Décharge 2011: budget général UE, Section III, Commission et agences exécutives

2012/2167(DEC)

Le Parlement européen a adopté par 445 voix pour, 84 voix contre et une abstention une décision destinée à accorder la décharge à la Commission sur l'exécution du budget général de l'Union européenne pour l'exercice 2011. Il a également adopté des décisions séparées octroyant la décharge à chacun des directeurs des agences exécutives "Éducation, audiovisuel et culture", "Compétitivité et l'innovation", "Santé et consommateurs", «Conseil européen de la recherche», «Réseau transeuropéen de transport» et «Recherche» sur l'exécution de leur budgets respectifs pour l'exercice 2011.

Dans la foulée, le Parlement clôture les comptes du budget général de l'Union pour 2011.

Le Parlement a par ailleurs adopté une résolution incluant une série de recommandations dont il faut tenir compte au moment de l'octroi de la décharge.

Dans une série d’observations générales, il appelle à la mise en place d’actions prioritaires portant sur les domaines suivants :

  • protection du budget de l'Union : la Commission devrait adopter chaque année, et pour la première fois en septembre 2013, une communication en vue de rendre publique l'incidence des mesures préventives et correctrices qu'elle prend pour la protection du budget de l'Union (suspensions, interruptions et rétentions visant à éviter les erreurs et tous les montants  récupérés par État membre…) ; la Commission devrait notamment démontrer dans la mesure du possible que les corrections financières ont servi à compenser les erreurs commises ;
  • taux d'erreur dans la gestion partagée : la Commission est appelée à harmoniser la pratique de ses services quant à l'interruption ou à la suspension des paiements lorsque des déficiences importantes sont détectées dans les États membres en matière agricole, de cohésion et dans le domaine de la recherche. Des demandes plus spécifiques sont faites à la :

-        DG AGRI : cette direction générale (DG) devrait entre autre interrompre et suspendre systématiquement les paiements lorsque les contrôles de premier niveau révèlent qu'ils sont affectés par un niveau significatif d'erreur ;

-        DG REGIO : cette DG devrait rendre ses pratiques en matière de paiements totalement conformes aux bonnes pratiques en cours dans d'autres directions générales et continuer d'avoir directement et pleinement recours aux interruptions des paiements suivies, le cas échéant, d’une suspension des programmes opérationnels.

  • meilleure utilisation des audits de performance : la Commission devraient mettre en place une nouvelle culture de la performance, avec des exigences en termes de pertinence, de comparabilité et de fiabilité ; la Commission est également appelée réexaminer les programmes en cours de façon à éviter les "effets d'aubaine" aux niveaux national et régional et à ne financer véritablement que les mesures qui ne peuvent pas être mises en œuvre sans une impulsion de l'Union, en favorisant ainsi la valeur ajoutée européenne des projets ; dans le cadre d'une nouvelle politique renforcée en matière de performance, tous les rapports d'évaluation effectués ou financés par la Commission devraient intégralement être mis à la disposition du Parlement européen, qui pourrait décider ensuite de les rendre consultables sur son site ;
  • recettes et ressources propres traditionnelles : afin d'assurer une protection adéquate des intérêts financiers de l'Union, et de doter l'Union de ressources propres suffisantes pour la croissance, la Commission devrait entre autre répertorier les canaux et les systèmes permettant la fraude et l'évasion fiscales, et sensibiliser, à l'occasion des négociations sur le cadre financier pluriannuel, les États membres et l'opinion publique au fait que la perception efficace des recettes demeure un facteur essentiel d'une saine gestion des finances publiques. Il est également demandé que l’on recueille des données fiables sur le manque à gagner sur les droits de douane et la TVA dans les États membres et que l’on tienne le Parlement informé de ces conséquences tous les 6 mois. Les mesures susceptibles d'accroître l'efficacité et l'efficience de la perception des droits de douane et de la TVA dans les États membres devraient également être clairement identifiées.

Structures Offshores et paradis fiscaux : le Parlement s'alarme de l'ampleur des activités financières délocalisées, telle que l'a révélée l'enquête internationale «Offshore Leaks». Il invite la Commission à prendre d'urgence des mesures pour éradiquer ces possibilités de dévier l'argent, par milliers de milliards EUR, hors du circuit financier normal, en premier lieu pour éviter l'impôt et dissimuler des fonds illégaux aux autorités fiscales des États membres. Il suggère que la Commission prenne des mesures afin de garantir que toutes les activités des banques consistant à conseiller, et mettre en place, des structures offshore deviennent illégales et que, dans l'Union européenne, aucune banque qui s'engage dans de telles activités ne perçoive ou ne puisse percevoir de financement européen, à quelque titre que ce soit. Il attend de recevoir, dans les deux mois, de la Commission des propositions législatives en vue de mettre un terme à la pratique, de la part des individus, des sociétés, voire des institutions publiques, du recours aux paradis fiscaux.

