Situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne (2010-2011)

2011/2069(INI)

Le Parlement européen a adopté par 308 voix pour, 229 voix contre et 48 abstentions, une résolution sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2010 - 2011).

Le Parlement rappelle que l’article 2 du traité UE fonde l’Union sur une communauté de valeurs indivisibles et universelles de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité de genre, de non-discrimination, de solidarité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme et des libertés civiles, pour toutes les personnes qui sont sur son territoire, y compris celles appartenant à des minorités et les personnes qui séjournent temporairement ou illégalement sur le territoire de l’Union européenne. Toutefois, le fossé entre les droits fondamentaux et leur mise en œuvre mine la crédibilité de l’Union et de ses États membres, ainsi que le respect effectif des droits de l’homme, et leur promotion, sur son territoire et dans le monde entier.

Par ailleurs, la crise économique actuelle met à mal le principe de solidarité et le lien qui réunit les citoyens de l'Union au sein d'une même communauté politique. Il est donc nécessaire que les droits sociaux et économiques, comme éléments essentiels de la Charte des droits fondamentaux soient pleinement reconnus.

C’est pourquoi, le Parlement invite la Commission, le Conseil et les États membres à assumer pleinement leurs responsabilités en ce qui concerne l’application en bonne et due forme du mandat et des compétences de l’Union en ce qui concerne les droits fondamentaux, sur la base à la fois de la Charte et des articles des traités consacrés aux droits fondamentaux et aux droits des citoyens, en particulier les articles 2, 6 et 7 du traité UE. Il demande en particulier l’élaboration d’un rapport sur l'application de la protection et de la promotion, ainsi que du respect, des droits fondamentaux dans l'Union et dans ses États membres contenant des recommandations spécifiques d’amélioration.

Pour affronter la crise et les tensions relatives à la démocratie, à l’état de droit et aux droits fondamentaux qui affectent l’Union européenne et ses États membres, le Parlement demande un renforcement d’urgence des mécanismes européens pour garantir ces principes fondamentaux dans l’Union. La Plénière invite notamment la Commission à veiller à ce que son rapport annuel sur l'application de la Charte traite de la situation des droits sociaux et économiques dans l'Union, en se focalisant surtout sur la manière dont les États membres les mettent en œuvre.

L’impact des droits fondamentaux sur la législation de l’Union européenne doit en outre être dûment évalué au moyen de mesures concrètes de sorte à savoir si :

  • les propositions sont cohérentes avec la Charte des droits fondamentaux ;
  • la mise en œuvre de la législation par les États membres est satisfaisante de ce point de vue ;
  • le Parlement européen et les parlements nationaux sont correctement associés à la surveillance des mesures prises ;
  • le recours à une expertise externe, systématique et indépendante par l’Agence des droits fondamentaux est nécessaire pour surveiller cet impact ;
  • le rôle du Parlement est pleinement pris en compte dans le cadre de son autonomie d’analyse d’impact sur les droits fondamentaux.

Plus globalement, le Parlement appelle la Commission et le Conseil à reconnaître conjointement et officiellement, l’existence d’obligations positives de protection et de promotion des droits de l’homme, qui font partie intégrante du droit européen. Il appelle la Commission à revoir l’acquis législatif de l’Union en tenant dûment compte des droits inscrits dans la Charte et à réviser, à la lumière de la Charte, les domaines de l’ancien troisième pilier (coopération policière et judiciaire dans les affaires pénales).

Transparence : le Parlement regrette le manque de transparence du dialogue entre la Commission et les États membres lorsque les droits fondamentaux ou les intérêts des citoyens européens sont en jeu. Un tel manque de transparence dans la transposition du droit européen est contraire aux règles de l’Union et est extrêmement préjudiciable aux citoyens de l’Union. Il regrette également le manque de transparence et d’ouverture dans les négociations internationales (ce qui a conduit le Parlement européen à rejeter des accords internationaux comme l’accord commercial anti-contrefaçon – l’ACAC). Le Parlement en appelle dès lors à des mesures destinées à garantir la permanence de canaux de communication permettant le partage des informations sur les droits fondamentaux dans l’Union ainsi que l’organisation, chaque année, d’un forum interinstitutionnel pour évaluer la situation des droits fondamentaux dans l’Union rassemblant un large panel d’institutions et d’organisations représentatives.

