Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) 2014-2020

2012/0295(COD)

OBJECTIF : créer un Fonds européen d’aide aux plus démunis.

ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil.

CONTEXTE : en 2010, près d’un quart des Européens (116 millions de personnes) était menacé de pauvreté ou d’exclusion sociale, soit environ 2 millions de plus que l’année précédente, et les premiers chiffres disponibles pour 2011 confirment cette évolution négative. La pauvreté représente en Europe 40 millions de personnes qui vivent dans un dénuement matériel extrême. Les principales caractéristiques de cette privation est l’impossibilité d’accéder à une quantité suffisante de denrées alimentaires et le sans-abrisme (les mal logés représentaient 4,1 millions de personnes en 2009-2010). La pauvreté touche en outre de plein fouet 25,4 millions d’enfants qui souffrent, outre de privation matérielle, de moindre chance de réussir à l’école, d’être en bonne santé et de réaliser tout leur potentiel en tant qu’adultes.

Face à l’accroissement des besoins des personnes en marge de la société, la capacité des États membres à leur apporter une aide a plutôt diminué dans le contexte actuel de crise et de contraintes budgétaires. D’une manière générale, en outre, la sensation demeure que les politiques décidées au niveau européen sont plutôt responsables de cette situation.

Réponse de l’UE et la polémique sur le PEAD : le principal instrument de l’Union pour lutter contre la pauvreté et promouvoir l’inclusion sociale est et restera le Fonds social européen (FSE). Á côté de cela, le programme européen de distribution de denrées alimentaires aux plus démunis (le PEAD) a fourni de manière visible et tangible une aide alimentaire aux personnes démunies. Ce programme a été créé en 1987 afin de faire bon usage des excédents agricoles qui, sans lui, auraient peut-être été détruits, en les mettant à la disposition aux États membres désireux de les utiliser. Le programme est devenu, au fil des années, une source importante de provisions pour les organisations qui travaillent en contact direct avec les personnes les plus défavorisées et leur fournissent des produits alimentaires. L’épuisement attendu des stocks d’intervention et leur grande imprévisibilité sur la période 2011-2020, à la suite des réformes successives de la politique agricole commune, ont privé le PEAD de sa raison d’être initiale, d’où son arrêt à la fin de 2013.

Ce possible arrêt de l’aide a été vivement critiqué en 2012 par les grandes organisations caritatives et les organisations de la société civile représentant les banques alimentaires, les organisations travaillant avec des enfants et les sans-abri en plaidant pour le maintien du PEAD à un moment où les besoins sont en augmentation.

Les débats au sein du Conseil et du Parlement européen ainsi que les discussions avec la société civile et les autorités locales sur les formes actuelles d’aide en faveur des plus démunis au titre du PEAD ont fourni des indications utiles et des idées pour l’avenir et la forme potentielle de cet instrument.

En revanche, les avis des États membres sur un tel instrument sont partagés: 7 États membres ont exprimé leur opposition à une poursuite du PEAD au-delà de 2013. D’autres États membres se sont montrés résolument favorables au programme. De son côté, le Parlement européen a exprimé à plusieurs reprises un large soutien à la poursuite du programme d’aide alimentaire, au profit de la cohésion sociale en Europe. Il a appelé à une stratégie dans ce domaine – d’abord dans une déclaration écrite (2010), puis dans une résolution (2011).

Face à la privation matérielle récurrente, une assistance de l’UE aux personnes les plus démunies de la société reste nécessaire. La Commission en a tenu compte dans sa proposition relative au prochain cadre financier pluriannuel et a réservé un budget de 2,5 milliards EUR pour un nouvel instrument destiné à lutter contre les formes extrêmes de pauvreté et d’exclusion.

C’est précisément dans ce contexte qu’est proposé le présent projet de règlement qui établit, pour la période 2014-2020, un nouvel instrument qui viendra compléter les instruments de cohésion existants et notamment le FSE, en s’attaquant aux formes de pauvreté les plus graves, tout en soutenant les mesures d’accompagnement destinées à la réinsertion sociale des personnes les plus démunies dans l’Union.