I. Déclaration d'assurance de la Cour des comptes :

  • Fiabilité des comptes – opinion favorable : le Parlement note que les comptes annuels de l'Union pour l'exercice 2011 présentent fidèlement, dans tous leurs aspects significatifs, la situation de l'Union au 31 décembre 2011 ainsi que les résultats de ses opérations et les flux de trésorerie pour l'exercice clos à cette date;
  • Légalité et régularité des paiements – opinion défavorable : il déplore cependant qu’une nouvelle fois, les paiements soient restés affectés par un niveau significatif d'erreur (3,9%). Il constate que les groupes de politiques "agriculture: soutien du marché et aides directes", "développement rural, environnement, pêche et santé", "politique régionale, énergie et transports", "emploi et affaires sociales", ainsi que "recherche et autres politiques internes", soient affectées par des erreurs significatives et juge décevante l’augmentation du taux d’erreur par rapport à 2010.

Le Parlement constate au passage que les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni ont voté contre l'octroi de la décharge à la Commission parce que pour la 18ème année consécutive, la Cour des comptes n'avait pu émettre une déclaration d'assurance positive et exempte de réserves. Pour le Parlement, il y va de la crédibilité des dépenses de l'Union.

Le Parlement relève par ailleurs le nombre élevé de réserves émises par la Commission en ce qui concerne les systèmes de gestion et de contrôle du FEDER et du Fonds de cohésion pour la période 2007-2013, notamment aux Pays-Bas et au Royaume-Uni et engage les États membres à favoriser un examen par les pairs de la gestion financière et de la qualité des résultats de leurs contrôles.

II. Questions horizontales :

Responsabilité de la Commission et des États membres dans le cadre de la gestion partagée : la Plénière rappelle que, dans sa résolution sur la décharge pour 2010, le Parlement avait proposé qu'un membre soit chargé à temps plein du contrôle budgétaire au sein de la Commission (membre qui sera en place entre 2014 et 2019). Une fois de plus, il attend des États membres qu'ils mesurent pleinement l'obligation qui leur incombe, en vertu de l'article 4, paragraphe 3, du traité et du principe de coopération loyale, d'assister activement et efficacement l'Union dans l'accomplissement des missions découlant des traités en vue de prévenir, détecter et corriger les irrégularités et la fraude. Or, le système actuel ne garantit pas la pleine transparence quant aux bénéficiaires de certaines aides (FEDER par exemple). Il estime que les organismes nationaux de gestion devraient faire une déclaration qui les engage, accompagnées de délibérations autocritiques afin de parvenir à une évaluation impartiale, honnête et transparente par les pairs, entre États membres, d’une exécution du budget plus satisfaisante et plus efficace. Ceci améliorerait l'efficacité des politiques, des programmes et des projets et contribuerait à renforcer la solidarité entre les États membres et rendrait la confiance des citoyens européens.

Pour sa part, la Commission est appelée à consentir des efforts pour diffuser des données plus précises et plus fiables sur les recouvrements et les corrections financières et renforcer toutes les mesures de transparence vis-à-vis du Parlement européen dans ce domaine.

Les États membres sont en outre pointés du doigt pour les deux domaines d'action sujets aux taux d'erreur les plus élevés (développement rural, environnement, pêche et santé, ainsi que politique régionale, énergie et transport) avec un taux d'erreur probable estimé à 7,7% et 6% respectivement. Dans ce contexte, le  Parlement demande aux autorités nationales d'émettre un avis sur l'indépendance des autorités nationales d'audit dans la gestion partagée.

