Rôle de la politique de sécurité et de défense commune en cas de crises climatiques et de catastrophes naturelles

2012/2095(INI)

La commission des affaires étrangères a adopté un rapport d’initiative d’Indrek TARAND (Verts/ALE, EE) sur le rôle de la politique de sécurité et de défense commune en cas de crises climatiques et de catastrophes naturelles.

D’une manière générale, les députés constatent les effets du changement climatique sur la sécurité, la paix et la stabilité dans le monde. Or, ces quatre dernières années, la question du changement climatique s’est retrouvée oblitérée par la crise économique et financière.

Force est toutefois de constater que l'intensification des phénomènes météorologiques extrêmes représente un coût croissant pour l'économie mondiale, non seulement pour les pays en développement, mais aussi pour le monde. Les catastrophes naturelles, exacerbées par le changement climatique, ont des effets déstabilisants, surtout dans les États vulnérables.

Les députés soulignent que jusqu’ici aucun conflit n’a pu être attribué uniquement au changement climatique.

Ils reconnaissent toutefois que les crises complexes peuvent être prédites et prévenues en adoptant une approche globale qui intègre les domaines politiques qui font plein usage des outils de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et des politiques en faveur de l'aide au développement et de l'aide humanitaire.

Les députés soulignent également que, dans ses stratégies, politiques et instruments d'action extérieure, l'Union devrait prendre en considération les effets sur la sécurité internationale des catastrophes naturelles et du changement climatique, en prêtant attention à la très grande vulnérabilité des femmes et des enfants.

Réaffirmant l'importance de la réduction des risques de catastrophe, les députés appellent à l’intégration d’analyses de l'incidence des crises d'origine climatique et des catastrophes naturelles dans les stratégies et les plans opérationnels de la PSDC avant, pendant et après les crises, et à concevoir des plans de secours d'atténuation destinés aux régions courant le plus de risques. Ils en appellent également à la coopération dans la pratique, comme, par exemple, des exercices de coopération.

Même s’ils se réjouissent des nouveaux outils prévus par le traité de Lisbonne en matière de prévention des conflits (missions de prévention des conflits, missions humanitaires et de secours, missions de conseil et d'assistance en matière militaire, missions de maintien de la paix …), les députés soulignent qu’il faut éviter la redondance des instruments et opérer une distinction claire entre ceux qui relèvent de la PSDC et ceux qui sont hors de son champ d'application. Ils se disent plutôt favorables à des synergies entre civils et militaires lors de crises comme celles survenues à Haïti, au Pakistan ou à la Nouvelle-Orléans.

Besoin de volonté politique et d'action : les députés demandent à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR) :

  • de prendre en compte, chaque fois qu'elle le jugera approprié, le changement climatique et les catastrophes naturelles, ainsi que leurs ramifications en matière de sécurité et de défense, au moment d'analyser les crises et les menaces de conflits ;
  • d'apprécier, potentiellement, quels pays et/ou régions courent le risque le plus élevé de conflit et d'instabilité en raison du changement climatique et des catastrophes naturelles et d'établir la liste de ces pays et régions ;
  • d'améliorer la capacité de l'Union à assurer dans la pratique la prévention des conflits, la gestion des crises et la reconstruction après la crise;
  • de coordonner étroitement, avec la Commission et la politique européenne d'aide au développement, les efforts liés à la nécessité d'aider les pays partenaires en ce qui concerne la résilience face au changement climatique ;
  • d'adapter en conséquence, en étroite collaboration avec la Commission, la planification à long terme des capacités et moyens civils et militaires de l'Union.

L'UE doit ainsi présenter une liste énumérant les défis auxquels elle est confrontée dans des régions telles que l'Arctique, l'Afrique, le monde arabe et le troisième pôle (l'Himalaya et le plateau tibétain), et notamment les conflits potentiels pour les ressources hydriques. Dans ce contexte, les députés appellent tous les niveaux institutionnels (SEAE, DG ECHO, et Europe Aid) à élaborer, en étroite concertation et coordination, une liste de tous les pays et régions qui seront particulièrement vulnérables au changement climatique au cours des décennies à venir.

Dans l’attente, il convient de poursuivre et d'intensifier, au niveau de l'Union, l'aide humanitaire et l'aide au développement et d’œuvrer avec les régions-clés à risque pour renforcer leur capacité de réponse (par exemple, dans le cadre de la stratégie UE-Afrique, du processus de Barcelone, de la synergie de la mer Noire, de la stratégie UE-Asie centrale et du plan d'action au Proche-Orient).

Les députés appellent en outre la VP/HR et la Commission à :

  • intégrer les éventuels effets du changement climatique sur la sécurité dans les plus importants instruments financiers, documents et stratégies en matière d'action extérieure et de PSDC ;
  • mettre en place le fonds de lancement prévu par l’article 41, par. 3 du traité sur l'Union européenne afin de mutualiser les capacités et de mettre en commun les équipements nécessaires pour des opérations civiles de crise.

Les députés attirent encore l'attention sur le fait que la sécurité énergétique est étroitement liée au changement climatique. Ils rappellent à cet égard que les pipelines russes seront menacés de rupture par la fonte du permafrost et que la transformation de l'Arctique constitue un des effets majeurs du changement climatique sur la sécurité de l'Union.

