Programme pour le changement: l'avenir de la politique de développement de l'UE

2012/2002(INI)

La commission du développement a adopté le rapport d’initiative de Charles GOERENS (ADLE, LU) sur le programme pour le changement ou l'avenir de la politique de développement de l'UE, en réponse à une communication de la Commission sur le même thème.

Tout en reconnaissant les aspects innovants du «programme pour le changement»  proposé par la Commission, les députés estiment que ce programme ne contient aucune proposition visant à mettre en œuvre la cohérence des politiques pour le développement dans la pratique et ne prévoit pas de liens entre l'aide au développement et les autres politiques de l'UE, notamment la politique commerciale, la politique agricole et la politique de la pêche de l'Union. Ils rappellent la mise en place d’un mécanisme d’homogénéisation combinant les subventions publiques et les emprunts aux institutions financières ainsi que d’autres mécanismes de partage des risques. Ils demandent cependant à la Commission de fournir des informations claires sur la manière dont ce mécanisme poursuit l’objectif d’une politique de développement fondée sur les critères de l’APD (aide publique au développement) et sur celle dont le pouvoir de contrôle revient au Parlement européen.

Redistribution de l’aide : rappelant l’engagement de l’UE à se conformer à son objectif de consacrer 0,7% de son PIB au développement d’ici 2015 et le caractère indispensable de la lutte contre la pauvreté dans les pays émergents, les députés constatent l'intention de la Commission de promouvoir une croissance inclusive et durable au service du développement humain. Ils regrettent toutefois que le document ne fasse pas mention de la nécessité de promouvoir une meilleure redistribution de l’aide. Ils soulignent notamment que, dans une perspective de développement, ce nouvel instrument ne devrait avoir d'autres objectifs que la réduction de la pauvreté et la lutte contre les inégalités. Ils mettent en évidence le fait qu’une attention exclusive pour la croissance économique et un excès de confiance dans les effets de redistribution automatique du développement du secteur privé risquent de mener à une croissance déséquilibrée et non inclusive. Les députés demandent au contraire à l’Union de réexaminer sa stratégie en faveur des politiques de développement durable, notamment le commerce équitable, la redistribution des richesses et la justice sociale, afin d’améliorer les conditions de vie et de travail de l’ensemble de la population.

Pays à revenu intermédiaires : les députés constatent que la Commission a placé la pauvreté au cœur de sa nouvelle politique de «différenciation» mais que 70% des personnes dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté vivent dans des pays à revenu intermédiaire, dont bon nombre restent fragiles et vulnérables, notamment les petits États insulaires en développement. Ils regrettent, par conséquent, que les pauvres, dans ces pays, restent privés d’accès à l’éducation, à la santé et à d'autres fruits de la croissance économique interne et invitent la Commission à fixer des critères de vulnérabilité dans les orientations de programmation communes du nouvel instrument de financement de la coopération au développement et du 11ème Fonds européen de développement (FED) actuellement examiné.

Les députés jugent également indispensable de voir les pays à revenu intermédiaire consacrer une partie de plus en plus importante de leur revenu à des fins sociales, permettant, de ce fait, à l’Union européenne de réduire graduellement ses programmes de développement encore en cours, au bénéfice des pays les plus pauvres, tout en maintenant un partenariat étroit avec les pays à revenu intermédiaire, en particulier dans les domaines sociaux. Dans ce contexte, les députés réaffirment leur engagement en faveur de l’inclusion sociale et appuient l’objectif d’allouer au moins 20% de l’aide de l’Union dans son ensemble aux services sociaux de base, tels que définis par les Nations unies dans les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).

Programme pour le changement : les députés soutiennent la vision de la Commission dans son intention de concentrer les activités menées par l’UE dans chaque pays partenaire sur un nombre restreint de secteurs prioritaires, et appellent celle-ci à :

