Politique extérieure de l'Union en matière de transport aérien - Relever les défis à venir

2012/2299(INI)

OBJCETIF : évaluer les progrès réalisés dans la mise en place de la politique extérieure de l'UE en matière d'aviation.

CONTENU : la présente communication évalue les progrès réalisés depuis la communication de la Commission de 2005 dans la mise en place de la politique extérieure de l'UE en matière d'aviation et conclut que même si la politique établie en 2005 allait dans le bon sens, 7 ans plus tard, le monde de l'aviation a beaucoup changé.

D’une manière générale, la communication estime que l'aviation européenne a besoin de toute urgence d’un cadre renforcé au sein duquel la concurrence loyale et ouverte peut prospérer, grâce à une approche beaucoup mieux coordonnée au niveau européen en ce qui concerne les relations extérieures dans le domaine de l’aviation.

Progrès réalisés depuis 2005 dans la politique européenne de l’aviation : même s’il reste encore beaucoup à faire et d'importants défis à relever, il faut noter que d’immenses progrès ont été réalisés depuis 2005 dans l’ensemble des trois piliers identifiés à l’époque :

1.      restauration de la sécurité juridique : la nécessité de rétablir une base juridique solide pour les relations aériennes de l'UE a été acceptée dans le monde entier, ce n'est plus un problème à quelques exceptions près. Quelque 117 pays n'appartenant pas à l'UE ont reconnu le principe de la désignation UE. Parmi ceux-ci, 55 pays ont accepté de modifier tous leurs accords bilatéraux avec les États membres de l'UE au moyen d’accords horizontaux, tandis que les autres pays l'ont fait sur une base bilatérale avec chacun des États membres de l'UE séparément. La tâche n’est cependant pas terminée pour quelques pays importants en matière de services aériens, pour appliquer complètement le principe de la désignation UE. Il s'agit notamment de l'Inde, la Chine, la Corée du Sud, l'Afrique du Sud, le Kenya, le Nigeria et le Kazakhstan ;

2.      création espace aérien commun avec les pays voisins : de solides progrès ont donc été réalisés dans le but de créer un espace aérien commun élargi. L'UE a signé des accords de transport aérien avec les Balkans occidentaux, le Maroc, la Géorgie, la Jordanie et la Moldavie, et un accord a été paraphé avec Israël. Des négociations sont en cours avec l'Ukraine et le Liban, d'autres devraient débuter bientôt avec la Tunisie et l'Azerbaïdjan, et peut-être même avec l'Arménie. L'année 2011 a marqué un tournant en ce qui concerne la reconnaissance par la Russie de la législation européenne. En septembre 2011, la Russie a, pour la première fois, décidé d'intégrer le principe de la désignation UE dans ses accords aériens bilatéraux avec les États membres et fin 2011, la Commission et le gouvernement russe ont échangé des lettres afin que soit appliqué intégralement, pour le 1er juillet 2012, le document négocié, adopté et signé en 2006 concernant des principes de modernisation du système de survol des routes transsibériennes («Agreed Principles on the modernisation of the Siberian overflight system») ;

3.      conclusion d’accords globaux avec d'autres partenaires clés : dans le cadre du troisième pilier, l'UE a négocié quelques accords avec les principaux partenaires. Ces accords visent à combiner l'ouverture du marché, qui créera les conditions nécessaires au développement d'une concurrence loyale et ouverte grâce à la convergence réglementaire, la libéralisation en matière de propriété et de contrôle des compagnies aériennes et la résolution des problèmes liés à la conduite des affaires. Un accord de première phase a été signé avec les États-Unis en avril 2007, et un accord de seconde phase en juin 2010. Un accord a été signé avec le Canada en décembre 2009, de même qu’avec le Brésil en mars 2011. Le Conseil a aussi autorisé la Commission à négocier des accords globaux avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Les négociations avec ces pays ne sont pas encore terminées. Á noter que l'accord UE-États-Unis a joué un rôle déterminant dans la modification des accords aériens internationaux qui n'étaient que de simples négociations d'accès à un marché menées sur la base de la réciprocité des avantages tirés. Pour la première fois, un accord international majeur a estimé que les conditions de concurrence devaient être examinées et harmonisées afin de garantir une concurrence loyale. D’une certaine manière, l'UE et les États-Unis ont élaboré un nouveau modèle d'accord qui facilite le rôle de l'aviation.

Nécessité d’aller de l’avant : la communication estime que pour la politique extérieure de l’UE dans le domaine de l'aviation, il est maintenant nécessaire de faire un pas en avant significatif. La révision et la mise à jour de cette politique sont en effet urgentes.

  • la libéralisation non coordonnée des marchés, au niveau des États membres de l'UE avec certains pays non membres, avance à un tel rythme que si rien n’est fait pour établir une politique extérieure européenne plus ambitieuse et efficace, il sera peut-être déjà trop tard dans quelques années. Il existe toutefois une apparente intention chez les États membres de continuer à accorder des droits de trafic aérien bilatéraux à des pays tiers, sans étudier de contrepartie appropriée, ou sans prendre en compte les implications au niveau européen ;
  • il y a encore de graves lacunes dans la lutte contre les restrictions en matière de propriété et de contrôle. Ces dernières risquent de figer le développement de l'industrie mondiale et de priver les transporteurs de l'UE de nouvelles sources de capitaux importantes. Il devient urgent d'étendre la portée des négociations au niveau européen à un certain nombre de partenaires de plus en plus incontournables.

