Risques liés à l'amiante pour la santé au travail et perspectives d'élimination complète de l'amiante encore existante

2012/2065(INI)

La commission de l'emploi et des affaires sociales a adopté le rapport d’initiative de Stephen HUGHES (S&D, UK) sur les risques liés à l'amiante pour la santé au travail et les perspectives d'élimination complète de l'amiante encore existante.

Selon les estimations de l'OMC, le nombre de cas de maladies liées à l'amiante dans l'Union européenne se situe entre 20.000 et 30.000 par an, et ce nombre risque d’encore augmenter à l’avenir. Des risques accrus de cancer ont en outre été observés chez des populations exposées à de faibles niveaux de fibres d'amiante, y compris des fibres chrysotiles. C’est pourquoi, des initiatives s’imposent pour lutter efficacement contre les risques d’exposition à l’amiante.

Détection et enregistrement de l'amiante : les députés constatent que malgré l'interdiction d'utiliser de l'amiante, cette matière se trouve encore dans de nombreux navires, trains, machines, bunkers, tunnels, souterrains, conduites des réseaux publics et privés d'acheminement de l'eau, et, en particulier, dans les bâtiments publics et privés. Il convient dès lors de développer un modèle de détection et d'enregistrement de l'amiante, conformément à la directive 2009/148/CE et d’imposer aux propriétaires de bâtiments :

  • de contrôler leurs bâtiments pour y détecter la présence de matériaux contenant de l'amiante;
  • d'élaborer des plans de gestion des risques posés par ces matériaux;
  • de veiller à ce que ces informations soient à la disposition des travailleurs exposés;
  • pour les États membres qui utilisent déjà de tels mécanismes, d'en accroître l'efficacité.

Les députés recommandent tout particulièrement à l'UE d'élaborer des modèles visant à contrôler l'amiante existant dans les bâtiments, y compris les logements résidentiels et non résidentiels mais aussi à contrôler les fibres d'amiante en suspension dans l'air sur les lieux de travail, les centres habités, les décharges, ou encore dans l'eau potable acheminée dans des conduites en amiante-ciment. Ils appellent en outre l'UE à effectuer une analyse d'impact et une analyse coûts-avantages de la possibilité d'établir des plans d'action pour le désamiantage sûr des bâtiments publics d'ici à 2028. Il convient également d'encourager les propriétaires de maisons privées à vérifier la présence de MCA (matériaux contenant de l’amiante), suivant en cela l'exemple de la Pologne.

La Commission est en outre appelée à : i) intégrer la question de l'amiante dans des politiques d'efficacité énergétique et de gestion des déchets; ii) proposer la mise en place de registres publics nationaux relatifs à l'amiante afin de fournir des informations pertinentes aux travailleurs et aux employeurs particulièrement exposés; iii) garantir l'application du droit européen relatif à l'amiante ; iv) prévoir un soutien spécifique aux PME dont les travailleurs sont plus vulnérables en cas d’exposition ; v) promouvoir la création de centres de traitement et d'inertage des déchets contenant de l'amiante sur tout le territoire de l’UE. Les députés invitent en outre l'UE à rendre obligatoire la distinction entre amiante friable et non friable.

Assurer les qualifications et la formation : les députés demandent un réel effort en matière de formation de sorte à développer des qualifications minimales obligatoires en matière d'amiante chez les professionnels (ingénieurs, travailleurs,…). L'information sur la législation existante est également appelée à être renforcée par des guides pratiques.

Quelle que soit la formation proposée aux personnes dont le travail implique la manipulation de l'amiante, celle-ci devrait couvrir ses effets sur la santé. Pour sa part, la Commission devrait proposer, en coopération avec les États membres, une directive spécifique comprenant des exigences minimales pour la formation professionnelle des ouvriers du bâtiment et de l'entretien. Les médecins du travail devraient également être dûment formés.

Élaborer des programmes de désamiantage : les députés se prononcent pour l’élaboration de plans d'action nationaux de désamiantage comprenant :

  • des propositions législatives,
  • l'éducation et l'information,
  • la formation des employés du secteur public,
  • des programmes de financement du désamiantage,
  • des activités de sensibilisation se rapportant au désamiantage dans les bâtiments ;
  • le nettoyage des bâtiments et la construction d'installations pour la destruction de l'amiante et des débris contenant de l'amiante,
  • le suivi de l'efficacité des prescriptions légales existantes,
  • des évaluations de l'exposition du personnel à risque et la protection de la santé.

Les États membres sont tout particulièrement appelés à faire avancer la suppression progressive de l'amiante. D’autres mesures techniques détaillées au projet de résolution sont réclamées pour désamianter les lieux de travail, renforcer les études et la recherche et assurer une gestion sûre des déchets amiantés, notamment dans les déchetteries.

Reconnaissance des maladies liées à l'amiante : les députés déplorent le manque d'informations fournies par plusieurs États membres qui empêche de prédire de manière fiable la mortalité due au mésothéliome en Europe. Outre un effort d'information des citoyens, les députés réclament des plans de diagnostic des maladies liées à l'amiante. Rappelant que ce type de maladies (cancer du poumon, mésothéliome pleural) ont été reconnues comme dangereuses pour la santé et qu'elles peuvent prendre plusieurs dizaines d'années (jusqu’à 40 ans) pour se déclarer, les députés appellent à l’amélioration de la collecte de données, surtout pour les cas de maladies professionnelles et non professionnelles liées à l'amiante.

Les députés appellent en outre à la création d'un registre européen des sites publics et privés contenant de l'amiante.

Parallèlement, les députés appellent à une approche commune en matière d'indemnisation des victimes de maladies professionnelles liées à l'amiante ainsi qu’une meilleure reconnaissance des maladies liées à l’amiante comme maladies professionnelles au niveau européen.

D’autres mesures sont réclamées comme :

  • une proposition de modification de la directive 2004/37/CE afin d'assurer la protection de la santé des travailleurs susceptibles d'être exposés à des agents cancérigènes comme l’amiante par un renforcement du diagnostic;
  • la nécessité de ne pas faire peser la charge de la preuve sur les victimes de l'amiante;
  • un renforcement de la responsabilité pénale et des sanctions contre les contrevenants qui exposent les individus à de l’amiante;
  • le soutien aux organisations de défense des victimes en créant un réseau européen de victimes de l’amiante.

Stratégies pour une interdiction mondiale de l'amiante : pour les députés, quelle que soit la source d'exposition ou le statut professionnel de la personne exposée, toutes les victimes de l'amiante au sein de l'Union et leur famille devraient avoir le droit de recevoir un traitement médical approprié.  D’une manière générale, les députés appellent à la prise en compte de la notion de santé et de sécurité du salarié par le droit national et une obligation de résultat pour les employeurs, en référence à la directive-cadre 89/391/CE.

L’UE est en outre appelée à inclure, en priorité absolue, l'amiante chrysotile à la liste de l'annexe III de la Convention de Rotterdam.

Il convient en outre de : i) lutter contre le dumping inacceptable de l'amiante dans les pays en développement, auprès des instances où les accords commerciaux sont en cours de discussion, notamment à l'OMC ; ii) promouvoir des niveaux supérieurs d'hygiène et de sécurité au travail au niveau mondial ; iii) soutenir l'exportation de technologies sans amiante dans les pays en développement ; iv) faire en sorte que les navires transportant une cargaison d'amiante en transit ne puissent accoster ou utiliser des infrastructures portuaires européennes.

Enfin, les députés appellent à une claire condamnation des investissements financiers européens dans les industries mondiales de l'amiante.