  • favoriser une approche stratégique fondée sur les droits, qui respecte les droits individuels et collectifs de la population dans les pays en développement ;
  • assurer que les régimes de droit foncier soient efficacement mis en œuvre dans les pays en développement et soient dûment contrôlés ;
  • mettre en œuvre l’article 32 de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (UNCRPD), sachant que 82% des personnes handicapées dans les pays en développement vivent sous le seuil de pauvreté ;
  • garantir une stratégie plus claire et plus ciblée en matière de nutrition, qui aborde la gouvernance de la sécurité alimentaire et qui réduise la volatilité des prix alimentaires d’ici fin 2012 ;
  • préciser le rôle des autorités régionales et locales comme acteurs importants et indépendants, non seulement au service de l’exécution de programmes ou projets de développement, mais aussi en tant qu’acteurs de base dans le processus d’élaboration de politiques de développement ;
  • inclure les obligations et devoirs des investisseurs étrangers qui opèrent dans les pays en développement en faveur du respect des droits de l’homme, des normes environnementales et des principales normes de travail de l’OIT et faire en sorte que les sociétés européennes soient juridiquement responsables dans leur pays d’origine du manquement à ces obligations et devoirs de la part de leurs filiales à l’étranger et des entités qu’elles contrôlent.

Les députés appellent en outre tant la Commission, que le SEAE ou l’Union européenne, chacun à son niveau à :

  • négocier une feuille de route pour la réduction progressive de l'aide publique au développement dans le cas des pays à revenu intermédiaire en les associant progressivement aux accords de coopération triangulaires nord-sud-sud;
  • faire en sorte que cette réduction progressive soit effectuée en ayant toujours à l’esprit le principe de prévisibilité de l’aide;
  • tenir l’engagement d’adopter une «approche fondée sur les droits de l’homme» dans l’ensemble du processus de coopération au développement et consentir des efforts supplémentaires afin d’intégrer plus efficacement les droits de l’homme et la démocratie dans l’ensemble de la coopération au développement ;
  • faire en sorte que le soutien budgétaire soit davantage lié à la situation des droits de l’homme et de la gouvernance des pays bénéficiaires;
  • clarifier le lien de causalité entre développement et migration ;
  • accorder une attention particulière aux droits des minorités et inclure des clauses non négociables relatives aux droits de l’homme et à la non-discrimination dans les programmes de développement ;
  • faire en sorte que si des sources innovantes de financement du développement sont initiées, elles viennent compléter les sources existantes, selon une approche en faveur des pauvres ;
  • reconnaître le droit des pays en développement à réglementer les investissements, favoriser les investisseurs qui soutiennent la stratégie de développement du pays partenaire et accorder un traitement préférentiel aux investisseurs nationaux et régionaux, afin d’encourager l’intégration régionale.

Les députés encouragent par ailleurs le Conseil à donner suite à la proposition de la Commission visant à instaurer une taxe sur les transactions financières efficace et conçue pour générer des revenus afin de respecter les priorités du développement inclusif et global.

Gouvernance : en matière de gouvernance, les députés soulignent la nécessité de :

  • renforcer le dialogue politique, en particulier entre les trois institutions de l’UE, pour renforcer le degré de consensus et d’engagement existant lors de l’adoption du «Consensus européen pour le développement» en 2005, qui devrait demeurer le cadre théorique de la cohérence des politiques pour le développement;
  • ajouter la signature de la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au Consensus européen pour le développement, étant donné que le Service européen pour l’action extérieure qu’elle préside assume des responsabilités importantes en matière de programmation.

Les députés regrettent par ailleurs que la Commission appelle uniquement le Conseil à approuver son programme pour le changement, et ce malgré le fait que le contrôle démocratique, tel que prévu par le traité de Lisbonne, doit être appliqué intégralement dans le domaine de la mise en œuvre de la politique de développement. Ils rappellent que pour devenir opérationnel, tout changement dans les priorités géographiques, thématiques et sectorielles de la coopération de l’Union devra être décidé en codécision par le Parlement et le Conseil dans le cadre des instruments pour le financement de la coopération au développement, qui relèvent de la procédure législative ordinaire.

Ils rappellent par ailleurs l’impératif d’une démarche cohérente des 28 acteurs d’ores et déjà réunis par le Consensus et insistent sur une lecture commune de la situation et une perception commune des enjeux stratégiques. Á cette fin, les députés demandent la création d’une cellule de réflexion indépendante, rattachée administrativement à la Commission, dont l’objectif consisterait à développer la capacité d’analyse et de conseil pour tous les acteurs européens de la coopération.

Enfin, les députés invitent les représentants des parlements nationaux des États membres à tenir des réunions annuelles structurées avec le Parlement européen afin de garantir la cohérence des dépenses en matière d’aide au développement et de renforcer la cohérence des politiques au service du développement.