ANALYSE D’IMPACT : l’analyse d’impact a principalement porté sur le champ d’application du nouvel instrument.

Les options envisagées étaient :

  • Option 0 : aucun financement ;
  • Option 1 : un instrument susceptible de succéder au programme actuel, mais limité à la distribution d’aide alimentaire ;
  • Option 2 : un instrument qui viendrait compléter la distribution de l’aide alimentaire par un soutien à des mesures d’accompagnement visant l’inclusion sociale des bénéficiaires de l’aide alimentaire ;
  • Option 3 : un instrument global assurant l’aide matérielle sous forme de denrées alimentaires et de biens destinés aux sans-abri et aux enfants en situation de privation matérielle, associée à des mesures d’accompagnement visant la réinsertion sociale des plus démunis.

L’impact net de l’option 0 dépend de la réaffectation des fonds mis à disposition, mais cette option serait certainement considérée comme la preuve d’une érosion de la solidarité en Europe à un moment où la pauvreté est en hausse. Par rapport à l’option 1, l’option 2 et, plus encore, l’option 3 impliquent une réduction de l’aide alimentaire distribuée étant donné qu’une partie des ressources est attribuée à d’autres types d’actions. Cependant, les mesures d’accompagnement devraient aussi assurer une plus grande durabilité des résultats obtenus. L’option 3 est privilégiée parce qu’elle permet mieux d’adapter les interventions soutenues aux besoins locaux

BASE JURIDIQUE : article 175, 3ème alinéa du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

CONTENU : avec la présente proposition, la Commission propose l’établissement d’un Fonds européen d’aide aux plus démunis pour la période 2014-2020. La proposition de règlement définit les objectifs et le champ d’intervention, fixe les ressources financières disponibles et les critères d’affectation y afférents, et énonce les règles nécessaires pour garantir l’efficacité du Fonds.

Objectifs général et spécifiques : l’objectif général du Fonds est de promouvoir la cohésion sociale dans l’Union en contribuant à la réalisation de l’objectif de la stratégie Europe 2020 visant une réduction d’au moins 20 millions du nombre de personnes touchées ou menacées par la pauvreté et l’exclusion sociale. Il se traduit par l’objectif spécifique de soutenir des programmes nationaux qui apportent une assistance non financière aux personnes les plus démunies par l’intermédiaire d’organisations partenaires.

Champ d’intervention : le Fonds concerne la privation alimentaire, le sans-abrisme et la privation matérielle des enfants. Chaque État membre pourra choisir d’agir sur une ou plusieurs de ces formes de privation. Le Fonds peut également soutenir des mesures d’accompagnement, qui viennent en complément de l’aide matérielle, en vue de contribuer à la réintégration sociale des personnes les plus démunies.

Population admissible et ciblage : la population admissible à une aide matérielle est constituée des personnes les plus démunies de l’Union. Il incombera aux États membres ou aux organisations partenaires de définir les critères d’identification des personnes les plus démunies destinataires de l’aide puisqu’ils sont les mieux à même de cibler l’assistance compte tenu des besoins locaux.

En définissant le type de biens qui sera distribué, à savoir de la nourriture, des produits de consommation de base à l’usage personnel des sans-abri ou des enfants, la proposition contient également un mécanisme de ciblage indirect.

N.B. : le Fonds ne pourra être utilisé qu’à l’appui d’opérations de distribution d’aliments ou de biens conformes au droit de l’Union en matière de sécurité des produits de consommation.

Organisations partenaires : les organisations partenaires sont celles qui fournissent directement ou indirectement les denrées alimentaires ou les biens aux personnes les plus démunies. Pour faire en sorte que le Fonds contribue à la réduction durable de la pauvreté et à l’amélioration de la cohésion sociale, les organisations partenaires qui fournissent directement les denrées alimentaires ou les produits devront elles-mêmes réaliser des activités qui complètent l’assistance matérielle fournie, dans l’optique de l’intégration sociale des personnes les plus démunies. Le Fonds lui-même pourra apporter son soutien à ces mesures d’accompagnement.

