Protection de la santé publique contre les perturbateurs endocriniens

2012/2066(INI)

La commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire a adopté le rapport d’initiative d’Åsa WESTLUND (S&D, SE) sur la protection de la santé publique contre les perturbateurs endocriniens.

Les députés mettent en évidence le fait que ces 20 dernières années, les cas de maladies et de troubles hormonaux entraînant la baisse de la qualité du sperme, une puberté précoce, la multiplication des malformations génitales ainsi que la fréquence élevée de certains cancers ont largement augmenté. Ils indiquent également que des pathologies neurologiques et des maladies neurodégénératives ainsi que certains effets sur le système immunitaire peuvent être imputables à une exposition à des substances chimiques présentant des propriétés perturbant le système endocrinien. Ces substances peuvent notamment avoir des effets œstrogènes ou anti-œstrogènes qui interfèrent avec le fonctionnement de l'appareil reproducteur féminin, altérant leur fertilité et favorisant le développement de maladies utérines. Par ailleurs, un nombre croissant d'études scientifiques suggèrent que les perturbateurs endocriniens chimiques, particulièrement en combinaison, jouent un rôle à la fois dans les maladies chroniques, y compris les cancers hormono-dépendants, mais aussi sur l'obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires.

Pour l’application du principe de précaution : dans le contexte ci-avant décrit, les députés estiment qu’en l’état actuel des connaissances, le principe de précaution s’impose. Ils appellent donc la Commission et les législateurs à adopter, conformément au traité sur l’Union européenne, des mesures visant à réduire l'exposition humaine à court et à long termes aux perturbateurs endocriniens en multipliant les efforts de recherche. Le principe de précaution doit notamment s’appliquer lorsque la santé humaine est en jeu et que l'on peut raisonnablement supposer qu’il existe des effets préjudiciables imputables à des substances perturbant le système endocrinien.

Protéger les femmes : les députés mettent en avant le risque particulier que courent les femmes et appellent au renforcement des études surveillant la santé des femmes sur de grandes périodes de leur vie. Ils soulignent à cet effet la nécessité de fixer le critère visant à déterminer les propriétés de perturbateur endocrinien par une analyse globale des risques effectuée au regard des connaissances scientifiques actuelles en tenant notamment compte de l'effet combiné d’une exposition prolongée.

De son côté, la Commission est appelée à adopter des mesures supplémentaires dans le domaine de la politique relative aux substances chimiques et à intensifier les travaux de recherche permettant d'évaluer à la fois les effets potentiels de perturbation endocrinienne des différentes substances chimiques et les effets cumulés de combinaisons de substances sur le système hormonal.

Définir les principales sources de perturbateurs endocriniens : les députés estiment qu'il est nécessaire d'analyser et de mettre en balance deux critères pour évaluer l’impact des substances en cause : l'"effet préjudiciable" et le "mécanisme d'action endocrinien" ainsi que les éventuels effets combinés, tels que les mélanges ou les effets cocktail. Pour les députés, les critères de définition des perturbateurs endocriniens doivent reposer sur des preuves scientifiques et horizontales. Ils refusent totalement l’approche d’introduction d’un critère d'"activité" en tant que seuil de définition des perturbateurs endocriniens, car cette approche limiterait indûment la définition des perturbateurs endocriniens, deviendrait scientifiquement infondée et ne concorderait pas avec la classification des substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), qui est fondée sur des preuves solides.

Les députés se disent également favorables à la mise en place de méthodes d'essai telles que celles établies par l'OCDE, ou par le laboratoire de référence de l'Union européenne CEVAM en ce qui concerne les hormones thyroïdiennes et sexuelles, ainsi que la stéroïdogenèse (en évitant les méthodes d'essais qui recourent aux animaux).

Ils proposent en outre la création de registres des troubles de la santé reproductrice afin de combler le manque actuel de données au niveau de l'Union européenne et la production de données fiables sur les effets socioéconomiques des maladies et des troubles hormonaux.

Vers une stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens : bien qu’il reste très difficile d'établir un lien de causalité entre une exposition à différentes substances chimiques et une perturbation de l'équilibre hormonal au stade actuel des connaissances, les députés réclament la mise en place d’une stratégie européenne en matière de protection de la santé humaine contre les perturbateurs endocriniens en insistant sur le principe de précaution sans pour autant méconnaître le  principe de proportionnalité.

Dans ce contexte, la Commission est appelée à :

  • prendre en compte le besoin des consommateurs de disposer d'informations fiables sur les dangers des perturbateurs endocriniens, leurs effets et la possibilité de s'en protéger ;
  • présenter un calendrier précis pour l'application des futurs critères et des exigences modifiées en matière d'essais pour les perturbateurs endocriniens notamment dans le cadre de l’utilisation des pesticides et des biocides ;
  • procéder à un examen systématique de l'ensemble des textes législatifs pertinents applicables et, si nécessaire, à modifier d'ici au 1er juin 2015 la législation en vigueur ou à présenter de nouvelles propositions législatives prévoyant une évaluation des risques et des dangers ;
  • fixer un calendrier, incluant des étapes intermédiaires, pour : i) l'application des futurs critères d'indentification aux produits chimiques potentiellement perturbateurs endocriniens; ii) la révision des législations pertinentes ; iii) la publication d'une liste régulièrement mise à jour des perturbateurs endocriniens prioritaires, dont la première version devrait être publiée avant le 20 décembre 2014; iv) toutes actions nécessaires visant à réduire l'exposition de la population et de l'environnement de l'UE aux perturbateurs endocriniens.

Ne pas fixer des seuils d’exposition : les députés soulignent que la science ne constitue pas en l'état une base de réflexion suffisante pour fixer un seuil en dessous duquel des effets préjudiciables ne surviendraient pas. Dans ces conditions, les perturbateurs endocriniens doivent être assimilés à des substances "dépourvues de seuil", sachant que toute exposition à ces substances peut alors constituer un risque, sauf si le fabricant est en mesure de démontrer scientifiquement l'existence d'un tel seuil.

Plusieurs autres actions sont réclamées au niveau européen telles que :

  • le soutien ciblé à la recherche sur les substances susceptibles d'affecter le système endocrinien ;
  • la surveillance de tous les produits importés de pays tiers de sorte qu’ils respectent la législation européenne actuelle et future en matière de perturbateurs endocriniens ;
  • l’association de toutes les parties prenantes en vue de la mise en place de modifications législatives nécessaires à une meilleure protection de la santé humaine contre les substances chimiques à risque ;
  • la création d’un centre européen de recherche sur les perturbateurs endocriniens;
  • le financement de programmes visant à informer les citoyens des risques que les perturbateurs endocriniens font peser sur la santé afin de les aider à adapter leurs habitudes de consommation et leur mode de vie (notamment, les femmes enceintes et les enfants) ;
  • l’amélioration des programmes de formation des professionnels de la santé dans ce domaine.

Enfin, les députés invitent la Commission et les États membres à soutenir les activités de l'approche stratégique de la gestion internationale des produits chimiques (ASGIPC) et à promouvoir des politiques actives visant à réduire l'exposition humaine et environnementale aux perturbateurs endocriniens chimiques dans toutes les enceintes internationales concernées, dont l'OMS.