Sanctions pénales applicables aux abus de marché (directive relative aux abus de marché)

2011/0297(COD)

AVIS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE.

Le présent avis répond aux demandes de consultation de la part du Conseil de l’Union européenne portant sur :

  • une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les marchés d’instruments financiers, abrogeant la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil (directive MIF),
  • une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant le règlement (EMIR) sur les produits dérivés négociés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux (règlement MIF),
  • une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché) (règlement MAR),
  • la présente proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux sanctions pénales applicables aux opérations d’initiés et aux manipulations de marché (directive MAD).

La BCE accueille favorablement les mesures proposées visant à améliorer la réglementation des marchés d’instruments financiers comme constituant une étape importante vers le renforcement de la protection des investisseurs et vers la mise en place d’un système financier plus sain et plus sûr dans l’Union européenne. Elle formule les observations générales suivantes :

Règlement uniforme européen pour le secteur financier et rôle consultatif de la BCE : la BCE soutient l’élaboration d’un règlement uniforme européen pour tous les établissements financiers. Elle recommande de veiller à ce que la procédure législative ordinaire soit uniquement suivie pour les principes-cadres reflétant des choix politiques fondamentaux et les questions de fond, et que les règles techniques soient adoptées sous forme d’actes délégués ou d’actes d’exécution, le cas échéant via l’élaboration préalable de projets de normes de réglementation ou d’exécution par les autorités européennes de surveillance (AES).

La BCE escompte être consultée en temps utile sur ces actes de l’Union proposés. De plus, elle recommande de garantir la cohérence intersectorielle de la législation de l’Union relative aux services financiers.

Pouvoirs des autorités compétentes, rôle de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et des autorités macroprudentielles : la BCE se félicite que le cadre proposé renforce et harmonise les pouvoirs des autorités chargées de la surveillance des entreprises d’investissement et des marchés d’instruments financiers ainsi que l’exercice de leur pouvoir d’enquête, mettant particulièrement l’accent sur la coopération transfrontalière.

La BCE approuve le rôle majeur conféré à l’AEMF dans le cadre proposé, et notamment en ce qui concerne la fonction de facilitation et de coordination ainsi que l’évolution des normes techniques. Elle recommande :

  • d’améliorer encore la coopération et l’échange d’informations au sein du système européen de surveillance financière, et entre les autorités de surveillance et les banques centrales du SEBC, y compris la BCE, lorsque ces informations sont pertinentes pour l’exercice de leurs missions respectives ;
  • de mettre en place et de renforcer des procédures de coopération adéquates avec les autorités macroprudentielles lorsqu’il convient d’évaluer les menaces pour la stabilité du système financier. Cela pourrait se traduire par une coopération entre les autorités compétentes et les autorités nationales macroprudentielles ou, dans d’autres cas, par une coopération de l’AEMF avec le Comité européen du risque systémique (CERS).

En outre, afin d’assurer la transparence et la cohérence des sanctions administratives adoptées dans l’Union, les États membres devraient notifier à la Commission et à l’AEMF les règles nationales applicables et toute modification ultérieure les concernant.

Révision de la directive 2003/6/CE (abus de marché) :

- Dispositions générales : la BCE est favorable à la proposition de la Commission d’élargir le champ d’application du cadre juridique de l’abus de marché.

Les interdictions et obligations prévues par le règlement MAR proposé s’appliqueront également aux actions menées en dehors de l’Union afin d’éviter le contournement de ces interdictions et obligations en déplaçant les activités en dehors de l’Union. La BCE estime essentiel de conclure des accords de coopération avec les pays tiers afin de contrôler et de sanctionner de manière efficace de tels comportements. Dans ce contexte, elle recommande d’étendre les dispositions d’exclusion aux activités se rapportant à la politique monétaire et à la gestion de la dette publique dans certains cas également en dehors de l’Union.

La BCE accueille favorablement que le règlement MAR proposé vienne préciser certaines situations de manipulation de marché en faisant référence aux nouvelles techniques de négociation telles que le trading algorithmique, y compris le trading haute fréquence. La BCE est cependant favorable à un contrôle strict de ces techniques de négociation aux fins de protéger le bon fonctionnement du marché et l’intérêt public.

Le règlement MAR proposé considère implicitement comme une manipulation de marché ou une tentative de manipulation de marché le fait de négocier au moment de la clôture du marché. La BCE recommande d’analyser de façon plus détaillée ou d’améliorer cette définition de la manipulation de marché.

- Définition de l’information privilégiée : la BCE est favorable au champ d’application retenu par la définition de l’information privilégiée. Cependant, la référence aux matières premières suggère que le marché au comptant d’une matière première donnée peut servir à manipuler le marché d’instruments dérivés lié à cette matière première ou à d’autres matières premières, et vice versa.

La BCE suggère de retenir une définition plus claire étant donné que le règlement MAR proposé suppose de manière implicite que les marchés au comptant et les marchés d’instruments dérivés sont interconnectés tant en ce qui concerne les matières premières que les pays, et qu’il est difficile d’appréhender la catégorie de négociation au comptant susceptible d’affecter uniquement le marché au comptant.

- Publication d’informations privilégiées présentant une importance systémique : le règlement MAR proposé introduit une nouvelle disposition dans les règles relatives à la publication, selon laquelle une autorité compétente peut autoriser ex ante l’émetteur à différer la publication d’une information privilégiée à condition que l’information présente une importance systémique.

La BCE soutient le renforcement de la réglementation relative au report de la publication que poursuit le règlement MAR proposé. Elle formule toutefois les remarques suivantes :

  • dans le cas d’établissements financiers, l’appréciation de l’importance systémique de l’information et de l’intérêt public de différer la publication devrait intervenir en étroite coopération avec la banque centrale nationale concernée et l’autorité nationale chargée de la surveillance et, si elle diffère de la banque centrale ou de l’autorité de surveillance, avec l’autorité macroprudentielle nationale. Afin de garantir que ces autorités seront associées en temps voulu, elle prône la mise en place au niveau national des procédures appropriées et efficaces, étayées par des principes élaborés au niveau de l’Union ;
  • dès lors que le report de la publication est motivé par l’importance systémique de l’information et l’intérêt public, l’autorité compétente devrait être habilitée à décider de différer la publication ;
  • il peut être nécessaire de maintenir la confidentialité notamment des informations portant sur les prêts ou les autres facilités de liquidité accordés par une banque centrale à un établissement de crédit particulier, y compris l’aide d’urgence en cas de crise de liquidité, afin de contribuer à la stabilité du système financier dans son ensemble et de préserver la confiance du public en période de crise.

- Sanctions pénales applicables aux opérations d’initiés et aux manipulations de marché : la BCE accueille favorablement les dispositions de la directive MAD proposée définissant des règles minimales relatives aux sanctions pénales pour les formes les plus graves d’abus de marché. Elle juge déterminant pour la règle de droit que des régimes de sanctions identiques, forts et dissuasifs existent pour les délits financiers, et que les sanctions soient appliquées de façon cohérente et effective.