CEDH : le Parlement regrette les retards dans l’adhésion de l’Union européenne à la CEDH. Il demande au Conseil d’agir afin que les procédures d’adhésion de l’Union à la CEDH soient conclues. Il rappelle à tous les États membres qu’ils doivent se conformer à leurs obligations internationales en matière de respect de libertés et de droits fondamentaux. Dans un amendement adopté en Plénière, le Parlement s’inquiète de la situation des droits fondamentaux dans certains États membres et, en particulier, par les pratiques du pouvoir qui choisit, désigne ou limoge des personnes à des postes indépendants, par exemple dans les cours constitutionnelles, la magistrature, les médias publics, leurs organes de contrôle, les services des médiateurs ou des commissaires, pour de simples raisons d'affiliation partisane plutôt que de compétence, d'expérience ou d'indépendance. Le Parlement regrette notamment la faible réaction de la Commission en réponse à des violations spécifiques des droits fondamentaux et à l’affaiblissement des contre-pouvoirs démocratiques et de l’état de droit dans certains États membres.

Surveillance : le Parlement souhaite que la Commission élabore, avant la fin de 2012, une proposition détaillée d’un mécanisme de surveillance et d’un système d’avertissement précoce en cas d’atteinte aux droits fondamentaux. Il suggère notamment la mise en place d'une «procédure de gel» pour s'assurer que les États membres, à la demande des institutions de l'Union, suspendent l'adoption de lois soupçonnées aller à l'encontre des droits fondamentaux ou violer l'ordre juridique de l'Union. Il demande en outre la mise en place, dans tous les États membres, d’institutions nationales appropriées dans le domaine des droits de l’homme et l’adoption de mesures facilitant la mise en réseau de ces organismes dans l’ensemble de l’Union. Une plus grande coopération entre les institutions de l’Union et d’autres organisations internationales, notamment le Conseil de l’Europe et la commission de Venise, est demandée afin d’utiliser leur savoir-faire pour faire respecter les principes de démocratie, les droits de l’homme et l’état de droit.

Dégradations de certains droits dans l’UE : d’une manière générale, le Parlement regrette la dégradation de la situation concernant la liberté des médias dans divers États membres, notamment de la presse écrite. Il condamne les conditions dans lesquelles travaillent certains journalistes et les entraves dont ils font l’objet. Il appelle à l’adoption par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies d’une résolution reconnaissant des droits relatifs à l’internet, notamment ceux concernant l’accès au réseau et à la liberté d’expression. Il plaide également pour l’évaluation parlementaire des politiques liées à l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

Agence des droits fondamentaux : le Parlement juge qu’il est inacceptable qu’il n’ait pas été autorisé à définir, en tant que co-législateur, les domaines thématiques dans le cadre pluriannuel de l’Agence des droits fondamentaux et que la coopération policière et judiciaire en matière pénale, qui est devenue une politique normale de l’Union, ne soient toujours pas explicitement incluse dans le mandat de l’Agence. Il demande plus de moyens financiers pour cette Agence et surtout un clair élargissement de ses compétences. Il invite également les institutions de l'Union à veiller à consulter l'Agence des droits fondamentaux sur chaque proposition ayant un impact sur les droits fondamentaux, tout en respectant l'indépendance et les compétences de cette agence.

«Opt-out» : d’une manière générale, le Parlement est préoccupé par la non-participation de certains États membres, qui risque d'affecter les droits de leurs citoyens, lesquels subiront davantage de discriminations que les autres citoyens de l'Union. Il rappelle que, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les possibilités de non-participation («opt-out») n'ont pas pour objet d'exempter les États membres de l'obligation de se conformer aux dispositions de la Charte ou d'empêcher un tribunal d'un de ces États membres de veiller à faire respecter ces dispositions.

Pour une meilleure information des citoyens de leurs droits : le Parlement appelle encore la Commission à mieux informer les personnes sur les droits que leur confère la Charte et à faire respecter leurs droits auprès des juridictions appropriées. Il invite notamment la Commission à informer de façon détaillée les citoyens qui s’adressent à elle au sujet de violations des droits fondamentaux, des possibilités supplémentaires ou plus appropriées existant, de garder une trace de ces signalements et d’en rendre compte de façon exhaustive dans ses rapports annuels sur les droits fondamentaux dans l’Union.

