Droits, soutien et protection des victimes de la criminalité: normes minimales
Le Parlement européen a adopté par 611 voix pour, 9 voix contre et 13 abstentions, une résolution législative sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité.
Le Parlement a arrêté sa position en première lecture suivant la procédure législative ordinaire. Les amendements adoptés en plénière sont le résultat dun compromis négocié avec le Conseil.
Objectif : lapproche préconisée est celle dun renforcement des droits offerts aux victimes en tentant de leur apporter un soutien à partir du moment où elles subissent le préjudice. Les victimes doivent en effet être traitées avec respect et dignité à toutes les phases du processus juridique et, en termes pratiques, dans une langue qu'elles comprennent.
Rappelant que lobjectif majeur de la directive était de garantir aux victimes un soutien et une protection adéquats et une participation à la procédure pénale quel que soit l'endroit où le préjudice a été commis dans l'UE, il a été précisé que les États membres devaient veiller à ce que les victimes soient reconnues et traitées avec respect, tact et professionnalisme, de façon personnalisée, et non discriminatoire, chaque fois qu'elles étaient en contact avec un service d'aide aux victimes ou un service de justice réparatrice ou toute autorité compétente agissant dans le cadre d'une procédure pénale. À ce titre, les victimes ne devaient subir aucune sorte de traitement discriminatoire fondée sur des motifs tels que la race, la couleur, l'origine ethnique ou sociale, les caractéristiques génétiques, la langue, l'orientation sexuelle ou encore le statut de résident de la victime. En ce qui concerne ce dernier point, il a également été précisé que la directive ne devait pas porter atteinte aux conditions de séjour des victimes de la criminalité sur le territoire des États membres, ni à leur statut spécifique de résident victime sur leur territoire ou à leur citoyenneté ou nationalité.
Spécificité de certaines catégories de victimes : il est précisé que :
- si la victime est un enfant, l'intérêt supérieur de ce dernier devait toujours primer. Ainsi, l'enfant devrait être considéré et traité comme pleinement porteur des droits énoncés dans la directive et devrait être habilité à exercer ces droits d'une manière qui tienne compte de sa capacité à se forger une opinion ;
- le même processus devrait sappliquer si la victime est une personne handicapée ;
- sil sagit de victimes du terrorisme, ces personnes devaient bénéficier d'une attention, d'un soutien et d'une protection spécifiques en raison de la nature particulière de l'acte criminel commis à leur égard. Ces personnes devraient notamment pouvoir bénéficier d'une reconnaissance sociale et d'un traitement respectueux de la part de la société ;
- dans le cas spécifique des femmes, il est spécifié quil sagit de victimes pouvant être touchées par toutes sortes de discrimination et de violations de leurs libertés fondamentales (en cas de viol, dagression sexuelle et de harcèlement sexuel, de traite des êtres humains, desclavage, de mariage forcé, de mutilations génitales féminines ou de "crimes d'honneur"). Dans ce contexte, une attention particulière devrait être accordée aux victimes, si lauteur présumé de linfraction est un membre de leur famille.
Définition dune «victime» au sens de la directive : le statut de la victime est clarifié, de sorte que ce statut soit reconnu à une personne indépendamment du fait que l'auteur de l'infraction ait été identifié, appréhendé, poursuivi ou condamné et abstraction faite de l'éventuel lien de parenté qui unit cette personne à l'auteur de l'infraction.
Sachant sur les membres de la famille d'une victime peuvent également subir des préjudices du fait de l'infraction commise, comme «victime indirecte», il est stipulé que ces personnes peuvent également bénéficier d'une protection en application de la directive. Les États membres peuvent cependant établir des procédures afin de limiter le nombre de membres de la famille pouvant bénéficier des droits prévus à la directive.