Marchés publics : en matière de responsabilité des États membres, le Parlement constate que de nombreuses erreurs résultent de la mauvaise application des règles nationales (notamment, pour ce qui est des erreurs relevant du FSE, les violations des règles nationales ont été à l'origine de 86% du taux d'erreur) et les erreurs concernant l'éligibilité (en particulier, dans le cas des bénéficiaires de subventions) et les infractions aux règles de passation des marchés publics (en particulier dans le cas des fonds en gestion indirecte ou partagée) constituent les deux principales sources d'erreur. Il déplore en outre que des erreurs puissent aussi découler de l'ajout aux règles de l'Union de règles nationales qui sont inutilement complexes, rendant difficile leur mise en œuvre et leur vérification par les États membres, tout en imposant aux bénéficiaires une charge administrative supplémentaire superflue ("surréglementation"). Ces règles non seulement augmentent le taux d'erreur inutilement, mais peuvent amener la Commission à émettre des demandes de recouvrement.

Gestion budgétaire et RAL : le Parlement rappelle que les engagements budgétaires restant à liquider sont des crédits d'engagement ouverts, mais non encore versés et qu'ils proviennent essentiellement des programmes pluriannuels (cohésion, par ex.). Il fait observer que le RAL se monte cette année à un niveau record absolu avec 207 milliards EUR (politique de cohésion).

III. Points particuliers : le Parlement revient ensuite point par point sur l’exécution budgétaire et s’exprime globalement comme suit :

Recettes : il rappelle que la fraude et l'évasion fiscales coûteraient, chaque année, près de 1.000 milliards EUR aux États membres alors que, à titre de comparaison, le budget de l'Union en crédits d'engagement pour 2011 s'élevait à seulement 142,5 milliards EUR. Il propose dès lors une large batterie de mesures pour renforcer les contrôles douaniers et mieux percevoir les droits de douane et de TVA. Il appelle notamment la Commission à instaurer une meilleure coordination avec les États membres en vue de recueillir des données fiables sur le manque à gagner en matière de droits de douane et de TVA et à faire régulièrement rapport au Parlement à ce sujet.

Agriculture : le Parlement déplore que le taux d'erreur pour cette politique ait augmenté pour atteindre 4% pour les dépenses FEAGA et Feader ainsi que pour le groupe de politiques environnement, pêche et santé. Il déplore que dans bien des cas, les bénéficiaires qui ne sont pas des agriculteurs bénéficient de paiements directs.

En matière de soutien direct, le Parlement appelle la Commission à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les organismes payeurs remédient aux faiblesses mises au jour dans leur système de gestion et de contrôle afin d’éviter les erreurs les plus classiques que sont la classification incorrecte de l'utilisation des sols et la surdéclaration des terres éligibles.

Développement rural : le Parlement déplore que les paiements en faveur du groupe de politiques "développement rural, environnement, pêche et santé" n'aient pas été exempts d'erreurs significatives en 2011, le taux d'erreur le plus probable étant de 7,7%, ce taux étant lié à l'éligibilité des mesures non liées à la surface, comme la modernisation des exploitations agricoles et la mise en place de services de base pour l'économie et la population rurale. Des griefs très spécifiques sont faits à la DG AGRI dans ce contexte, concernant les systèmes de surveillance et de contrôle du Danemark, de la Finlande, de la Hongrie, de l'Italie et de l'Espagne.

Environnement, santé publique et sécurité alimentaire/Pêche : s’il se dit globalement satisfait de la mise en œuvre de ces politiques, le Parlement engage la Commission à intensifier la coopération avec les États membres afin de recevoir les données les plus pertinentes et les plus exactes pour les prévisions de dépenses dans ces domaines d'action.

Politique régionale, énergie et transports : le Parlement déplore le taux d’erreur très élevé pour ces dépenses, de l’ordre de 6% : 62% des opérations relevant de la politique régionale sont en effet affectées par une erreur. Il demande, par conséquent, aux États membres d’améliorer leurs systèmes de gestion et de contrôle afin de déceler et de corriger les erreurs au niveau national, y voyant là une obligation imposée par le principe de bonne gestion financière. Il pointe en particulier l’inefficacité des systèmes de contrôle tchèques. Il rappelle également que les pays pour lesquels la probabilité de paiements incorrects pendant la période de programmation 2007-2013 était la plus forte étaient la République tchèque (11,4%), la Roumanie (11,2%) et l'Italie (8,6%). Il invite la Commission à faire usage de tous les instruments disponibles au cours de la prochaine période de programmation 2014-2020, y compris au moyen d'actes délégués et d'actes d'exécution, pour établir les conditions devant être remplies par les autorités nationales, en matière de contrôle. Il invite également la Commission à mettre sur pied un système transparent qui permette de tenir compte, d'une part, des corrections financières annuelles et, d'autre part, des corrections financières effectuées tout au long d'une période de programmation. La Commission devrait en outre assister les États membres dans leurs efforts visant à rendre les contrôles de premier niveau ainsi que les autorités nationales d'audit plus efficaces grâce aux échanges de bonnes pratiques.

