Rapport annuel pour 2011 de la Banque centrale européenne
La commission des affaires économiques et monétaires a adopté un rapport dinitiative de Marisa MATIAS (GUE/NGL, PT) sur le rapport annuel 2011 de la Banque centrale européenne (BCE).
Le rapport salue l'attitude volontariste adoptée par la BCE en 2011 et en 2012, dans un contexte marqué par une montée des risques pour la stabilité de la zone euro, pour ce qui est de sa politique monétaire et de ses initiatives visant à stabiliser les marchés financiers.
Les députés estiment que les décisions prises en avril et en juillet de relever les taux d'intérêt directeurs de la BCE ont pu contribuer à l'augmentation des primes de risque appliquées par les intermédiaires financiers sous l'effet de la politique conduite, et donc au ralentissement de la croissance du crédit, affaiblissant ainsi la reprise économique déjà anémique observée lors du premier trimestre de 2011. Par conséquent, ils saluent la décision ultérieure, prise à la fin de l'année 2011, de revenir sur ces hausses.
Initiatives de la BCE : le rapport prend acte des efforts consentis par la BCE pour stabiliser les marchés, notamment au travers du programme pour les marchés de titres (SMP), de l'opération de refinancement à long terme d'une maturité de trois ans (LTRO) et des opérations monétaires sur titres (OMT), mais rappelle qu'aucun règlement structurel de la crise n'est encore en vue. Si les deux opérations de refinancement à long terme d'une maturité de trois ans ont effectivement évité une crise du crédit, des interrogations demeurent quant à la capacité du secteur financier à rembourser les prêts consentis par la BCE.
Le rapport note que les effets de ces initiatives sont peu satisfaisants sous l'aspect de la croissance du crédit que la décision de lancer, le 21 décembre 2011, le premier programme d'une maturité de trois ans a coïncidé avec la suppression progressive du programme SMP, ce qui suggère le souci de ménager le soutien aux établissements financiers et le soutien aux créanciers souverains.
Les députés font part de plusieurs sujets de préoccupation quant à la situation en 2011 :
- le transfert des risques des banques et des gouvernements en difficulté vers le bilan de la BCE, lequel représente désormais plus de 30% du PIB de la zone euro ; les députés soulignent que les opérations de refinancement à long terme d'une maturité de trois ans n'apportent pas de solution fondamentale à la crise ;
- l'accroissement des excédents de liquidités observé tout au long de l'année, qui s'explique par un manque de confiance entre les banques et l'insuffisance des crédits accordés à l'économie réelle : une telle situation dénote l'existence d'un risque de «trappe à liquidités» et nuit à l'efficacité des efforts entrepris en matière de politique monétaire,
- les niveaux élevés des lignes de swap avec d'autres banques centrales ainsi que du recours aux opérations principales de refinancement : ceci est lindice dune grave perturbation du mécanisme de transmission de la politique monétaire et du marché des prêts interbancaires dans la zone euro;
- les montants élevés des lignes d'aide d'urgence en cas de crise de liquidité fournies par les banques centrales nationales avec l'autorisation de la BCE : les députés demandent des informations plus précises sur l'ampleur exacte de ces lignes et les opérations sous-jacentes, de même que sur les conditions dont elles étaient assorties ;
- les montants très élevés d'actifs non négociables et de titres adossés à des actifs cédés en garantie à l'Eurosystème dans le cadre des opérations de refinancement de la BCE : la BCE est invitée à fournir des informations sur l'identité des banques centrales qui ont accepté de tels titres et de livrer des informations précises sur les méthodes d'évaluation de tous les actifs, y compris les actifs dépréciés.
Crédit à la disposition des entreprises et des ménages : le rapport constate que les crédits à la disposition des entreprises et des ménages demeurent très inférieurs aux niveaux d'avant la crise et que leur progression a ralenti en 2011. Il prend acte des mesures prises par la BCE dans le sens de l'atténuation des exigences de sûreté et de la position qu'elle a adoptée au sujet des règles de garantie applicables aux titres adossés à des actifs (ABS), ceux-ci étant étroitement liés aux prêts accordés aux ménages et aux PME.
Conditionnalité : les députés sont davis que les institutions qui ont bénéficié d'un soutien exceptionnel de trésorerie de la banque centrale devraient satisfaire à certaines conditions, en particulier s'engager à augmenter les volumes de crédits en définissant des objectifs de prêts à l'économie réelle, notamment aux petites et moyennes entreprises et aux ménages, faute de quoi de tels efforts risquent de se révéler inefficaces.
La BCE est invitée à examiner, en étroite collaboration avec les gouvernements des États membres, les autorités nationales de surveillance compétentes et la Commission, la possibilité de mettre en uvre un cadre tel que le programme MERLIN conçu par la Banque d'Angleterre au sujet des conditions d'accès aux facilités non conventionnelles de la banque centrale, par exemple des objectifs en matière de prêts accordés aux PME.
