Etablissements de crédit et entreprises d'investissement: cadre pour redressement et résolution des défaillances

2012/0150(COD)

AVIS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE sur une proposition de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement.

La BCE souscrit à l’élaboration d’un cadre de redressement et de résolution et à l’élimination des obstacles empêchant une gestion efficace des crises dans les établissements financiers. Elle estime que la directive devrait être rapidement adoptée tout en soulignant que des étapes supplémentaires devront être franchies pour créer un mécanisme de résolution unique, l’un des trois piliers de l’union bancaire.

Par conséquent, la BCE demande à la Commission de présenter d’urgence une proposition distincte de mécanisme européen de résolution indépendant, incluant les éléments d’un Fonds européen de résolution commun. Ce Fonds serait au moins financé par les établissements financiers.

La BCE formule une série de remarques spécifiques en ce qui concerne les points suivants :

Définition de la résolution : la directive proposée devrait préciser que l’objectif d’une résolution n’est pas de préserver l’établissement défaillant lui- même, mais d’assurer la continuité de ses fonctions essentielles.

Conditions de déclenchement d’une procédure de résolution : la BCE estime qu’il conviendrait de conférer clairement à l’autorité compétente la responsabilité d’établir si la défaillance d’un établissement est avérée ou prévisible, pour favoriser la rapidité et l’efficacité de la mesure de résolution. La détermination des circonstances dans lesquelles la défaillance d’un établissement est avérée ou prévisible devrait uniquement s’appuyer sur une évaluation de la situation prudentielle de l’établissement. Par conséquent, un besoin particulier d’une aide d’État (critère proposé par la Commission) ne devrait pas créer, en soi, un critère objectif adapté.

Participation des banques centrales au redressement et à la résolution : la BCE insiste sur les points suivants :

  • les banques centrales devraient être associées au processus de résolution dans la mesure où elles assument des responsabilités en matière de stabilité macroprudentielle et de stabilité financière, ainsi qu’une expertise concernant les marchés financiers ;
  • les États membres devraient assurer que l’autorité compétente et l’autorité de résolution échangent des informations avec la banque centrale lorsque cette dernière n’est pas l’autorité de résolution ;
  • les dispositions proposées ne devraient avoir aucune incidence sur la capacité des banques centrales à prendre leur décision de façon indépendante et en toute liberté à propos de la fourniture, à des établissements de crédit solvables, d’une liquidité de banque centrale, que ce soit dans le cadre d’opérations courantes de politique monétaire ou d’un apport d’une liquidité d’urgence ;
  • la directive proposée demande à chaque État membre d’inclure dans sa «boîte à outils» de résolution, le pouvoir de créer et gérer un établissement-relais et une structure de gestion des actifs. Lorsqu’une banque centrale fait fonction d’autorité de résolution, il devrait être précisé, pour lever toute ambiguïté, que celle-ci n’assumera ni ne financera, en aucun cas, les obligations de telles entités ;
  • la BCE se félicite que la directive proposée prévoie d’ériger en principe que les coûts liés à la résolution soient supportés par les actionnaires et les créanciers et, lorsque ces fonds sont insuffisants, par des dispositifs de financement. Toutefois, elle souligne que, conformément à l’interdiction du financement monétaire, les banques centrales n’ont pas le droit de financer ces dispositifs.

Participation des autorités nationales désignées à l’évaluation des plans de redressement : pour garantir la prise en compte de toutes les questions systémiques pertinentes lors de l’examen des plans de redressement par les autorités compétentes, la BCE juge nécessaire que les autorités compétentes effectuent les évaluations après consultation des autorités nationales désignées lorsque ce sont des entités distinctes.

Soutien financier intragroupe : la BCE observe que la mise en œuvre des accords de soutien financier intragroupe dans les systèmes juridiques nationaux soulève des questions juridiques complexes. Elle suggère de mener des réflexions sur le bien-fondé de dispositions supplémentaires pour garantir la sécurité juridique et l’application des opérations intragroupe qui sont approuvées et mises en œuvre conformément à ces accords facultatifs.

L’instrument de renflouement interne et les pouvoirs de dépréciation : la BCE est favorable à l’introduction de l’instrument de renflouement interne, par les États membres, à compter du 1er janvier 2018 au plus tard. La BCE formule les observations suivantes :

  • le mécanisme de renflouement interne devrait être conçu pour être cohérent avec les caractéristiques essentielles d’une résolution performante convenues au niveau international, en particulier avec le droit conféré à l’autorité de résolution de renflouer un large éventail d’engagements conformément à la hiérarchie des créanciers qui serait de mise en cas de liquidation ;
  • les mesures de résolution devraient être prises dans des circonstances justifiées et être assorties de conditions adaptées pour limiter l’aléa moral. Les pouvoirs de renflouement interne devraient surtout être utilisés pour résoudre la défaillance d’établissements ayant atteint un point de non-viabilité ;
  • le renflouement interne devrait toujours s’accompagner d’un remplacement de la direction, puis d’une restructuration de l’établissement et de ses activités propre à remédier aux causes de sa défaillance ;
  • les travaux devraient être poursuivis afin d’évaluer si l’exigence minimale, pour le renflouement interne, doit être exprimée en pourcentage du total des engagements ou en pourcentage des actifs pondérés en fonction des risques ;
  • les autorités de résolution devraient avoir le pouvoir déprécier les instruments de fonds propres avant d’entamer une procédure de résolution. Dans la perspective de la recapitalisation des établissements, la BCE recommande d’expliciter ce point dans la directive proposée afin de lever toute ambiguïté.

Financement de la résolution et ampleur visée des dispositifs de financement : la BCE se félicite que les instruments et pouvoirs de résolution prévus dans la directive proposée permettent aux autorités de faire peser les charges du financement de la résolution sur les actionnaires et les créanciers. Tout en reconnaissant l’utilité de sources supplémentaires de financement pour la résolution, la BCE estime que la proposition ambitieuse de mettre en place un système européen de dispositifs de financement ne résoudra pas d’importants problèmes transnationaux concernant la résolution.

Le recours aux systèmes de garantie des dépôts (SGD) pour le financement de la résolution : la BCE attire l’attention sur le fait que les dispositions proposées risquent de créer une incertitude pouvant augmenter le risque de retraits de fonds effectués à titre préventif par des créanciers. La BCE préconise de garantir la sécurité juridique en définissant clairement le rôle du SGD dans le financement des résolutions, quel que soit l’instrument de résolution choisi et le mode d’application des mesures.

La BCE estime qu’un dispositif juridique instituant un rang prioritaire pour les déposants garantis devrait faciliter l’utilisation des mesures de résolution prévues dans la directive proposée. Du point de vue de la stabilité financière, le privilège attaché aux dépôts couverts est également encouragé.

Poursuite de l’harmonisation des règles relatives au redressement et à la résolution : la BCE est favorable à l’élaboration d’un cadre de redressement et de résolution pour les établissements financiers non bancaires d’importance systémique, par exemple les compagnies d’assurance et les infrastructures de marché. Il conviendrait de coordonner ce cadre avec les initiatives internationales.