Information et soutien : le chapitre consacré à linformation et au soutien aux victimes a été revu pour renforcer et clarifier les droits conférés au titre de la directive :
- Droit de comprendre et d'être compris : les informations et conseils fournis par les autorités compétentes, les services d'aide aux victimes et les services de justice réparatrice devraient, autant que possible, prendre différentes formes afin de pouvoir être compris par la victime. Dans ce contexte, les États membres devraient prendre les mesures nécessaires pour aider la victime, dès le premier contact et lors de tous les échanges avec les autorités compétentes, à être comprise et à comprendre les communications faites, y compris les informations transmises par ces autorités. Les informations devraient être communiquées dans un langage simple et accessible et prendre en compte les particularités personnelles de la victime, y compris tout handicap qui peut affecter sa capacité à comprendre ou à communiquer. Éventuellement, la victime pourrait être accompagnée d'une personne de son choix lors du premier contact avec les autorités compétentes, si elle en a besoin.
- Droit de recevoir des informations dès le premier contact avec l'autorité compétente : des dispositions ont été ajoutées à la panoplie des informations que la victime pouvait recevoir. Parmi celles-ci, on épinglera un accès à des informations sur laide médicale, psychologique, sur le suivi traumatique, ou portant sur laccès au logement, etc. Dune manière générale, il est précisé que l'étendue ou le niveau de précision de ces informations peut varier en fonction des besoins spécifiques et de la situation personnelle de la victime, ainsi que du type ou de la nature de l'infraction. Des informations supplémentaires pourraient dès lors être fournies ultérieurement en fonction des besoins de la victime et de leur pertinence à chaque stade de la procédure.
- Droit au dépôt dune plainte : de nouvelles dispositions ont été introduites pour affiner la procédure de dépôt dune plainte. Ainsi, les États membres devraient veiller à ce que les victimes reçoivent par écrit un récépissé, indiquant les éléments essentiels relatifs à l'infraction, de toute plainte officielle relative à une infraction pénale qu'elle a déposée auprès de lautorité compétente. Si la victime ne comprend pas la langue, celle-ci pourrait recevoir une assistance linguistique ou une traduction, le cas échéant. Le récépissé devrait comporter un numéro de dossier ainsi que la date et le lieu de la dénonciation de l'infraction afin de servir d'élément de preuve attestant que l'infraction a été dénoncée, dans le cadre d'indemnités d'assurance par exemple.
- Droit de recevoir des informations sur laffaire : dimportantes dispositions ont été ajoutées sur le droit à lobtention dinformations sur laffaire par la victime. Parmi celles-ci figurent : la date et le lieu du procès, ou de l'audience en cas de pourvoi contre un jugement rendu dans le dossier en question. La victime devrait en outre recevoir des informations spécifiques concernant la remise en liberté ou l'évasion de l'auteur de l'infraction si elle en a fait la demande, au moins dans les cas où il pourrait exister un danger ou un risque identifié de préjudice pour elle, sauf si cette notification entraîne un risque identifié de préjudice pour l'auteur de l'infraction. Dans ce dernier cas, l'autorité compétente devrait tenir compte de tous les risques encourus lorsqu'elle prend les mesures appropriées. Les victimes devraient également recevoir des informations concernant le droit de faire appel d'une décision de libérer l'auteur d'une infraction lorsque ce droit existe dans la législation nationale.
- Droit à linterprétation et à la traduction : les dispositions relatives au droit à linterprétation et à la traduction ont été revues de sorte à clarifier dans quel cadre ce droit pourra être appliqué. Il ne serait notamment pas obligatoire de traduire les passages des documents essentiels qui ne sont pas pertinents pour permettre à la victime de participer activement à la procédure pénale. Dans certains cas, une traduction orale ou un résumé oral des documents pourraient suffire, à condition que cette traduction orale ou ce résumé ne portent pas atteinte au caractère équitable de la procédure. Le besoin de traduction ou dune assistance juridique devrait en outre être dûment évalué mais les victimes devraient avoir le droit de contester une décision concluant à l'inutilité d'assurer une traduction ou une interprétation, conformément aux procédures prévues dans leur droit national. Ce droit ne devrait toutefois pas prolonger la procédure pénale de façon disproportionnée.
