Le Parlement européen a adopté une résolution sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE) : promouvoir les intérêts de la société et ouvrir la voie à une reprise durable et inclusive.
Le Parlement indique que la communauté des investisseurs a connu un véritable bouleversement des mentalités, et que 1.123 investisseurs gérant au total 32.000 milliards de dollars d'actifs ont adhéré aux principes pour l'investissement responsable des Nations unies (UNPRI). En outre, selon le Forum européen de l'investissement durable, le marché mondial de l'investissement socialement responsable a atteint environ 7.000 milliards EUR en septembre 2010. Ce contexte nouveau nest toutefois pas encore entièrement entré dans la philosophie de toutes les entreprises puisque les pratiques en matière de RSE sont encore largement confinées à une minorité de grandes entreprises.
La résolution insiste en particulier sur la nécessité d'impliquer les PME dans le débat sur la RSE et appelle la Commission à développer, de concert avec les autorités nationales et les plateformes multilatérales, des formes de coopération sectorielle entre PME qui leur permettent de faire face de façon collective aux problèmes sociaux et environnementaux. Le Parlement observe au passage que beaucoup de PME adoptent déjà une approche RSE sur la base d'une approche informelle et intuitive.
Le Parlement souligne par ailleurs que les entreprises ne peuvent être viables à l'avenir que dans le cadre d'une économie durable, et qu'il n'y a pas d'alternative à l'adaptation à un futur à faible intensité de carbone, ce qui suppose également la préservation du capital social et naturel mondial, un processus dans lequel la RSE doit jouer un rôle décisif.
Une vision évolutive de la RSE : rejetant toute vision réductrice de la RSE uniquement limitée à de simples mesures de transparence et de responsabilité au sens étroit sur les marchés financiers, le Parlement invite les entreprises leaders en matière de RSE à servir dexemples vis-à-vis de leurs pairs, en utilisant des lignes directrices appropriées, en favorisant le soutien des pouvoirs publics, en améliorant la fourniture d'outils et de systèmes d'incitation et en favorisant la reconnaissance de la société et du monde des affaires à l'ampleur des défis sociaux et environnementaux. Dune manière générale, le Parlement soutient l'intention de la Commission de renforcer la RSE en Europe en élaborant des lignes directrices et en soutenant des initiatives plurilatérales dans des secteurs industriels donnés.
Une responsabilité «sociale» pour les entreprises : le Parlement demande que la "responsabilité sociale" soit comprise comme respectant les principes et droits fondamentaux tels que ceux définis par l'OIT. Il affirme que la RSE doit comporter des mesures sociales portant notamment sur la formation professionnelle, la conciliation entre vie familiale et professionnelle, des conditions de travail adaptées. En revanche et contrairement à la position de sa commission au fond, la Plénière a rejeté lidée que la RSE devait jouer un rôle dans le "permis social d'activité" des entreprises et ne sest pas ralliée à lidée que l'Union elle-même devait adopter la RSE comme son propre "permis social" dans la recherche d'avantages commerciaux et économiques vis-à-vis d'autres pays et régions du monde.
Le Parlement estime toutefois que la RSE devait être un élément fondamental des politiques commerciales de l'Europe et appuie lapproche qui veut que la problématique de la RSE figure dans les accords commerciaux de l'Union européenne.
Le Parlement insiste en outre sur le fait qu'il ne peut être question de responsabilité sociale des entreprises que si celles-ci respectent également les prescriptions légales en vigueur et les normes salariales locales adoptées par les partenaires sociaux. La responsabilité sociale d'une entreprise doit également être évaluée au vu du comportement des entreprises participant à sa chaîne d'approvisionnement ainsi que de tout sous-traitant éventuel.
Pour une reprise durable : le Parlement invite la Commission et les États membres à soutenir les entreprises à s'impliquer dans la RSE, en coopération avec les représentants des travailleurs. Il invite les entreprises à maintenir et créer des emplois, notamment pour les jeunes et pour les femmes, dans tous les domaines d'activité et pour les personnes souffrant de désavantages multiples. Il souligne que les fermetures d'entreprises et les licenciements mettent en péril certains des succès obtenus grâce à la RSE, comme par exemple l'emploi des groupes vulnérables de la société (personnes handicapées) et la promotion de nouveaux modèles d'emploi. Il demande dès lors à la Commission de procéder à une analyse approfondie des effets sociaux de la crise sur ces initiatives, sachant que les actions de RSE bénéficient non seulement à l'ensemble de la société, mais aussi à limage de lentreprise elle-même.
Le Parlement note en outre quen temps de crise, les entreprises respectant les principes de la RSE devraient contribuer au développement des capacités d'innovation de leur région en apportant des solutions technologiques innovantes et respectueuses de l'environnement.
Approches plurilatérales : le Parlement approuve l'accent mis dans la communication de la Commission sur le renforcement et la mise en uvre des normes internationales et, des principes directeurs de l'OCDE. Il encourage les États membres à s'inspirer des lignes directrices contenues dans la norme ISO 26000, et des lignes directrices du Global Reporting Initiative dans ce contexte. Il appelle les 27 États membres à accélérer la révision de leur plan d'action national concernant la RSE pour mettre en application les principes directeurs de l'OCDE et les principes directeurs des Nations unies, pour décembre 2013 au plus tard.
Globalement, le Parlement appelle à plus de cohérence dans lensemble des mesures proposées. Á cet égard, il demande que des études d'impact des propositions législatives soient effectuées afin de déceler d'éventuelles incohérences avec les principes des Nations unies.
