurs et des informateurs. Il recommande dajouter une disposition énonçant que: «lidentité de ces personnes doit être garantie à tous les stades de la procédure, à moins que sa communication ne soit requise par le droit national dans le contexte denquêtes ou de procédures judiciaires ultérieures».
Le CEPD constate avec satisfaction que la proposition dispose que les États membres garantissent la protection des données à caractère personnel concernant à la fois la personne qui signale des infractions et la personne accusée, conformément aux principes inscrits dans la directive 95/46/CE. Il suggère toutefois de remplacer les termes «conformément aux principes inscrits dans la directive 95/46/CE» par «conformément à la directive 95/46/CE», afin que la référence à la directive soit plus générale et contraignante.