- Droit daccès à laide aux victimes : il est précisé que les membres de la famille devraient pouvoir avoir accès également aux services daide aux victimes en fonction de leurs besoins et du degré du préjudice subi. Les services en question devraient être gratuits et confidentiels, voire spécialisés dans certains cas.
- Type daide octroyée : outre laide déjà prévue à la directive, il est précisé que les victimes bénéficieraient de conseils pour faire face aux représailles, à l'intimidation et aux atteintes répétées ou secondaires et sur les moyens de les empêcher. Les besoins spécifiques des victimes vulnérables devraient également être rencontrés et inclure au moins: i) des refuges ou tout autre hébergement provisoire approprié pour les victimes ayant besoin d'un endroit sûr en raison d'un risque imminent de représailles, ii) une aide ciblée et intégrée aux victimes ayant des besoins spécifiques, comme les victimes de violences sexuelles, de violences fondées sur le genre et de violences entre proches, y compris un soutien post-traumatique et des conseils. En tout état de cause, tout devra être fait pour éviter tout risque de victimisation secondaire et répétée par l'auteur de l'infraction. À cette fin, les États membres devraient être encouragés à mettre en place, en particulier dans les tribunaux, les locaux de la police et de la gendarmerie, des mesures pour que les établissements prévoient des aménagements tels que des entrées séparées et des zones d'attente distinctes pour les victimes.
Participation à la procédure pénale : constatant que le rôle attribué aux victimes dans le système de justice pénale et la possibilité qu'elles ont de prendre une part active aux procédures pénales pouvaient varier d'un État membre à lautre, une série de critères ont été introduits pour renforcer ce droit. Il reviendra toutefois aux États membres de déterminer lequel de ces critères sera applicable pour définir l'étendue des droits prévus par les articles qui font référence au rôle attribué aux victimes dans le système de justice pénale concerné. Dune manière générale, les droits suivants ont été renforcés dans ce cadre : le droit dêtre entendu, les droits conférés en cas de décision de non-poursuite, de justice réparatrice, daide juridictionnelle, de remboursement des frais et de restitution des biens.
Renforcement des droits des victimes et de celles nécessitant des besoins spécifiques : le cadre de protection des victimes a été globalement renforcé de sorte que la protection ne bénéficie pas seulement aux victimes elles-mêmes, mais aussi aux membres de leur famille, si nécessaire.
Ont été prévus:
- un droit à une protection : les États membres devront faire en sorte que des mesures soient mises en place pour protéger la victime et les membres de sa famille d'une victimisation secondaire et répétée, d'intimidations et de représailles, y compris contre le risque d'un préjudice émotionnel ou psychologique pendant une audition ;
- un droit à l'absence de contact entre la victime et l'auteur de l'infraction : les États membres devraient, dans la mesure du possible, organiser la procédure pénale de manière à éviter les contacts entre l'auteur de l'infraction, d'une part, et la victime et les membres de sa famille, d'autre part, en convoquant par exemple la victime et l'auteur de l'infraction à des audiences fixées à des dates différentes ;
- un droit à une protection au cours de l'enquête pénale : il sagirait notamment que le nombre d'auditions de la victime soit limité à un minimum et à ce que les auditions n'aient lieu que dans la mesure strictement nécessaire au déroulement de l'enquête pénale;
- un droit à la protection de la vie privée : protéger la vie privée de la victime peut être un moyen important pour empêcher quelle ne subisse un nouveau préjudice. Cette protection peut imposer une série de mesures, dont la non-divulgation ou la divulgation limitée d'informations concernant l'identité ou le lieu de séjour de la victime. Elle revêt une importance particulière pour les enfants victimes, comme notamment la non-divulgation de leur nom ;
