Protection de la santé publique contre les perturbateurs endocriniens

2012/2066(INI)

Le Parlement européen a adopté par 489 voix pour, 102 voix contre et 19 abstentions, une résolution sur la protection de la santé publique contre les perturbateurs endocriniens.

Le Parlement met en évidence le fait que ces 20 dernières années, les cas de maladies et de troubles hormonaux entraînant la baisse de la qualité du sperme, une puberté précoce, la multiplication des malformations génitales ainsi que la fréquence élevée de certains cancers ont largement augmenté. Il indique également que des pathologies neurologiques et des maladies neurodégénératives ainsi que certains effets sur le système immunitaire peuvent être imputables à une exposition à des substances chimiques présentant des propriétés perturbant le système endocrinien. Ces substances peuvent notamment avoir des effets œstrogènes ou anti-œstrogènes qui interfèrent avec le fonctionnement de l'appareil reproducteur féminin, altérant leur fertilité et favorisant le développement de maladies utérines. Par ailleurs, un nombre croissant d'études scientifiques suggèrent que les perturbateurs endocriniens chimiques, particulièrement en combinaison, jouent un rôle à la fois dans les maladies chroniques, y compris les cancers hormono-dépendants, mais aussi sur l'obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires.

Pour l’application du principe de précaution : dans le contexte ci-avant décrit, le Parlement estime qu’en l’état actuel des connaissances, le principe de précaution s’impose. Il appelle donc la Commission et les législateurs à adopter, conformément au traité sur l’Union européenne, des mesures visant à réduire l'exposition humaine à court et à long termes aux perturbateurs endocriniens en multipliant les efforts de recherche. Le principe de précaution doit notamment s’appliquer lorsque la santé humaine est en jeu et que l'on peut raisonnablement supposer qu’il existe des effets préjudiciables imputables à des substances perturbant le système endocrinien.

Protéger les femmes enceintes et les nourrissons : le Parlement met en avant le risque particulier que courent les femmes et appelle au renforcement des études surveillant la santé des femmes sur de grandes périodes de leur vie. Le Parlement appelle en particulier à la révision de la stratégie communautaire de 1999 concernant les perturbateurs endocriniens, à procéder à un examen systématique de l'ensemble des textes législatifs pertinents applicables et, si nécessaire, à modifier d'ici au 1er juin 2015 la législation en vigueur ou à présenter de nouvelles propositions législatives prévoyant une évaluation des risques et des dangers, et ce afin de réduire l'exposition humaine, en particulier chez les groupes vulnérables que sont les femmes enceintes, les bébés, les enfants et les adolescents, aux perturbateurs endocriniens.

Il souligne à cet effet la nécessité de fixer le critère visant à déterminer les propriétés de perturbateur endocrinien par une analyse globale des risques effectuée au regard des connaissances scientifiques actuelles en tenant notamment compte de l'effet combiné d’une exposition prolongée.

De son côté, la Commission est appelée à adopter des mesures supplémentaires dans le domaine de la politique relative aux substances chimiques et à intensifier les travaux de recherche permettant d'évaluer à la fois les effets potentiels de perturbation endocrinienne des différentes substances chimiques et les effets cumulés de combinaisons de substances sur le système hormonal.

Définir les principales sources de perturbateurs endocriniens : le Parlement estime qu'il est nécessaire d'analyser et de mettre en balance deux critères pour évaluer l’impact des substances en cause : l'"effet préjudiciable" et le "mécanisme d'action endocrinien" ainsi que les éventuels effets combinés, tels que les mélanges ou les effets cocktail. Les critères de définition des perturbateurs endocriniens doivent en outre reposer sur des preuves scientifiques et horizontales et se fonder sur la force probante. Aucun critère ne doit à lui seul être considéré comme un critère d'exclusion ou de décision dans le cadre de l'identification d'un perturbateur endocrinien. Toutefois, la Plénière a renoncé à retenir la disposition proposée par sa commission au fond qui refusait l’introduction d’un critère d'"activité" en tant que seuil de définition des perturbateurs endocriniens (la commission parlementaire estimai que ce critère risquait de limiter la définition des perturbateurs endocriniens).

Le Parlement se dit plutôt favorable à la mise en place de méthodes d'essai telles que celles établies au niveau international par l'OCDE, ou par le laboratoire de référence de l'Union européenne CEVAM en ce qui concerne les hormones thyroïdiennes et sexuelles, ainsi que la stéroïdogenèse (en évitant les méthodes d'essais qui recourent aux animaux).

