Clauses de défense mutuelle et de solidarité de l'Union européenne: dimensions politique et opérationnelle

2012/2223(INI)

Le Parlement a adopté par 438 voix pour, 53 voix contre et 104 abstentions, une résolution sur les clauses de défense mutuelle et de solidarité de l'Union européenne: dimensions politique et opérationnelle.

Le Parlement rappelle que l'élaboration d'une politique commune de la défense, visant à mettre en place une défense commune, renforce l'identité européenne et l'autonomie stratégique de l'Union européenne. Il rappelle également qu'une défense européenne plus forte et plus performante est indispensable à la consolidation du lien transatlantique dans un contexte de changements géostratégiques d'ordre structurel, accélérés par la crise économique mondiale, et notamment à un moment où les États-Unis opèrent un repositionnement stratégique à l'égard de la région Asie-Pacifique.

Le Parlement met également en avant le fait que, même si les États membres conservent la responsabilité première dans la gestion des crises frappant leur territoire, les menaces graves et complexes qui pèsent sur la sécurité, allant d'attaques armées au terrorisme en passant par des catastrophes naturelles ou de type CBRN et autres cyberattaques, ont de plus en plus un caractère transfrontalier et peuvent facilement déborder les capacités d'un seul État membre. Il prie donc les États membres, la Commission et la vice-présidente/haute représentante (VP/HR) d'utiliser pleinement les possibilités offertes par toutes les dispositions pertinentes du traité, et notamment la clause de défense mutuelle et la clause de solidarité, afin de fournir aux citoyens européens les mêmes garanties de sécurité contre les menaces conventionnelles et non conventionnelles. Il fait ainsi référence à l'article 42, paragraphe 7, du traité UE ("clause de défense mutuelle" ou "clause d'assistance mutuelle") et à l'article 222 du traité FUE ("clause de solidarité").

La résolution détaille en particulier la manière dont ces clauses doivent être interprétées et mises en œuvre en termes de champ d’application et de capacités.

1) Clause de défense mutuelle :

Champ d'application : le Parlement rappelle aux États membres leur obligation non équivoque de prêter aide et assistance, par tous les moyens en leur pouvoir, à un État membre qui serait l'objet d'une agression armée sur son territoire. Et bien qu'une agression de grande ampleur contre un État membre semble improbable dans un avenir prévisible, la défense territoriale traditionnelle et la défense contre les nouvelles menaces doivent rester une priorité. En ce sens, des attaques non armées, telles les cyberattaques, pourraient être couvertes par la clause si leurs conséquences menaçaient gravement la sécurité d'État membre quelconque.

Le Parlement rappelle également que le traité impose une compatibilité des engagements et de la coopération en matière de défense mutuelle avec l'OTAN. Il souligne cependant qu’il faut se préparer à faire face à des situations impliquant des États membres de l'Union non membres de l'OTAN ou des territoires des États membres de l'Union qui ne relèvent pas de l'OTAN, comme prévu par l'accord "Berlin Plus".

Capacités : d’une manière générale, le Parlement insiste sur la nécessité de garantir aux pays européens la disponibilité de capacités militaires crédibles. Il encourage donc les États membres à accroître leurs efforts pour le renforcement concerté des capacités militaires, notamment au travers des initiatives complémentaires "mutualisation et partage" et "défense intelligente" de l'Union et de l'OTAN, surtout en ces temps de restrictions budgétaires. Il demande également, que les travaux de l'Agence européenne de défense soient pleinement utilisés et pris en compte par les ministères nationaux de la défense et encourage les États membres et le SEAE à poursuivre le débat en vue de mettre en place la coopération structurée permanente prévue par le traité de Lisbonne. L'OTAN et l'Union devraient en outre toutes deux s'employer à renforcer leurs capacités de base, améliorer leur interopérabilité et coordonner leurs doctrines, planifications, technologies, équipements et méthodes de formation.

Le Parlement renouvelle son appel en faveur d'une harmonisation systématique des besoins militaires et d'un processus harmonisé de l'Union en matière de planification et d'acquisition dans le domaine de la défense, à la hauteur des ambitions de l'Union.

Structures et procédures : le Parlement attend de la VP/HR qu’elle propose des modalités et des orientations pratiques afin de garantir une réponse efficace si un État membre invoque la clause de défense mutuelle, ainsi qu'une analyse du rôle des institutions de l'Union en cas d'invocation. En cas d’action collective pour défendre un État membre attaqué, il estime qu’il devrait être possible de recourir, si nécessaire, aux structures actuelles de gestion des crises dont dispose l'Union, et notamment de la possibilité d'activer un état-major opérationnel de l'UE. Il demande donc à nouveau aux États membres d'établir une telle capacité permanente, sur la base du Centre opérationnel de l'UE.

2) Clause de solidarité :

Champ d'application : en cas d’attaque terroriste ou de catastrophe naturelle ou d'origine humaine, l'Union et ses États membres devraient agir conjointement et mobiliser tous les instruments disponibles, y compris les moyens militaires mis à la disposition des États membres (ex. : en cas de menace terroriste). Il demande également que l’on tienne compte de toutes sortes de menaces, comme des attaques dans le cyberespace, des pandémies ou des pénuries d'énergie.