Emploi et affaires sociales : ces politiques ont été globalement mises en œuvre de manière satisfaisantes. Toutefois, le Parlement regrette que des paiements FSE d'un montant total de 2,7 milliards EUR n'aient pu être versés aux bénéficiaires, en raison de crédits de paiement suffisants. Il demande dès lors une nouvelle fois de garantir, compte tenu des conditions d'exécution, une évolution ordonnée des crédits pour paiements en lien avec les crédits pour engagements, de façon à éviter toute évolution anormale du RAL.

Le Parlement fait par ailleurs une série d’observations spécifiques concernant la mise en œuvre de certaines aides en Bulgarie, en Roumanie et en République tchèque.

Relations extérieures, aide et élargissement : le Parlement rappelle la spécificité du financement de l'assistance extérieure de l'Union qui, si elle doit répondre aux mêmes règles et exigences de contrôle que le reste du budget de l'Union, est mise en place pour partie par des personnes et des entités extérieures à l'Union, dans des conditions parfois difficiles. Il déplore toutefois les systèmes de contrôle et de surveillance d'EuropeAid et de la DG ECHO qui ne se sont montrés, une nouvelle fois, que partiellement efficaces. Il invite la Commission à réserver des moyens suffisants pour permettre au personnel des délégations d'exercer ses activités de contrôle et de surveillance de manière satisfaisante. Il demande en outre à la Commission et au SEAE qu’ils accordent dans la conception des nouveaux programmes de dépenses prévus au titre du prochain cadre financier pluriannuel (CFP), une plus grande attention aux résultats et à la mesure des incidences, notamment en utilisant des indicateurs prédéfinis, propres à chaque pays et chaque instrument.

Parallèlement, des informations sont réclamées sur le niveau d’aide octroyé à la Lybie et sur la mise en œuvre des actions menées en Haïti.

Recherche et autres politiques internes : le Parlement s’inquiète du fait que les programmes-cadres de recherche soient mis en œuvre dans le cadre d'une gestion centralisée directe ou centralisée indirecte impliquant 6 DG de la Commission et deux agences exécutives et que certaines parties du budget soient exécutées dans le cadre d'une gestion centralisée indirecte par des entreprises communes et la BEI. Il déplore ainsi l'opacité des procédures décisionnelles et de la délimitation des responsabilités qui résulte de la multiplicité des services de la Commission intervenant dans ce champ d'action. Des inquiétudes très spécifiques sur les montants octroyés dans le cadre des opérations de déclassement de la centrale nucléaire d'Ignalina (Lituanie) sont également évoquées en raison de litiges entre les autorités et les contractants.

D’une manière générale, le Parlement recommande que la Commission améliore la collaboration entre toutes les directions générales et les autres organes concernés, et rende plus transparentes la division du travail et les procédures décisionnelles.

Dépenses administratives et autres : en matière administrative, le Parlement demande à la Commission de ne plus rembourser les frais de déplacement des conseillers des commissaires dont le travail ne produit pas de résultats tangibles avant qu'une valeur ajoutée ait été démontrée. Il lui demande également d'étudier les différences quant aux qualifications requises et aux privilèges accordés, aux conditions de travail, aux indemnités, aux congés octroyés ainsi qu'aux niveaux de rémunération caractérisant les postes de fonctionnaires au sein de la fonction publique de l'Union européenne et dans les services diplomatiques des États membres sur le même lieu de travail.

OLAF : dans une série d’amendements adoptés en Plénière, le Parlement indique qu’il a été informé par le comité de surveillance de l'OLAF des violations des droits fondamentaux commises au cours des enquêtes de l'OLAF. Le Parlement se dit très préoccupé par les informations reçues à ce sujet et appelle à une transparence totale concernant ces incidents, indépendamment de l'identité de la ou des personnes concernées. Il prend note des nombreuses tentatives visant à dissimuler la clarification des allégations faites au sujet des méthodes d'enquête de l'OLAF et demande que l’on clarifie pleinement ces allégations.

Conclusions: en guise de conclusion, le Parlement demande à la Commission de définir dans ses grandes lignes, en temps utile pour la procédure de décharge relative à 2012, un nouveau système d'information sur la gestion et les résultats des contrôles, compte tenu des recommandations que le Parlement européen formule dans la présente résolution.