Règles relatives aux aides d'Etat: traitement des plaintes et collecte d'informations

2012/0342(NLE)

OBJECTIF : modifier les dispositions du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil qui établissent les règles procédurales applicables aux enquêtes en matière d'aides d'État en ce qui concerne le traitement des plaintes et la collecte d'informations auprès des acteurs du marché.

ACTE PROPOSÉ : Règlement du Conseil.

CONTEXTE : les règles européennes en matière d'aides d'État ont été introduites dans les traités instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1952 et la Communauté économique européenne (CEE) en 1957 et sont consacrées par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) :

  • l’article 107 du TFUE définit la notion d'aide d’État et précise les circonstances dans lesquelles une aide peut être jugée compatible avec le marché intérieur,
  • l'article 108 énonce les grands principes procéduraux qui régissent l'action menée par la Commission pour garantir le respect, par les États membres, des règles de fond relatives aux aides d'État.

En 1999, le Conseil a adopté le règlement (CE) nº 659/1999 (le règlement de procédure), qui définit en détail les règles procédurales régissant la mise en œuvre des articles 107 et 108 du TFUE, lesquelles ont été appliquées jusqu'à ce jour sans subir de modifications substantielles. Cependant, à la lumière de l'expérience acquise dans son application et des évolutions récentes telles que l'élargissement et la crise économique et financière, il apparaît nécessaire de modifier certains éléments de ce règlement afin de permettre à la Commission d'être plus efficace.

Dans cette perspective, le 8 mai 2012, la Commission a adopté la communication intitulée «Modernisation de la politique de l'UE en matière d'aides d'État», qui a lancé une profonde réforme du cadre applicable aux aides d'État. L’objectif est de veiller à ce que la politique en matière d'aides d'État contribue à la fois à la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020 et à l'assainissement des finances publiques.  La nécessité de réformer les procédures en matière d'aides d'État a aussi été soulignée par la Cour des comptes dans son rapport spécial n° 15/2011.

ANALYSE D’IMPACT : la Commission n’a pas réalisé d’analyse d’impact. La réforme des procédures relatives aux aides d’État a été présentée aux États membres et examinée avec ces derniers lors de réunions de haut niveau organisées les 6 mars et 11 juillet 2012. Une consultation publique sur le traitement des plaintes en matière d'aides d'État et sur la collecte d'informations au cours des enquêtes en matière d'aides d'État a été lancée le 13 juillet 2012 et s'est clôturée le 5 octobre 2012.

BASE JURIDIQUE : article 109 TFUE qui autorise le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, à prendre tous règlements utiles en vue de l'application des articles 107 et 108 du TFUE.

CONTENU : la proposition de réforme du règlement de procédure portera essentiellement sur les deux volets suivants:

1°) Amélioration du traitement des plaintes : chaque année, la Commission reçoit en moyenne plus de 300 plaintes, déposées ou non par des parties intéressées, qui, pour une grande partie, ne sont pas motivées par de véritables problèmes de concurrence ou ne sont pas suffisamment étayées. En 2009, le code de bonnes pratiques pour la conduite des procédures de contrôle des aides d’État a introduit une procédure de traitement des plaintes transparente se déroulant en plusieurs phases. Après deux années d'application de ce code, l’expérience montre que les avantages escomptés, à savoir une durée réduite, une efficience accrue et une plus grande prévisibilité, ne se sont pas pleinement matérialisés.

Procédure prévisible et transparente : les modifications proposées du règlement de procédure visent à améliorer la qualité des informations reçues en précisant les conditions à remplir pour déposer une plainte et en introduisant une procédure en plusieurs phases à la fois prévisible et transparente. Dans ce but, la proposition précise les conditions qui régissent le dépôt d’une plainte mettant des informations relatives à une aide présumée illégale à la disposition de la Commission et déclenchant ainsi la phase d'examen préliminaire. Les plaignants seraient ainsi invités :

  • à fournir un certain nombre d’informations obligatoires. La Commission serait habilitée à adopter des dispositions d’application afin de définir la forme et le contenu d’une plainte ;
  • à démontrer qu’ils sont des parties intéressées au sens du TFUE et du règlement de procédure et qu'ils ont, de ce fait, un intérêt légitime à déposer une plainte.

Dans les cas où les informations reçues ne seront pas qualifiées de plaintes parce qu’elles n’auront pas satisfait aux critères d’admissibilité, la Commission ne sera plus tenue d’adopter de décisions formelles. La Commission aurait également la possibilité d’estimer qu'une plainte est retirée si le plaignant ne lui transmet pas d'informations utiles ou s’il refuse de coopérer au cours de la procédure.