Parallèlement, les États membres sont appelés à investir dans leurs propres capacités en matière de sécurité et à ne pas s'en remettre excessivement à la solidarité des autres. D’une manière générale, la clause de solidarité doit d’abord être invoquée à la demande d'un État membre avant d’être mise en œuvre.

Capacités et ressources : le Parlement souligne que la mise en œuvre de la clause de solidarité devrait faire partie intégrante d'un système permanent de réponse aux crises, reposant sur les instruments et capacités sectoriels existants. Á cet effet, il relève le rôle fondamental du mécanisme de protection civile européen et soutient le futur mécanisme qui le remplacera.

Le Parlement souligne en outre la nécessité de garantir que la solidarité repose sur des mécanismes de financement appropriés au niveau de l'Union permettant un degré de flexibilité suffisant en cas d'urgence. En ce sens, il se félicite de l'augmentation du niveau de cofinancement au titre du mécanisme de protection civile, en particulier pour les coûts liés aux transports. Il rappelle que le Fonds de solidarité peut fournir une assistance financière en cas de catastrophe majeure et que le Conseil peut accorder une assistance financière de l'Union en vertu de l'article 122, paragraphe 2, du traité FUE lorsqu'un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse. D’une manière générale, cette disposition du traité est à comprendre comme une «boîte à outils» complète de l'Union afin de relever certains des principaux nouveaux défis de sécurité, comme ceux touchant à la sécurité énergétique et à la sécurité de l'approvisionnement.

Structures et procédures : le Parlement insiste pour que l'Union dispose de structures de réponse adaptées, dotées de moyens de suivi et de réponse actifs 24h/24 et 7/7. Il prend acte de l'établissement d’une salle de veille au sein du Service européen pour l'action extérieure, ainsi que de l'existence de plusieurs centres de suivi sectoriel au sein de la Commission et organes spécialisés de l'Union. Dans la mesure du possible, il demande que l’on évite les doublons et que l’on garantisse la cohérence et la coordination des actions, vu la pénurie de moyens actuels.

Sur le plan structurel, le Parlement demande que tous les services spécialisés au niveau de l'Union soient réunis au sein d'un système d'information unique sécurisé, par exemple au sein de la plateforme de coordination interne ARGUS. Il appelle en outre à une coordination politique renforcée au sein du Conseil en cas de crise grave. Il se félicite de la mise en place du nouveau dispositif de l'UE pour la coordination dans les situations d'urgence et de crise.

La résolution demande encore :

  • le développement d'une connaissance commune et d’analyse intégrées de la situation pour les institutions de l'Union et les États membres ;
  • le renforcement des capacités d’assistance et d’échanges de meilleures pratiques ;
  • la création de liens procéduraux et organisationnels entre services concernés des États membres afin de garantir le bon fonctionnement de la clause de solidarité après son activation.

En ce qui concerne le processus décisionnel au sein du Conseil déclenché par une demande d'assistance au titre de la clause de solidarité, le Parlement estime que cela ne doit pas nuire à la réactivité de l'Union, et que la réponse aux crises assurée par les mécanismes existants doit pouvoir intervenir immédiatement, indépendamment de toute décision politique. Il rappelle au passage que le recours aux moyens militaires pour soutenir les opérations de protection civile est déjà possible au niveau opérationnel sans que la clause de solidarité soit activée, comme en témoigne la coopération réussie entre la Commission et l'État-major de l'UE lors des opérations menées au Pakistan ou en Lybie.

Le Parlement estime qu’il faut également renforcer le volet «évaluation de la menace» en vue d’une meilleure gestion et réactivité face aux crises avérées ou potentielles. Il encourage donc les États membres à partager leurs évaluations nationales des risques pour permettre une évaluation conjointe de la situation.

Le Parlement insiste encore pour être dûment informé de la situation sur le terrain en cas de catastrophe ou d'attaque entraînant la mise en jeu de la clause de solidarité, ainsi que des origines et des conséquences éventuelles de ces événements.

Considérations générales : le Parlement fait également une série de considérations générales, notamment sur les liens existant entre l’UE et l’OTAN. Il prend notamment acte du nouveau concept stratégique de l'OTAN, qui, outre le maintien du rôle de l'OTAN en tant qu'alliance militaire, vise à renforcer sa capacité à agir en tant que communauté politique et de sécurité en partenariat avec l'Union. Constatant les complémentarités existant entre les objectifs de l'OTAN et ceux fixés à l'article 43 du traité UE, le Parlement met en garde contre un dédoublement coûteux des efforts entre ces deux organisations et donc un gaspillage de ressources. Il appelle donc à une collaboration politique nettement plus étroite et régulière entre la haute représentante de l'Union et le secrétaire général de l'OTAN à des fins d'évaluation des risques, de gestion des ressources, de planification des politiques et d'exécution des opérations civiles et militaires. Il réaffirme également que l'Union ou ses États membres ne peuvent recourir à la force que si elle est légalement justifiée au regard de la Charte des Nations unies. Dans ce contexte, il rappelle également le droit inhérent à l'autodéfense individuelle ou collective.

Le Parlement invite enfin la Commission et la VP/HR à présenter, avant la fin de l'année 2012, des propositions conjointes de décision du Conseil définissant les modalités de mise en œuvre de la clause de solidarité conformément aux dispositions de l'article 222, paragraphe 3, du traité FUE, en précisant, en particulier, les rôles et compétences des différents acteurs.