La crise économique et la BCE : les députés jugent la crise actuelle préoccupante car elle risque de compromettre les efforts consentis par les États membres pour mener à bien leur assainissement budgétaire et leurs stratégies de réaction à la crise. Dans plusieurs États membres de la zone euro et plus encore dans les pays soumis à des programmes d'ajustement, la crise a des conséquences négatives, telles que des effets sur les recettes fiscales et les dépenses sociales dans ces pays, une exacerbation de leurs problèmes de dette publique.
Le rapport souligne que les titres de créances des États souverains et les établissements financiers demeurent vulnérables et que le cercle vicieux de la corrélation négative entre les obligations souveraines et les banques ne peut être rompu que par un rééquilibrage budgétaire et une recapitalisation du secteur bancaire dans un climat de croissance économique. De plus, l'une des causes de la fragilité des comptes publics de certains pays de la zone euro est la récession économique en cours, qui entraîne une hausse du chômage et une chute des recettes fiscales. Par conséquent, les députés sont convaincus que les politiques visant à stimuler la croissance et la création d'emplois doivent être une priorité majeure de l'Union.
Dans ce contexte, le rapport engage M. Mario Draghi, président de la BCE, à reprendre la tradition lancée son prédécesseur, qui soulevait systématiquement lors des réunions de l'Eurogroupe, la question des déséquilibres macroéconomiques, en particulier celle des écarts entre la productivité et les augmentations salariales, qui ont entraîné des divergences prononcées entre les niveaux de compétitivité des différents États membres.
Les députés veulent apprécier les actions de la BCE dans le cadre du débat actuel sur l'avenir de l'UEM; ils rappellent que le Parlement a demandé que l'UEM soit dotée d'une capacité budgétaire accrue dans le cadre du budget de l'Union et moyennant des ressources propres spécifiques, afin de soutenir la croissance et la cohésion sociale et de s'attaquer aux déséquilibres, aux divergences structurelles et aux situations d'urgence financière qui sont directement liés à l'Union monétaire.
Le rapport note également que la situation économique que connaissent certains pays génère de puissants mouvements de capitaux qui aggravent encore leurs difficultés de financement et ne sont pas supportables à court terme et, surtout, à long terme. Les députés estiment que ces déséquilibres ne peuvent être maîtrisés que par la mise en uvre d'un règlement global et de grande envergure de la crise de la zone euro, fondé sur une approche alliant solidarité et responsabilité.
Union bancaire : les députés estiment qu'il est urgent de créer l'union bancaire. Celle-ci devrait s'appuyer sur la réforme antérieure du secteur des services financiers de l'Union, ainsi que sur la gouvernance économique renforcée (en particulier dans la zone euro) et le nouveau cadre budgétaire du semestre européen, afin d'assurer une résistance et une compétitivité accrues du secteur bancaire de l'Union et de renforcer les réserves en capital pour éviter que les budgets publics des États membres n'aient à supporter à l'avenir le coût du sauvetage des banques.
Le rapport demande que le mécanisme unique de surveillance soit mis en place le plus rapidement possible, tout en faisant remarquer que des propositions améliorées concernant le rétablissement des banques et une autorité européenne unique de résolution, ainsi que des systèmes de garantie des dépôts, sont indispensables pour compléter le large éventail d'instruments juridiques requis pour l'avènement d'une union bancaire.
La Commission est invitée à présenter des propositions en vue d'un nouveau fonds européen de résolution et d'un système européen de garantie des dépôts venant compléter les fonctions de surveillance de la BCE.
Les députés jugent également primordial de prévoir des garanties pour éviter que la politique monétaire de la BCE et ses pouvoirs de surveillance ne fassent l'objet de conflits de priorités. Ils soulignent la nécessité de lutter contre toute érosion éventuelle de l'autorité de la BCE en matière de politique monétaire et de ses pouvoirs de surveillance par la création d'un mécanisme adéquat d'identification et de résolution des conflits potentiels.
Questions institutionnelles : les députés déplorent le manque de transparence de la méthode de travail de la troïka, qui ne rend pas dûment des comptes et ne fait pas l'objet d'un contrôle démocratique. Ils estiment que tout organe, actuel ou futur, de ce type impliquant la BCE et/ou la Commission devrait être tenu de rendre des comptes au Parlement européen et aux parlements nationaux chacun pour ce qui le concerne.
Ils soulignent l'importance d'accroître sensiblement l'efficacité du dialogue monétaire régulier entre la BCE et le Parlement et que ce dernier devrait jouer pleinement son rôle de législateur dans tous les domaines impliquant une surveillance bancaire.
Dans ce contexte, les députés estiment quil ne faut pas exclure une révision du traité qui comporterait une révision des statuts de la BCE traduisant ses nouvelles missions.