Répercussions de la crise économique sur l'égalité des genres et les droits des femmes

2012/2301(INI)

Le Parlement européen a adopté par 495 voix pour, 96 voix contre et 69 abstentions, une résolution sur les répercussions de la crise économique sur l'égalité entre les hommes et les femmes et les droits des femmes.

Le Parlement rappelle que, même si les femmes n'ont pas été les premières victimes de la crise, elles sont aujourd'hui les plus affectées par ses conséquences (en raison de leur présence plus marquée dans les emplois précaires et de leur plus grande vulnérabilité, etc.). Elles en subissent donc plus durablement les répercussions. Il indique également qu'en 2010, environ 23% des citoyens de l'Union étaient confrontés au risque de pauvreté ou d'exclusion sociale, et que cette paupérisation touchait majoritairement les femmes.

Le Parlement estime par ailleurs que les coupes budgétaires réalisées par les gouvernements à l'occasion de la mise en œuvre des plans d'austérité touchent en priorité le secteur public et ses services sociaux, dont les femmes sont les principales bénéficiaires et où elles sont les plus présentes – représentant près de 70% des employés du secteur. Les femmes deviennent donc les principales victimes des mesures d'austérité.

Il convient dès lors de répondre de manière adaptée à la crise touchant les femmes en demandant l’intégration de la dimension de genre dans toutes les politiques y compris dans les directives macroéconomiques et dans les politiques de l'emploi ainsi que dans les mesures d’austérité, de relance après la crise, de violence liée au genre, de dégradation de leur santé et de pauvreté à long terme.

Un taux de chômage en progression : le Parlement rappelle qu'après avoir atteint un taux de 62,8% en 2008, le taux d’emploi des femmes s’est établi à 62,3% en 2011. Il considère dès lors que des mesures s’imposent pour améliorer l’emploi des femmes, y compris en mobilisant des programmes et des Fonds européens. La crise a en outre des effets différents sur les femmes qui subissent une précarisation plus importante de leurs conditions de travail, en particulier en raison du développement de formes de contrats atypiques, et de la persistance des inégalités de salaires (près de 17%) entre hommes et femmes. En conséquence, la Commission est appelée à présenter, dès que possible, une proposition de directive prévoyant des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre hommes et femmes à travail égal.

Le Parlement met également en évidence les écarts de taux d'emploi des femmes dans les États membres (notamment chez les jeunes femmes et dans certains groupes défavorisés), impliquant une réponse différenciée. Il plaide en outre pour le respect du droit au travail comme condition préalable essentielle à l'indépendance économique et à l'épanouissement professionnel des femmes.

Lutter contre le travail au noir : le Parlement déplore la trop grande proportion de femmes dans l'économie souterraine en raison du fait que le travail au noir touche surtout des secteurs traditionnellement liés aux emplois féminins (services domestiques, soins aux personnes, etc.). Il constate par ailleurs que la crise a profité à l'économie parallèle, bien qu'il soit très difficile d'en avoir une image très claire. Il insiste dès lors pour que les droits des femmes soient défendus, notamment dans le cadre domestique, en répartissant mieux les rôles des hommes et des femmes en matière de conciliation familiale.

Réformer les politiques  macroéconomiques, sociales et du marché du travail : pour favoriser l’emploi des femmes, le Parlement envisage une série de mesures dont :

  • une répartition plus équitable des richesses,
  • des salaires et des pensions d'un niveau décent,
  • la réduction des écarts de rémunération entre les genres,
  • l’accès à des services publics de haut niveau (y compris pour les services de garde d’enfants).

Sachant que les budgets nationaux ne sont pas neutres d’un point de vue du genre, le Parlement demande une augmentation des crédits qui sont affectés aux femmes dans les emplois publics où elles sont surreprésentées.

D’une manière générale, il appelle les États membres à intégrer la dimension du genre dans le processus budgétaire, y compris dans le cadre financier 2014-2020.

D’autres mesures sont envisagées comme :

  • des politiques d'insertion dans le monde de l'entreprise ;
  • une politique active en faveur du marché du travail accompagné d’un dialogue social fort ;
  • le renforcement des mesures de télétravail ;
  • des politiques de formation et de reconversion professionnelle après une maternité ou une maladie ;
  • la promotion des femmes dans les grandes entreprises et le monde de la finance ;
  • la révision des régimes de protection sociale en vue d'individualiser les droits à pension ;
  • des mesures en faveur de la flexibilisation des horaires en vue de favoriser leur post-formation ;
  • la promotion de l'entreprenariat féminin (notamment, dans l’économie verte) ;
  • la participation des femmes à tous les niveaux du processus décisionnel ;
  • le renforcement des actions destinées à réduire les charges familiales des femmes ;
  • la lutte contre la persistance des stéréotypes ;
  • l’insertion des femmes en milieu rural ;
  • le réinvestissement dans les services sociaux de qualité – comme des services de garde d'enfants à temps plein, des écoles ouvertes toute la journée et des soins pour les personnes âgées ;
  • le renforcement des mesures de flexibilité alliée à des mesures de sécurité sur le marché du travail en fournissant une protection sociale adéquate aux femmes en période de transition ou sous contrat de travail temporaire ou à temps partiel.

Mieux évaluer les implications de certaines coupes budgétaires sur les femmes : le Parlement insiste sur le fait que les décisions prises par certains États membres de couper dans les budgets d'aide à l'enfance, d'encadrement scolaire et périscolaire, des bourses pour les cantines et le transport scolaire, et d'aide à la prise en charge des personnes dépendantes ont des conséquences directes sur les femmes, qui assument la majorité de ces tâches supplémentaires. Il souligne notamment que les réductions de dépenses dans les services publics d'aide à l'enfance ont une incidence directe sur l'indépendance économique des femmes. Ainsi, en 2010, 28,3% de l'inactivité et du travail à temps partiel des femmes s'expliquait par le manque de services de garde, contre 27,9% en 2009. Il appelle dès lors les États membres à investir dans les prestations sociales et familiales et appelle à l’accroissement de l'offre publique de jardins d'enfants, de crèches et d'activités de loisirs pour enfants, ainsi que le développement d’un réseau public d'aide aux personnes âgées.

Le Parlement revient sur la question des écarts de rémunération liés au genre, dans le sens visé par sa résolution du 24 mai 2012 et invite les États membres et la Commission à proposer des solutions pour aider les femmes à poursuivre leurs carrières.

Le Parlement déplore en outre les réductions des dépenses dans le secteur des soins de santé qui se répercutent sur le travail dévolu aux femmes. Il invite tous les États membres à élaborer des plans pour la prestation de services de soins aptes à favoriser la justice sociale et l'égalité des genres.

Lutter contre la violence faite aux femmes : le Parlement constate enfin que la crise économique a favorisé le harcèlement, les mauvais traitements et la violence sous toutes ses formes à l'égard des femmes. De nouveaux moyens publics, financiers et humains sont donc demandés pour lutter contre ce phénomène social en progression et pour continuer de financer les refuges et les organisations de défense des droits des femmes.