Coopération avec les juridictions nationales : en 2009, la Commission a adopté une communication relative à l’application des règles en matière d’aides d’État par les juridictions nationales afin d’informer ces dernières et les parties intéressées des voies de recours disponibles, et s’est employée à renforcer sa coopération avec les juridictions nationales en introduisant des instruments plus pratiques pour aider les juges nationaux dans leur travail quotidien. La Commission propose :

  • de prévoir explicitement que les juridictions nationales ont le droit d’obtenir de la Commission des informations aux fins de l’application des règles du TFUE, ainsi que de demander l’avis de cette dernière sur des questions liées à l’application des règles en matière d’aides d’État ;
  • d’introduire le droit pour la Commission d’adresser des observations écrites ou orales aux juridictions nationales. La disposition proposée vise en particulier à permettre à la Commission d'attirer l'attention des juridictions des États membres sur des questions qui présentent une importance fondamentale pour l’application uniforme des règles de l’UE en matière d'aides d'État dans l'ensemble du marché intérieur. Les juridictions nationales ne seraient pas tenues de suivre un avis exprimé par la Commission.

2°) Collecte efficace et fiable d’informations auprès des acteurs du marché : l’appréciation de la compatibilité d’une mesure d’aide avec le marché intérieur dépend de la nature de la mesure et de son incidence sur le marché. Une appréciation factuelle correcte est donc plus importante que jamais, en particulier pour les cas complexes.

Pour répondre aux besoins de la Commission en ce qui concerne la collecte d’informations, il est proposé : i) d’introduire des outils d'information sur les marchés ; ii) de prévoir une base juridique pour la réalisation d’enquêtes dans des secteurs économiques particuliers et au sujet d'instruments d’aide particuliers, afin de permettre à la Commission d’obtenir directement auprès des acteurs du marché des informations actualisées, fiables, exactes sur le plan factuel et complètes.

Outils d’information sur les marchés : il est proposé d'autoriser la Commission, dans le cadre des procédures applicables à des aides notifiées ou illégales, à demander des informations à des entités autres que l’État membre concerné, au moyen d’une simple demande de renseignements ou par voie de décision, après l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

Comme c’est le cas dans les affaires concernant des ententes, des abus de position dominante ou des concentrations, ces outils permettraient non seulement de demander des informations à une entreprise, à une association d’entreprises ou à un État membre, mais aussi de sanctionner au moyen d’amendes ou d’astreintes les entreprises concernées qui ne donnent pas suite à des demandes de renseignements ou qui ne fournissent pas des informations complètes.

Les valeurs proposées pour les sanctions pécuniaires sont de nature à encourager les parties concernées à donner suite aux demandes qui leur sont faites, étant donné qu'elles sont proportionnées à la gravité potentielle de l’infraction:

  • amendes à concurrence de 1 % du chiffre d’affaires total pour avoir fourni des informations inexactes ou dénaturées en réponse à de simples demandes ou à des demandes formulées par voie de décision ou pour avoir omis de répondre à des demandes formulées par voie de décision;
  • astreintes à concurrence de 5 % du chiffre d’affaires journalier moyen par jour ouvrable de retard à compter de la date fixée dans la décision, afin de contraindre les parties concernées à fournir les informations complètes et exactes demandées par voie de décision.

L'imposition d'amendes ou d'astreintes en vertu du règlement de procédure ne serait pas possible pour les demandes adressées aux États membres et aux autorités publiques. De plus, pour des raisons de sécurité juridique, des délais de prescription sont prévus pour l’imposition et l’exécution des amendes et des astreintes.

La confidentialité des informations sensibles fournies par les États membres serait pleinement garantie en cas d’utilisation des outils d’information sur les marchés. La Commission veillera également à ce qu’aucune information sensible ne soit divulguée lors de l’élaboration des demandes adressées aux tiers intéressés. Si certaines données sont considérées comme confidentielles, la Commission veillera à ce qu’elles fassent l’objet d’une protection adéquate. Dans les cas où les informations désignées comme confidentielles ne semblent pas couvertes par le secret professionnel, un mécanisme permettra à la Commission de décider dans quelle mesure ces informations peuvent être divulguées.

Enquêtes par secteur économique et par instrument d'aide : la Commission tient à axer son action sur les distorsions les plus graves pour le fonctionnement du marché intérieur. La nécessité de disposer d’informations horizontales renforcées est particulièrement évidente dans les cas pour lesquels les données en possession de la Commission feraient apparaître des problèmes liés à un secteur spécifique dans plusieurs États membres et où des éléments indiquent que des problèmes similaires peuvent exister dans d'autres États membres.

Afin de compléter les pouvoirs dont dispose la Commission et de lui donner une vision ex ante globale du marché, il est proposé de prévoir une base juridique spécifique pour l’ouverture d’enquêtes par secteur économique et par type d’aides.

Avant d’ouvrir formellement une enquête dans un secteur, la Commission devrait analyser toutes les informations dont elle dispose déjà ou qui sont disponibles dans le domaine public. Pour des raisons de proportionnalité, elle devra, pour ouvrir une enquête dans un secteur, obtenir de sources accessibles au public des indications de l'existence, dans plusieurs États membres, de problèmes en matière d'aides d'État liés à un secteur particulier ou concernant le recours à un instrument d'aide particulier : par exemple, des informations selon lesquelles des aides existantes dans un secteur particulier ou reposant sur un instrument d'aide particulier dans plusieurs États membres ne sont pas ou plus compatibles avec le marché intérieur.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : la modification proposée n’a aucune incidence sur le budget de l'UE.