Tendances : en dépit de la crise économique actuelle, le transport aérien mondial à long terme devrait croître d'environ 5% par an jusqu'en 2030, soit une augmentation composée de plus de 150%. La demande en transport aérien est principalement tirée vers le haut par la croissance économique et la prospérité. Avec un taux de croissance moyen annuel du PIB prévu à 1,9% pour l'Europe entre 2011 et 2030, contre des taux de croissance de 7,5% et 7,2% pour l'Inde et la Chine respectivement par exemple, la croissance des transports aériens devraient opérer un glissement vers les zones hors UE, l'Asie et le Moyen-Orient étant appelés à devenir le centre des flux de trafic aérien international. La moitié des nouveaux déplacements mondiaux qui viendront s'ajouter au cours des 20 prochaines années sera du trafic à destination ou en provenance de la région Asie-Pacifique, qui dépassera les États-Unis et deviendra le leader mondial du trafic aérien d'ici à 2030 avec une part de marché de 38%. Avec des taux de croissance inférieurs à la moyenne, les transporteurs de l'UE vont perdre des parts de marché face aux compagnies non-UE dans la plupart des régions. En 2003, les transporteurs de l'UE détenaient une part de marché de 29% de la capacité interrégionale dans le monde. En 2025, cette part devrait tomber à 20%. Cette tendance montre que, si rien n'est fait, les compagnies aériennes européennes seront de moins en moins capables de générer des bénéfices et de la croissance pour l'économie européenne. Dans le même temps, les transporteurs non-UE ont renforcé leur position mondiale. Par exemple, la croissance la plus rapide du trafic régional dans le monde devrait être enregistrée au Moyen-Orient, où les compagnies aériennes de la région représenteront 11% du trafic mondial en 2030, contre 7% en 2010.

Principaux objectifs de la nouvelle politique dans le domaine de l’aviation : le document expose en outre les grandes lignes de ce que devrait être la future politique en la matière. D’une manière générale, s’il est essentiel d'instaurer un climat professionnel qui permette aux transporteurs européens de faire face à la concurrence internationale, la politique extérieure de l’UE dans le domaine de l'aviation doit aussi insister sur l'importance d'évoluer dans un climat de concurrence loyale et ouverte.

Ces grandes lignes peuvent se résumer comme suit :

  • le règlement (CE) n° 868/2004 visait à offrir une protection contre les pratiques tarifaires et les subventions déloyales causant un préjudice aux transporteurs de l'UE pour la prestation de services de transport aérien en partance de pays non européens. Toutefois, des réclamations ont été émises pour que soient développés des instruments plus efficaces dans le secteur de l'aviation afin de protéger les intérêts européens contre les pratiques déloyales. Le règlement (CE) n° 868/2004 n'a jamais été utilisé et l'industrie affirme que la réglementation n'est pas applicable car elle a pris pour modèle les outils utilisés dans la lutte contre le dumping et les subventions déloyales dans le secteur de la vente de marchandises. Elle n'est donc pas bien adaptée aux spécificités du secteur des services aériens. Les voies de recours possibles et les aspects procéduraux de cette réglementation sont aussi considérés comme inappropriés pour un secteur de services. Un instrument mieux adapté et plus efficace devrait être mis au point pour encourager une concurrence loyale et ouverte dans les relations entre l'UE et les pays non membres en ce qui concerne les services aériens ;
  • il semble en outre qu'il faille développer, idéalement au niveau de l'UE, des «clauses de concurrence loyale» à intégrer dans les accords bilatéraux respectifs sur les services aériens ;
  • malgré les progrès réalisés à l’échelle mondiale vers une libéralisation du régime réglementaire pour les transports aériens internationaux, les gouvernements n'ont pas encore réformé les règles archaïques de contrôle et de propriété des compagnies aériennes. La plupart des pays conservent encore des règles stipulant que les compagnies aériennes doivent être majoritairement détenues et contrôlées par les ressortissants de leur pays, empêchant ainsi les transporteurs aériens de faire appel à d'autres investisseurs et leur interdisant l'accès aux marchés financiers. De ce fait, le secteur de l'aviation s’est vu imposer une structure industrielle artificielle dans qui n'existe dans aucune autre industrie. Pour réformer cette approche, il est logique de prendre le marché transatlantique comme point de départ. Étant donné que le trafic entre l'Union européenne et les États-Unis représente près de la moitié de l'activité aéronautique mondiale, ces zones représentent un bloc puissant et l'émergence de transporteurs véritablement transatlantiques créerait une dynamique importante. Le moment semble venu de prendre les mesures supplémentaires envisagées dans l'accord UE-USA sur le transport aérien pour libéraliser la propriété et le contrôle des compagnies aériennes, pour leur permettre d'attirer des investisseurs de toute nationalité. Toutefois, cet objectif crucial d’autoriser les investissements étrangers dans les compagnies aériennes devrait être partagé plus largement – à la fois sur un plan bilatéral entre l'UE et d'autres partenaires clés et sur un plan multilatéral mondial, au travers notamment de l'OACI. L'UE doit jouer un rôle plus actif en analysant comment contrer les difficultés relatives aux clauses de propriété et de contrôle actuellement en vigueur, avec le concours tout particulier des pays partageant la vision de l'UE, et en examinant la nécessité pour les compagnies aériennes d'accéder au financement en capital tout en renforçant leur attractivité sur les marchés financiers.

Enfin, la communication souligne qu'il y aurait des retombées économiques très importantes (plus de 12 milliards EUR par an) en développant au niveau de l'UE des accords de transport aérien avec les pays voisins et les partenaires principaux, en particulier sur les marchés restreints et/ou à croissance rapide. Parmi ces pays, on trouve notamment la Turquie, la Chine, la Russie, des États du Golfe, le Japon, l'Égypte et l'Inde. Il est également important de finaliser les négociations avec l'Australie et de commencer à profiter des avantages offerts par l'accord UE-Brésil, dont la ratification a malheureusement été retardée.