Au passage, ils accueillent favorablement les tentatives récentes visant à renforcer la coordination entre l'OTAN et l'Union européenne dans le domaine du renforcement des capacités.

Besoin d'un nouveau souffle: défis stratégiques et conceptuels : pour répondre aux crises, les députés suggèrent :

  • l’intégration des effets négatifs du changement climatique et des catastrophes naturelles sur la paix et la stabilité dans tous les documents stratégiques de la PESC et de la PSDC ;
  • des modalités d'évaluation précoce en déployant le plus tôt possible des équipes pluridisciplinaires composées d'experts civils et d'experts militaires ;
  • des analyses précises et récentes en vue de prévoir l'insécurité due au changement climatique et d'y répondre, et des modalités de collecte de données et d'analyse des informations grâce à des structures comme les délégations de l'Union ;
  • la disponibilité de ressources humaines suffisantes et d'une méthode d’analyse adéquate en mobilisant les informations des unités du SEAE compétentes et de la Commission ;
  • la coordination des actions menées dans le cadre du SEAE et de la Commission en vue d’une planification adéquate des politiques en mobilisant la DG Aide humanitaire et protection civile, mais également les agences et programmes des Nations unies, ainsi que l'OTAN, les ONG pertinentes et la société civile ;
  • la conception de plans d'urgence pour la réponse de l'Union aux effets des catastrophes naturelles ou des crises climatiques hors de son territoire ayant pour elle, directement ou indirectement, des implications de sécurité (par exemple, des migrations climatiques).

S’ils se félicitent des mesures prises jusqu’ici en matière de diplomatie du climat, les députés estiment qu’il ne s’agit là que d'une seule dimension de l'action extérieure possible et qu'il existe un besoin important d'anticipation des crises climatiques dans le cadre de la PDSC par l'intégration des besoins.

Des modifications stratégiques sont ainsi proposées dans le cadre de la PDSC comme une meilleure planification militaire au niveau politique et stratégique de l'Union mais aussi la mise en place d’un concept de l'Union pour le commandement, la constitution des forces, et la réaction rapide militaire de l'Union. Sur le plan civil, les députés demandent également que des mesures de planification, de commandement et de contrôle des opérations menées par l'Union soient prévues.

Pour développer les capacités civiles et militaires de façon à permettre leur déploiement en réponse aux catastrophes naturelles et aux crises climatiques, les députés préconisent la mutualisation des moyens et un renforcement du rôle accordé à l'Agence européenne de défense (AED).

Nécessité d'une créativité institutionnelle: les députés réitèrent leur position selon laquelle, pour être efficaces, les réponses aux crises comme les catastrophes naturelles nécessitent de pouvoir faire appel aussi bien à des moyens civils que militaires. Ils appellent dès lors à la mise en place d’une liste spécifique de capacités militaires et civiles de la PDSCE particulièrement pertinentes tant pour répondre au changement climatique et aux catastrophes naturelles que dans le cadre des missions relevant de la PDSC. Les ressources répertoriées devraient inclure les capacités d'ingénierie, comme la construction et l'exploitation ad hoc d'infrastructures portuaires ou aéroportuaires, les transports maritimes et aériens et leur gestion opérationnelle, les hôpitaux mobiles, les infrastructures de communication, l'assainissement des eaux et la gestion des combustibles. Ils invitent le Conseil et l'AED, dans le cadre de l'examen du programme de développement des capacités de 2013, à faire concorder les catalogues actuels des capacités civiles et militaires avec les capacités requises pour relever les défis liés au changement climatique et à présenter les propositions nécessaires pour combler toute lacune potentielle.

Il convient également d’explorer :

  • les potentialités d’un commandement européen du transport aérien;
  • les moyens d'améliorer les capacités énergétiques des forces armées, sur le territoire de l'Union comme en dehors de celui-ci, et leur gestion environnementale ;
  • les potentialités de financements existants dans le prochain cadre financier pluriannuel 2014-2020, notamment dans le cadre de l’instrument de stabilité renouvelé ;
  • la mise en place de mécanismes de coordination entre l'Union et les États membres, conformément aux dispositions de la coopération structurée permanente, afin de garantir la cohérence des actions dans ce domaine.

Enfin, les députés demandent que l'Union examine les implications de sécurité du changement climatique dans son dialogue avec les pays tiers, notamment avec l'Inde, la Chine et la Russie afin d’envisager une approche multilatérale sur cette question.

Á noter enfin, qu’une opinion minoritaire s’est dégagée dans le cadre du présent rapport par plusieurs députés du groupe GUE/NGL qui récusent le postulat défendu dans le rapport selon lequel, pour répondre aux crises dues au changement climatique, il convient de répondre par des contre-mesures répressives et militaires, en plaidant notamment pour une militarisation accrue de l'Union européenne. Ces députés défendent au contraire plus d'équité en matière de répartition mondiale des ressources, la conduite de toutes les activités dans le cadre strict de la charte des Nations unies et du droit international, une action centrée sur Union européenne civile, et une stricte séparation entre l’UE et l’OTAN et entre les capacités civiles et militaires.