Il propose en outre la création de registres des troubles de la santé reproductrice afin de combler le manque actuel de données au niveau de l'Union européenne et la production de données fiables sur les effets socioéconomiques des maladies et des troubles hormonaux.

Vers une stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens : bien qu’il reste très difficile d'établir un lien de causalité entre une exposition à différentes substances chimiques et une perturbation de l'équilibre hormonal au stade actuel des connaissances, le Parlement réclame la mise en place d’une stratégie européenne en matière de protection de la santé humaine contre les perturbateurs endocriniens en insistant sur le principe de précaution sans pour autant méconnaître le  principe de proportionnalité.

Il souligne que plusieurs éléments peuvent interagir pour créer des effets préjudiciables sur l’homme comme : i) le délai d'exposition qui peut provoquer un effet préjudiciable sur plusieurs générations; ii) l’exposition à des mélanges de substances chimiques; iii) la capacité de certaines substances à agir à faible dose.

Dans ce contexte, la Commission est appelée à :

  • prendre en compte le besoin des consommateurs de disposer d'informations fiables sur les dangers des perturbateurs endocriniens, leurs effets et la possibilité de s'en protéger ;
  • appeler les organes décisionnels à traiter des substances présentant des mécanismes d'action et des propriétés identiques par groupes, afin de hiérarchiser la priorité des essais futurs dans l'optique de protéger aussi rapidement et efficacement que possible la population contre les effets d'une exposition aux perturbateurs endocriniens tout en limitant le nombre d'expérimentations animales ; ces organes devraient utiliser les informations concernant des produits chimiques de structure analogue pour d'arrêter un train de mesures appropriées ;
  • présenter un calendrier précis pour l'application des futurs critères et des exigences modifiées en matière d'essais pour les perturbateurs endocriniens notamment dans le cadre de l’utilisation des pesticides et des biocides ;
  • fixer un calendrier, incluant des étapes intermédiaires, pour : i) l'application des futurs critères d'indentification aux produits chimiques potentiellement perturbateurs endocriniens; ii) la révision des législations pertinentes ; iii) la publication d'une liste régulièrement mise à jour des perturbateurs endocriniens prioritaires, dont la première version devrait être publiée avant le 20 décembre 2014; iv) toutes actions nécessaires visant à réduire l'exposition de la population et de l'environnement de l'UE aux perturbateurs endocriniens.

Ne pas fixer des seuils d’exposition : la Plénière a insisté sur le fait que la science ne constituait pas en l'état, une base de réflexion suffisante pour fixer un seuil en dessous duquel des effets préjudiciables ne surviendraient pas. Dans ces conditions, les perturbateurs endocriniens doivent être assimilés à des substances "dépourvues de seuil", sachant que toute exposition à ces substances peut alors constituer un risque, sauf si le fabricant est en mesure de démontrer scientifiquement l'existence d'un tel seuil, en tenant également compte de l'augmentation de la sensibilité durant les fenêtres critiques de développement (pendant le développement embryonnaire, notamment) ou de l'effet des mélanges.

Plusieurs autres actions sont réclamées au niveau européen telles que :

  • le soutien ciblé à la recherche sur les substances susceptibles d'affecter le système endocrinien ;
  • la surveillance de tous les produits importés de pays tiers de sorte qu’ils respectent la législation européenne actuelle et future en matière de perturbateurs endocriniens ;
  • l’association de toutes les parties prenantes en vue de la mise en place de modifications législatives nécessaires à une meilleure protection de la santé humaine contre les substances chimiques à risque ;
  • la création d’un centre européen de recherche sur les perturbateurs endocriniens;
  • le financement de programmes visant à informer les citoyens des risques que les perturbateurs endocriniens font peser sur la santé afin de les aider à adapter leurs habitudes de consommation et leur mode de vie (notamment, les femmes enceintes et les enfants) ;
  • l’amélioration des programmes de formation des professionnels de la santé dans ce domaine.

Enfin, le Parlement invite la Commission et les États membres à soutenir les activités de l'approche stratégique de la gestion internationale des produits chimiques (ASGIPC) et à promouvoir des politiques actives visant à réduire l'exposition humaine et environnementale aux perturbateurs endocriniens chimiques dans toutes les enceintes internationales concernées, dont l'OMS.

Á noter qu'une proposition de résolution de remplacement présentée par le groupe ECR a été rejetée en Plénière.