Les autorités nationales pourront soit acheter les denrées alimentaires ou les produits et les mettre à disposition des organisations partenaires ou apporter un financement à l’organisation partenaire pour ces achats. Si l’achat des denrées alimentaires ou des produits est effectué par une organisation partenaire, celle-ci peut soit distribuer elle-même l’aide matérielle ou confier la distribution à d’autres organisations partenaires.

Dispositions d’application : le Fonds sera mis en œuvre suivant le modèle de la politique de cohésion, c’est-à-dire dans le cadre d’une gestion partagée sur la base d’un seul programme opérationnel de 7 ans par État membre, couvrant la période 2014-2020.

  • Modalités d’application : la proposition adopte la méthode appliquée aux Fonds structurels, à savoir autoriser les États membres qui le souhaitent à utiliser les structures, les autorités désignées et les procédures mises en place pour le FSE afin de réduire au minimum les charges administratives résultant de la transition de l’actuel programme de distribution d’aliments aux plus démunis au nouveau Fonds européen d’aide aux plus démunis. Les dispositions relatives à la programmation, au suivi, à l’évaluation, à l’information et à la communication sont toutefois rationalisées et simplifiées, afin d’être adaptées à la spécificité des objectifs et des populations cibles du Fonds.
  • Règles d’admissibilité : les règles d’admissibilité sont conçues de façon à tenir compte de la nature du Fonds et des différents acteurs qui seront associés à sa mise en œuvre. En particulier, la proposition prévoit des méthodes simplifiées en matière de coûts pour la majorité des catégories de dépenses et ouvre des options pour les autres catégories.
  • Gestion financière du Fonds : le système de gestion et de contrôle financiers suit également la logique des Fonds structurels. En outre, certaines dispositions ont été adaptées et simplifiées pour être en totale adéquation avec les types d’activités qui seront financées par le Fonds, notamment en ce qui concerne le préfinancement, le contenu des demandes de paiement à la Commission et le contrôle proportionnel. Les organisations partenaires ont une capacité limitée d’avancer les fonds requis. Les États membres, quant à eux, peuvent avoir des difficultés à mobiliser les ressources nécessaires au préfinancement des opérations. En outre, les États membres contraints aux plus fortes restrictions budgétaires sont susceptibles d’être ceux qui comptent le plus grand nombre de personnes parmi les plus démunies. Pour remédier à cette situation, qui pourrait compromettre la réalisation de l’objectif du Fonds, le taux de préfinancement est fixé à 11% de la dotation totale versée à un État membre. Il sera ainsi possible de couvrir jusqu’à 90% des coûts de la campagne d’aide de la première année, sans comptabiliser l’assistance technique, le transport, les frais administratifs et les mesures d’accompagnement.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : le total des ressources disponibles pour les engagements budgétaires du Fonds pour la période 2014-2020, exprimé en prix de 2011, s’élève à 2,5 milliards EUR, conformément à la ventilation annuelle figurant à une annexe de la proposition. Le montant des ressources est indexé de 2% par an. Des critères sont définis par la Commission, par voie d’actes d’exécution, sur la ventilation annuelle des ressources par État membre, compte tenu des indicateurs suivants établis par Eurostat:

·         la population souffrant de privation matérielle aiguë;

·         la population vivant dans un ménage à très faible niveau d’intensité de travail.

L’assistance technique à l’initiative de la Commission fait l’objet d’une allocation de 0,35% des ressources globales.

Des crédits de l’ordre de 7,112 millions EUR de 2012 à 2020, sont également prévus pour assurer la gestion administrative du Fonds (Rubrique 5 du cadre pluriannuel – ressources humaines et administratives).

ACTES DÉLÉGUÉS : le pouvoir d’adopter des actes conformément à l’article 290 du traité sera dévolu à la Commission à l’égard des responsabilités des États membres concernant :

  • la procédure de notification d’irrégularités et le recouvrement de sommes indûment versées,
  • les modalités d’échange d’informations sur les opérations,
  • l’audit approprié des mesures financées et les conditions applicables aux audits nationaux,
  • les critères de désignation des autorités de gestion et de certification,
  • la détermination des supports de données habituellement acceptés,
  • les critères pour la fixation du niveau de correction financière à appliquer.