La commission des affaires étrangères a adopté un rapport dinitiative dIoan Mircea PAŞCU (S&D, RO) sur les clauses de défense mutuelle et de solidarité de l'Union européenne: dimensions politique et opérationnelle.
Les députés rappellent que l'élaboration d'une politique commune de la défense, visant à mettre en place une défense commune, renforce l'identité européenne et l'autonomie stratégique de l'Union européenne. Ils rappellent également que, même si les États membres conservent la responsabilité première dans la gestion des crises frappant leur territoire, les menaces graves et complexes qui pèsent sur la sécurité, allant d'attaques armées au terrorisme en passant par des catastrophes naturelles ou de type CBRN et autres cyberattaques, ont de plus en plus un caractère transfrontalier et peuvent facilement déborder les capacités d'un seul État membre. Ils prient donc les États membres, la Commission et la vice-présidente/haute représentante (VP/HR) d'utiliser pleinement les possibilités offertes par toutes les dispositions pertinentes du traité, et notamment la clause de défense mutuelle et la clause de solidarité, afin de fournir aux citoyens européens les mêmes garanties de sécurité contre les menaces conventionnelles et non conventionnelles. Ils font ainsi référence à l'article 42, paragraphe 7, du traité UE ("clause de défense mutuelle" ou "clause d'assistance mutuelle") et à l'article 222 du traité FUE ("clause de solidarité").
Le rapport détaille en particulier la manière dont ces clauses doivent être interprétées et mises en uvre en termes de champ dapplication et de capacités.
1) Clause de défense mutuelle :
Champ d'application : les députés rappellent aux États membres leur obligation non équivoque de prêter aide et assistance, par tous les moyens en leur pouvoir, à un État membre qui serait l'objet d'une agression armée sur son territoire. Et bien qu'une agression de grande ampleur contre un État membre semble improbable dans un avenir prévisible, la défense territoriale traditionnelle et la défense contre les nouvelles menaces doivent rester une priorité. En ce sens, des attaques non armées, telles les cyberattaques, pourraient être couvertes par la clause si leurs conséquences menaçaient gravement la sécurité d'État membre quelconque.
Les députés rappellent également que le traité impose une compatibilité des engagements et de la coopération en matière de défense mutuelle avec l'OTAN. Ils soulignent cependant quil faut se préparer à faire face à des situations impliquant des États membres de l'Union non membres de l'OTAN ou des territoires des États membres de l'Union qui ne relèvent pas de l'OTAN, comme prévu par l'accord "Berlin Plus".
Capacités : dune manière générale, les députés insistent sur la nécessité de garantir aux pays européens la disponibilité de capacités militaires crédibles. Ils encouragent donc les États membres à accroître leurs efforts pour le renforcement concerté des capacités militaires, notamment au travers des initiatives complémentaires "mutualisation et partage" et "défense intelligente" de l'Union et de l'OTAN, surtout en ces temps de restrictions budgétaires. Ils insistent donc pour que lUnion et lOTAN consolident leur coopération en renforçant leurs capacités de base technologiques et matérielles.
Les députés renouvellent leur appel en faveur d'une harmonisation systématique des besoins militaires et d'un processus harmonisé de l'Union en matière de planification et d'acquisition dans le domaine de la défense, à la hauteur des ambitions de l'Union
Structures et procédures : les députés attendent de la VP/HR quelle propose des modalités et des orientations pratiques afin de garantir une réponse efficace si un État membre invoque la clause de défense mutuelle, ainsi qu'une analyse du rôle des institutions de l'Union en cas d'invocation. En cas daction collective pour défendre un État membre attaqué, les députés estiment quil devrait être possible de recourir, si nécessaire, aux structures actuelles de gestion des crises dont dispose l'Union, et notamment de la possibilité d'activer un état-major opérationnel de l'UE. Ils demandent donc à nouveau aux États membres d'établir une telle capacité permanente, sur la base du Centre opérationnel de l'UE.
2) Clause de solidarité :
Champ d'application : en cas dattaque terroriste ou de catastrophe naturelle ou d'origine humaine, l'Union et ses États membres devraient agir conjointement et mobiliser tous les instruments disponibles, y compris les moyens militaires mis à la disposition des États membres (ex. : en cas de menace terroriste). Ils demandent également que lon tienne compte de toutes sortes de menaces, comme des attaques dans le cyberespace, des pandémies ou des pénuries d'énergie.
Parallèlement, les États membres sont appelés à investir dans leurs propres capacités en matière de sécurité et de ne pas s'en remettre excessivement à la solidarité des autres. Dune manière générale, la clause de solidarité doit dabord être invoquée à la demande d'un État membre avant dêtre mise en uvre.
