Rôle de la politique de sécurité et de défense commune en cas de crises climatiques et de catastrophes naturelles

2012/2095(INI)

Le Parlement européen a adopté par 474 voix pour, 80 voix contre et 18 abstentions, une résolution sur le rôle de la politique de sécurité et de défense commune en cas de crises climatiques et de catastrophes naturelles.

D’une manière générale, le Parlement constate les effets du changement climatique sur la sécurité, la paix et la stabilité dans le monde. Or, ces quatre dernières années, la question du changement climatique s’est retrouvée oblitérée par la crise économique et financière.

Force est toutefois de constater que l'intensification des phénomènes météorologiques extrêmes représente un coût croissant pour l'économie mondiale, non seulement pour les pays en développement, mais aussi pour le monde. Les catastrophes naturelles, exacerbées par le changement climatique, ont des effets déstabilisants, surtout dans les États vulnérables.

Le Parlement souligne que jusqu’ici aucun conflit n’a pu être attribué uniquement au changement climatique. Il reconnaît toutefois que les crises complexes peuvent être prédites et prévenues en adoptant une approche globale qui intègre les domaines politiques qui font plein usage des outils de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et des politiques en faveur de l'aide au développement et de l'aide humanitaire. Il reconnaît également que, même s'il peut être positif d'aborder le changement climatique sous l'angle de la sécurité, celle-ci n'est qu'une composante de l'action européenne contre le changement climatique, laquelle s'efforce d'user d'instruments politiques et économiques pour atténuer les modifications du climat et s'y adapter.

Il souligne également que, dans ses stratégies, politiques et instruments d'action extérieure, l'Union devrait prendre en considération les effets sur la sécurité internationale des catastrophes naturelles et du changement climatique, en prêtant attention à la très grande vulnérabilité des femmes et des enfants.

Réaffirmant l'importance de la réduction des risques de catastrophe, le Parlement appelle à l’intégration d’analyses de l'incidence des crises d'origine climatique et des catastrophes naturelles dans les stratégies et les plans opérationnels de la PSDC avant, pendant et après les crises, et à concevoir des plans de secours d'atténuation destinés aux régions courant le plus de risques. Il en appelle également à la coopération dans la pratique, comme, par exemple, des exercices de coopération.

Même s’il se réjouit des nouveaux outils prévus par le traité de Lisbonne en matière de prévention des conflits (missions de prévention des conflits, missions humanitaires et de secours, missions de conseil et d'assistance en matière militaire, missions de maintien de la paix …), le Parlement souligne qu’il faut éviter la redondance des instruments et opérer une distinction claire entre ceux qui relèvent de la PSDC et ceux qui sont hors de son champ d'application. Il se dit plutôt favorable à des synergies entre civils et militaires lors de crises comme celles survenues à Haïti, au Pakistan ou à la Nouvelle-Orléans.

Besoin de volonté politique et d'action : le Parlement demande à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR) :

  • de prendre en compte, chaque fois qu'elle le jugera approprié, le changement climatique et les catastrophes naturelles, ainsi que leurs ramifications en matière de sécurité et de défense, au moment d'analyser les crises et les menaces de conflits ;
  • d'apprécier, potentiellement, quels pays et/ou régions courent le risque le plus élevé de conflit et d'instabilité en raison du changement climatique et des catastrophes naturelles et d'établir la liste de ces pays et régions ;
  • d'améliorer la capacité de l'Union à assurer dans la pratique la prévention des conflits, la gestion des crises et la reconstruction après la crise;
  • de coordonner étroitement, avec la Commission et la politique européenne d'aide au développement, les efforts liés à la nécessité d'aider les pays partenaires en ce qui concerne la résilience face au changement climatique ;
  • d'adapter en conséquence, en étroite collaboration avec la Commission, la planification à long terme des capacités et moyens civils et militaires de l'Union.

L'UE doit ainsi présenter une liste énumérant les défis auxquels elle est confrontée dans des régions telles que l'Arctique, l'Afrique, le monde arabe et le troisième pôle (l'Himalaya et le plateau tibétain), et notamment les conflits potentiels pour les ressources hydriques. Toutefois, et contrairement à la position de sa commission au fond, le Parlement n’appelle pas à l’élaboration d’une liste de tous les pays et régions qui seront particulièrement vulnérables au changement climatique au cours des décennies à venir. Il appelle cependant à poursuivre et à intensifier, au niveau de l'Union, l'aide humanitaire et l'aide au développement et d’œuvrer avec les régions-clés à risque pour renforcer leur capacité de réponse (par exemple, dans le cadre de la stratégie UE-Afrique, du processus de Barcelone, de la synergie de la mer Noire, de la stratégie UE-Asie centrale et du plan d'action au Proche-Orient).