- un droit à une évaluation personnalisée des victimes afin d'identifier leurs besoins spécifiques en matière de protection : il sagit dune innovation majeure de la directive qui prévoit une évaluation personnalisée, effectuée dès que possible, pour déceler effectivement les risques auxquels sont exposées les victimes. Ces évaluations devraient être réalisées pour toutes les victimes afin de déterminer si elles sont exposées au risque d'un nouveau préjudice et quelles sont les mesures de protection spécifiques dont elles ont besoin. Les évaluations personnalisées devraient tenir compte des particularités personnelles de la victime, telles que l'âge, le sexe et l'expression ou identité sexuelle, le handicap, le statut de résident, les difficultés de communication, les liens de parenté ou de dépendance à l'égard de l'auteur de l'infraction, etc. Si en outre la victime est un enfant, elle devra toujours être présumée avoir des besoins spécifiques en raison de son exposition au risque de préjudices secondaires ou répétées ou d'intimidations. L'évaluation personnalisée devra être effectuée en étroite association avec la victime et devra tenir compte de ses souhaits. Si la situation de la victime change, lévaluation pourrait être actualisée tout au long de la procédure pénale ;
- un droit pour des victimes ayant des besoins spécifiques en matière de protection : si une évaluation détermine des besoins spécifiques pour une victime, des mesures spéciales pourraient être prévues, notamment en matière daudition, de contacts avec les auteurs présumés de linfraction. Les procédures prévues seraient encore renforcées si la victime est une enfant (ex. : audition par enregistrement audiovisuel, etc..).
Formation des praticiens : des dispositions ont été ajoutées sur le renforcement de la formation des praticiens de la justice, notamment pour les fonctionnaires susceptibles d'entrer en contact avec la victime (policiers et personnel des tribunaux tels que juges et autorités chargées des poursuites mais aussi avocats) afin que les personnes concernées soient mieux informées des besoins des victimes. La formation visera avant tout à permettre au praticien de reconnaître et de traiter les victimes avec respect, professionnalisme et de manière non discriminatoire.
Coopération et coordination des services : pour que les victimes d'infractions bénéficient de l'attention, de l'assistance et de la protection requises, les services publics devraient travailler de façon coordonnée et être associés à tous les niveaux administratifs. Cette coopération porterait au moins sur les points suivants: i) échange de bonnes pratiques; ii) concertation sur des cas particuliers; iii) assistance aux réseaux européens s'occupant de questions directement liées aux droits des victimes. Des mesures sont également préconisées pour sensibiliser l'opinion publique aux droits énoncés par la directive, en recourant à des campagnes d'information et de sensibilisation, des programmes de recherche et d'éducation, le cas échéant en coopérant avec les organismes compétents de la société civile et d'autres intervenants.
Collecte de données : afin de faciliter l'évaluation de l'application de la directive, les États membres devraient communiquer à la Commission les données utiles liées à la mise en uvre des procédures nationales concernant les victimes de la criminalité, y compris au moins le nombre, le type ou la nature des infractions signalées et, pour autant que ces données soient connues et disponibles, le nombre de victimes, leur âge et leur sexe. Les données judiciaires pourraient également comprendre des informations concernant les infractions dénoncées, le nombre d'affaires faisant l'objet d'une enquête, de poursuites et d'une condamnation, etc.
Rapports : il est prévu que la Commission présente au Parlement européen et au Conseil, un rapport évaluant dans quelle mesure les États membres auront pris les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive, notamment en ce qui concerne la mise en place des services daide aux victimes et en matière didentification des besoins spécifiques des victimes, accompagné, le cas échéant, de propositions législatives.
Non extraterritorialité du dispositif : il est stipulé que la directive ne devrait s'appliquer que dans le cadre d'infractions pénales commises dans l'Union européenne et de procédures pénales qui se déroulent dans l'Union. Elle ne confèrerait des droits aux victimes d'infractions extraterritoriales que dans le cadre de procédures pénales qui se déroulent dans l'Union. Le dépôt de plaintes auprès d'autorités compétentes situées en dehors de l'Union, telles que des ambassades, n'entraînerait pas l'application des obligations prévues par la directive.