Capacités et ressources : les députés soulignent que la mise en uvre de la clause de solidarité devrait faire partie intégrante d'un système permanent de réponse aux crises, reposant sur les instruments et capacités sectoriels existants. Á cet effet, ils relèvent le rôle fondamental du mécanisme de protection civile européen et soutiennent le futur mécanisme qui le remplacera.
Les députés soulignent en outre la nécessité de garantir que la solidarité repose sur des mécanismes de financement appropriés au niveau de l'Union permettant un degré de flexibilité suffisant en cas d'urgence. En ce sens, ils se félicitent de l'augmentation du niveau de cofinancement au titre du mécanisme de protection civile, en particulier pour les coûts liés aux transports. Ils rappellent que le Fonds de solidarité peut fournir une assistance financière en cas de catastrophe majeure et que le Conseil peut accorder une assistance financière de l'Union en vertu de l'article 122, paragraphe 2, du traité FUE lorsqu'un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse. Dune manière générale, cette disposition du traité est à comprendre comme une «boîte à outils» complète de l'Union afin de relever certains des principaux nouveaux défis de sécurité, comme ceux touchant à la sécurité énergétique et à la sécurité de l'approvisionnement.
Structures et procédures : les députés insistent pour que l'Union dispose de structures de réponse adaptées, dotées de moyens de suivi et de réponse actifs 24h/24 et 7/7. Ils prennent acte de l'établissement dune salle de veille au sein du Service européen pour l'action extérieure, ainsi que de l'existence de plusieurs centres de suivi sectoriel au sein de la Commission et organes spécialisés de l'Union. Dans la mesure du possible, ils demandent que lon évite les doublons et que lon garantisse la cohérence et la coordination des actions, vu la pénurie de moyens actuels.
Sur le plan structurel, les députés demandent que tous les services spécialisés au niveau de l'Union soient réunis au sein d'un système d'information unique sécurisé, par exemple au sein de la plateforme de coordination interne ARGUS. Ils appellent en outre à une coordination politique renforcée au sein du Conseil en cas de crise grave. Ils se félicitent de la mise en place du nouveau dispositif de l'UE pour la coordination dans les situations d'urgence et de crise.
Les députés demandent encore :
En ce qui concerne le processus décisionnel au sein du Conseil déclenché par une demande d'assistance au titre de la clause de solidarité, les députés estiment que cela ne doit pas nuire à la réactivité de l'Union, et que la réponse aux crises assurée par les mécanismes existants doit pouvoir intervenir immédiatement, indépendamment de toute décision politique. Ils rappellent au passage que le recours aux moyens militaires pour soutenir les opérations de protection civile est déjà possible au niveau opérationnel sans que la clause de solidarité soit activée, comme en témoigne la coopération réussie entre la Commission et l'État-major de l'UE lors des opérations menées au Pakistan ou en Lybie.
Les députés estiment quil faut également renforcer le volet «évaluation de la menace» en vue dune meilleure gestion et réactivité face aux crises avérées ou potentielles. Ils encouragent donc les États membres à partager leurs évaluations nationales des risques pour permettre une évaluation conjointe de la situation.
Les députés insistent encore pour que le Parlement européen soit dûment informé de la situation sur le terrain en cas de catastrophe ou d'attaque entraînant la mise en jeu de la clause de solidarité, ainsi que des origines et des conséquences éventuelles de ces événements.
Considérations générales : les députés font également une série de considérations générales, notamment sur les liens existant entre lUE et lOTAN. Ils appellent à une collaboration politique accrue entre la VP/HR de l'Union et le secrétaire général de l'OTAN à des fins d'évaluation des risques, de gestion des ressources, de planification des politiques et d'exécution des opérations civiles et militaires. Ils réaffirment également que l'Union ou ses États membres ne peuvent recourir à la force que si elle est légalement justifiée au regard de la charte des Nations unies. Dans ce contexte, ils rappellent également le droit inhérent à l'autodéfense individuelle ou collective.
Les députés invitent enfin la Commission et la VP/HR à présenter, avant la fin de l'année 2012, des propositions conjointes de décision du Conseil définissant les modalités de mise en uvre de la clause de solidarité conformément aux dispositions de l'article 222, paragraphe 3, du traité FUE, en précisant, en particulier, les rôles et compétences des différents acteurs.
Á noter quune opinion minoritaire sest dégagée dans le cadre du présent rapport par plusieurs députés du groupe GUE/NGL qui rejettent la clause de solidarité, en raison du manque de définition de son champ dapplication réel et du fait quelle favoriserait loption de mesures militaires aux dépens de mesures civiles à l'extérieur et à l'intérieur de l'Union. Ces députés défendent au contraire une Union européenne civile favorisant une résolution des conflits, civile.