Le Parlement appelle en outre la VP/HR et la Commission à :

  • intégrer les éventuels effets du changement climatique sur la sécurité dans les plus importants instruments financiers, documents et stratégies en matière d'action extérieure et de PSDC ;
  • mettre en place le fonds de lancement prévu par l’article 41, par. 3 du traité sur l'Union européenne afin de mutualiser les capacités et de mettre en commun les équipements nécessaires pour des opérations civiles de crise.

Il attire encore l'attention sur le fait que la sécurité énergétique est étroitement liée au changement climatique. Il rappelle à cet égard que les pipelines russes seront menacés de rupture par la fonte du permafrost et que la transformation de l'Arctique constitue un des effets majeurs du changement climatique sur la sécurité de l'Union.

Au passage, il accueille favorablement les tentatives récentes visant à renforcer la coordination entre l'OTAN et l'Union européenne dans le domaine du renforcement des capacités.

Besoin d'un nouveau souffle: défis stratégiques et conceptuels : pour répondre aux crises, le Parlement suggère :

  • l’intégration des effets négatifs du changement climatique et des catastrophes naturelles sur la paix et la stabilité dans tous les documents stratégiques de la PESC et de la PSDC ;
  • des modalités d'évaluation précoce en déployant le plus tôt possible des équipes pluridisciplinaires composées d'experts civils et d'experts militaires ;
  • des analyses précises et récentes en vue de prévoir l'insécurité due au changement climatique et d'y répondre, et des modalités de collecte de données et d'analyse des informations grâce à des structures comme les délégations de l'Union ;
  • la disponibilité de ressources humaines suffisantes et d'une méthode d’analyse adéquate en mobilisant les informations des unités du SEAE compétentes et de la Commission ;
  • la coordination des actions menées dans le cadre du SEAE et de la Commission en vue d’une planification adéquate des politiques en mobilisant la DG Aide humanitaire et protection civile, mais également les agences et programmes des Nations unies, ainsi que l'OTAN, les ONG pertinentes et la société civile ;
  • la conception de plans d'urgence pour la réponse de l'Union aux effets des catastrophes naturelles ou des crises climatiques hors de son territoire ayant pour elle, directement ou indirectement, des implications de sécurité (par exemple, des migrations climatiques).

Au passage, le Parlement se félicite vivement des mesures prises en 2011 au niveau des ministres des affaires étrangères de l'Union, sous la Présidence polonaise, et au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, sous la Présidence allemande, afin de préciser les interactions entre changement climatique et sécurité.

Des modifications stratégiques sont ainsi proposées dans le cadre de la PDSC comme une meilleure planification militaire au niveau politique et stratégique de l'Union mais aussi la mise en place d’un concept de l'Union pour le commandement, la constitution des forces, et la réaction rapide militaire de l'Union. Sur le plan civil, le Parlement demande également que des mesures de planification, de commandement et de contrôle des opérations menées par l'Union soient prévues.

Pour développer les capacités civiles et militaires de façon à permettre leur déploiement en réponse aux catastrophes naturelles et aux crises climatiques, il préconise la mutualisation des moyens et un renforcement du rôle accordé à l'Agence européenne de défense (AED).

Nécessité d'une créativité institutionnelle: le Parlement réitère sa position selon laquelle, pour être efficaces, les réponses aux crises comme les catastrophes naturelles nécessitent de pouvoir faire appel aussi bien à des moyens civils que militaires. Il appelle dès lors à la mise en place d’une liste spécifique de capacités militaires et civiles de la PDSCE particulièrement pertinentes tant pour répondre au changement climatique et aux catastrophes naturelles que dans le cadre des missions relevant de la PDSC. Les ressources répertoriées devraient inclure les capacités d'ingénierie, comme la construction et l'exploitation ad hoc d'infrastructures portuaires ou aéroportuaires, les transports maritimes et aériens et leur gestion opérationnelle, les hôpitaux mobiles, les infrastructures de communication, l'assainissement des eaux et la gestion des combustibles. Il invite le Conseil et l'AED, dans le cadre de l'examen du programme de développement des capacités de 2013, à faire concorder les catalogues actuels des capacités civiles et militaires avec les capacités requises pour relever les défis liés au changement climatique et à présenter les propositions nécessaires pour combler toute lacune potentielle.

Il convient également d’explorer :

  • les potentialités d’un commandement européen du transport aérien;
  • les moyens d'améliorer les capacités énergétiques des forces armées, sur le territoire de l'Union comme en dehors de celui-ci, et leur gestion environnementale ;
  • les potentialités de financements existants dans le prochain cadre financier pluriannuel 2014-2020, notamment dans le cadre de l’instrument de stabilité renouvelé ;
  • la mise en place de mécanismes de coordination entre l'Union et les États membres, conformément aux dispositions de la coopération structurée permanente, afin de garantir la cohérence des actions dans ce domaine.

Enfin, le Parlement demande que l'Union examine les implications de sécurité du changement climatique dans son dialogue avec les pays tiers, notamment avec l'Inde, la Chine et la Russie afin d’envisager une approche multilatérale sur cette question.