Plusieurs autres mesures sont proposées notamment en matière militaire afin d'obtenir un accord concernant un cadre réglementaire international pour réguler, contrôler et surveiller les activités des entreprises militaires et de sécurité privées. De même, il est demandé à la Commission de présenter des propositions pour une meilleure facilitation de l'accès aux cours et tribunaux de l'UE pour les cas flagrants de violations des droits de l'homme ou du droit du travail commises par des entreprises basées en Europe ou leurs filiales, sous-traitants ou partenaires commerciaux. La Commission est également appelée à veiller à ce que la question de la RSE soit inscrite au nombre des priorités des différents instruments financiers 20142020.
Sur le plan international, le Parlement considère que la RSE peut se révéler un outil important pour aider l'Union européenne à soutenir l'application des conventions de l'OIT. Il demande dès lors à la Commission de fixer un objectif spécifique pour la négociation et la conclusion d'un nouvel accord-cadre sur les questions liées à la RSE et d'inviter les partenaires à conclure cet accord dans le cadre de leur nouvelle approche sectorielle de la RSE, en se concentrant notamment sur les questions de «travail décent» dans les pays tiers. Il insiste sur la mise en place d'un système de coopération judiciaire internationale entre l'Union européenne et les pays tiers signataires d'accords commerciaux bilatéraux afin de garantir un accès effectif à la justice pour les victimes de violations de la législation sociale ou environnementale ou du non-respect des engagements en matière de RSE par les multinationales ou par leurs filiales directes, dans le pays où l'infraction a été commise. Il plaide pour que soient mises en place des procédures judiciaires internationales destinées à sanctionner, le cas échéant, les infractions à la loi perpétrées par les entreprises.
Politiques publiques en matière de RSE : le Parlement estime que, malgré le manuel des marchés socialement responsables, l'Union s'est montrée trop timide en la matière. De nombreuses mesures de politique publique n'ont pas encore eu d'incidence significative sur la RSE. Il réclame donc une évaluation plus poussée des mesures de politique publique en matière de RSE au niveau européen. Il invite également la Commission à montrer l'exemple en tant qu'employeur responsable en publiant son propre rapport de RSE.
Par ailleurs, le Parlement insiste pour que la Commission élabore la méthode commune promise pour mesurer les performances environnementales sur la base du coût du cycle de vie. Une telle méthode serait utile, tant au niveau de la transparence des informations données par les entreprises qu'au niveau de l'évaluation par les autorités publiques des performances environnementales des entreprises.
Investissement socialement responsable : le Parlement encourage la Commission à présenter une proposition relative à la divulgation non financière par les entreprises reposant sur une large consultation publique. Cette proposition permettra à l'Union de donner une orientation aux entreprises européennes en vue de l'application des principes directeurs de l'ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme et du Pacte mondial des Nations unies. Elle devrait être souple et ne devrait pas entraîner des dépenses administratives supplémentaires pour les entreprises quelle que soit leur taille.
RSE sur une base volontaire ou contraignante ? : le Parlement affirme à nouveau que la RSE devrait concerner toutes les entreprises afin d'assurer des conditions de concurrence équitables et égales. Toutefois, il observe la façon dont les industries extractives opèrent dans les pays en développement qui nécessite d'aller au-delà d'une approche volontaire. Ainsi, les investissements réalisés par l'industrie pétrolière au Nigeria illustrent parfaitement les limites de la RSE telle qu'elle est mise en uvre actuellement, les entreprises s'étant abstenues de prendre des initiatives en matière de RSE destinées à mettre en place des pratiques commerciales viables ou à contribuer au développement des États dans lesquels elles s'installent. Le Parlement soutient donc pleinement la proposition législative sur la transmission d'informations par pays, fondée sur les normes de l'initiative pour la transparence des industries extractives (EITI), qui prévoit la communication des chiffres d'affaires et des bénéfices ainsi que des impôts acquittés et des recettes perçues, afin de dissuader la corruption et de prévenir l'évasion fiscale. Il invite les industries extractives européennes qui opèrent dans les pays en développement à montrer l'exemple dans ce domaine ainsi quen matière de travail décent. Des mesures équivalentes sont réclamées pour les entreprises opérant dans le secteur de lextraction de minerais dans les zones de conflits.
Faire progresser la RSE : enfin, le Parlement invite la Commission à désigner les syndicats et les représentants des travailleurs, comme des partenaires du dialogue aux côtés des entreprises et des autres parties prenantes. Toute politique en matière de RSE devrait comporter des mesures spécifiques destinées à lutter contre la pratique illégale de mise à l'index de travailleurs en raison de leur affiliation à un syndicat. Il insiste pour que toute entreprise ayant mis des travailleurs sur liste noire soit exclue du bénéfice des subventions et des fonds de l'UE.
En guise de conclusion et convaincu que l'hypothèse selon laquelle la RSE serait un "luxe" que les entreprises réservent aux périodes prospères, le Parlement estime que la Commission devrait prendre de nouvelles initiatives pour renforcer le potentiel de la RSE, en particulier en matière de changement climatique ou via les achats de matières premières dans la chaîne dapprovisionnement.
Á noter quune résolution parallèle a été adoptée sur le comportement responsable et transparent des entreprises et la croissance durable dans le cadre de la RSE [voir 2012/2098(INI)].