État des lieux des droits fondamentaux dans l’UE : la résolution balaie ensuite l’ensemble des actions qui ont été menées dans le cadre de l’UE en matière de droits fondamentaux :

  • discrimination : le Parlement déplore le blocage actuel au Conseil des négociations sur la proposition de directive horizontale étendant à tous, les motifs la protection totale contre la discrimination et appelle à son adoption rapide. Il demande également un renforcement des mécanismes de plaintes pour les citoyens lésés et insiste sur la protection de la liberté religieuse ;
  • protection des minorités : le Parlement invite les États membres à lutter contre la discrimination raciale ou ethnique dans le travail, le logement, l’éducation, la santé et l’accès aux biens et aux services mais aussi à lutter contre les mouvements racistes, xénophobes, islamophobes ou antisémites. Bien qu’il n’existe pas de solution unique pour améliorer la situation des minorités nationales dans tous les États membres, il estime qu’il est possible de fixer dans l’Union, certains objectifs minimaux communs à l’intention des pouvoirs publics, en s’inspirant des normes juridiques internationales et des bonnes pratiques ;
  • la question des Roms : le Parlement regrette tout particulièrement que des citoyens d’origine Rom fassent l’objet d’expulsions collectives de la part d’États membres, et déplore le peu de réactions de la Commission dans certains cas. Il invite les États membres à apporter une réponse effective à l’exclusion des Roms en mettant en œuvre les mesures présentées dans leur stratégie nationale pour l’intégration des Roms, en mettant fin à leur ségrégation spatiale et en prévoyant des moyens suffisants pour développer des actions efficaces ;
  • égalité des chances : une fois encore, le Parlement appelle à des mesures résolues en faveur des femmes, notamment en matière d’équivalence salariale. Il rappelle au passage que la violence faite aux femmes est la forme la plus répandue de violation des droits fondamentaux, y compris dans l’Union européenne ; des mesures sont également réclamées pour les femmes migrantes et pour lutter contre l’exploitation sexuelle des femmes ;
  • identité de genres : le Parlement invite les États membres à adopter un cadre législatif national permettant de traiter les discriminations subies par les personnes LGBT (lesbiennes, gays, bi ou trans) et les couples du même sexe en raison de leur orientation sexuelle ; il invite en outre les États membres à garantir une protection effective des personnes participant aux manifestations publiques LGBT, notamment aux défilés «Fierté LGBT». Le Parlement invite en outre les États membres s'étant dotés d'une législation relative aux partenariats entre personnes de même sexe à reconnaître les dispositions adoptées par d'autres États membres ayant des effets similaires ;
  • personnes jeunes, âgées ou handicapées : plusieurs mesures sont réclamées pour protéger ces personnes tant dans les États membres qu’au niveau de l’UE, et pour lutter contre toutes les formes de discriminations dont elles sont victimes. Entre autre chose, le Parlement demande que la dignité des personnes soit respectée à la fin de leur vie, notamment en garantissant la reconnaissance et le respect des volontés exprimées dans les dispositions testamentaires;
  • migrants et réfugiés : le Parlement invite les États membres à déterminer une procédure établissant des règles mieux coordonnées pour gérer les demandeurs d’asile. Il demande au Conseil et aux États membres de s’assurer que le régime d’asile européen commun (RAEC) soit mis en œuvre d’ici à la fin 2012, comme prévu. Il condamne en particulier le recours, répandu chez la plupart des États membres, à la détention pour faciliter le refoulement des migrants, mineurs compris ;
  • droits de l’enfant : globalement, le Parlement invite toutes les institutions européennes à traiter efficacement les défis tels que le retrait de la garde des enfants de l’un ou de leurs deux parents, les enfants perdus, l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie, la protection des enfants migrants non accompagnés, la situation des enfants handicapés placés ; il souligne qu’aucun mineur non accompagné ne devrait être détenu. La Plénière s’inquiète en outre des scandales récents dans les affaires de pédophilie et invite l'Union et les États membres à faire en sorte de ne pas tolérer d'impunité dans les poursuites contre des pédophiles.

Des mesures sont encore réclamées pour renforcer le droit des victimes sur tout le territoire de l’Union européenne et pour s’attaquer aux derniers obstacles, tels que les délais, la capacité juridique, la durée des procédures, les frais de justice et les formalités procédurières. Il appelle également les services de police des États membres à ne pas user d'une force disproportionnée lors d'évènements ou de manifestations publics. En tout état de cause, l'impunité ne peut avoir aucune place en Europe, notamment à l'occasion d'actes de torture ou de traitements inhumains ou dégradants.

Enfin, le Parlement réclame des mesures spécifiques pour i) renforcer la citoyenneté de l’Union (en particulier, en matière de droits électoraux et pour protéger les «non-citoyens») ; ii) améliorer les droits des citoyens en ce qui concerne la protection de leurs données (en réclamant la mise en place d’un cadre global, répondant à un degré élevé et uniforme d’harmonisation et en améliorant le cadre international dans le contexte des accords PNR conclus avec plusieurs pays tiers).

Á noter qu'une proposition de résolution de remplacement présentée par le groupe PPE a été rejetée en Plénière.