Décharge 2011: 8e, 9e et 10e Fonds européens de développement (FED)
Le Parlement européen a adopté une décision octroyant la décharge à la Commission sur l'exécution du budget des 8ème, 9ème et 10ème Fonds européens de développement (FED) pour l'exercice 2011.
Dans la foulée, le Parlement approuve la clôture des comptes concernant l'exécution de ces FED pour 2011 et approuve une résolution dans laquelle il fait un certain nombre d'observations dont il faut tenir compte au moment de l'octroi de la décharge.
Le Parlement rappelle tout dabord que les engagements globaux, les engagements individuels et les paiements au titre des FED ont atteint respectivement 3,279 milliards EUR, 2,786 milliards EUR et 2,941 milliards EUR pour l'exercice budgétaire 2011.
Déclaration d'assurance : il se réjouit de la déclaration globalement positive de la Cour des comptes sur les comptes annuels définitifs des FED même sil existe encore une fréquence élevée d'erreurs d'encodage des données utilisées pour l'établissement des comptes et quun taux significatif derreurs marque encore les paiements (le taux d'erreur le plus probable estimé s'élevant à 5,1%, en hausse sensible par rapport à 2010, où il s'établissait à 3,4%). En outre, bon nombre de ces erreurs n'ont été détectées ni par des audits externes, ni par les contrôles effectués par la Commission, fait révélateur de faiblesses dans les systèmes de contrôle et de surveillance dEuropeAid. Des mesures sont donc réclamées pour étudier les causes de ces erreurs notamment en réalisant une analyse comparative des erreurs relevées par la Cour des comptes en 2010 et en 2011 et pour rendre compte au Parlement européen.
Ne partageant pas l'optimisme de la Commission, qui estime que la gestion du budget est «en constante amélioration», le Parlement invite celle-ci à instaurer un système de "feux de signalisation" dans le rapport annuel sur le FED, afin de mesurer les progrès ou les dégradations d'une année sur l'autre.
Efficacité des systèmes : le Parlement estime que les systèmes de contrôle et de surveillance ne sont que partiellement efficaces. Il constate que, en raison de retards affectant la passation de marchés concernant des programmes d'infrastructure de grande envergure et de la retenue de paiements au titre de l'appui budgétaire, les engagements individuels et les paiements ont été respectivement inférieurs à 13% et à 16% en 2011 par rapport aux prévisions. Il exprime donc une nouvelle fois son inquiétude face à la faiblesse du taux d'engagement de l'enveloppe régionale du 10ème FED (31%), alors qu'il ne reste que 2 ans avant la fin de la période de programmation.
Le Parlement sinquiète par ailleurs de la politique des ressources humaines et du taux de rotation élevée du personnel d'EuropeAid ainsi que du niveau de contrôle relativement bas des ordonnateurs nationaux des pays bénéficiaires des FED.
Il appelle dès lors la Commission à :
- améliorer encore la gestion des procédures de passation de marchés afin de réduire le nombre d'erreurs ;
- établir une liste noire des prestataires extérieurs de services qui ne remplissent pas les critères prescrits, y compris une série de critères contraignants ;
- établir un suivi et une surveillance renforcés dans les délégations car le problème de manque de ressources humaines devient récurrent ;
- réexaminer la politique en matière de dénonciation des dysfonctionnements ;
- renforcer toute la politique daudit.
Dans un amendement adopté en Plénière, le Parlement prend acte que la Commission assure qu'elle ne détient ni ne gère aucun compte bancaire hors budget dans le sens où les crédits seraient utilisés pour financer des actions non autorisées par l'autorité budgétaire.
Sorties de capitaux illicites : le Parlement constate que l'un des défis les plus importants auxquels les pays en développement sont confrontés est celui que posent les sorties massives de capitaux illicites. Ainsi, les centres financiers extraterritoriaux (offshore) et les paradis fiscaux facilitent la fuite illégale de capitaux à hauteur de 1.000 milliards USD par an, soit des montants dix fois supérieurs aux montants des aides fournies pour l'éradication de la pauvreté et le développement économique des pays en développement.
Rappelant ses principales recommandations formulées dans sa résolution du 8 mars 2011 intitulée "Fiscalité et développement - Coopérer avec les pays en développement afin dencourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal", le Parlement précise que la composante la plus importante des flux financiers transfrontaliers illicites est constituée de l'évasion fiscale commerciale. Il demande dès lors à la Commission didentifier les domaines à améliorer tant dans la législation de l'Union que dans la coopération administrative entre les États membres dans ce domaine. Il salue linitiative de la Commission pour renforcer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales mais estime qu'une définition commune et une liste noire des paradis fiscaux ainsi qu'une transparence accrue des entreprises, y compris l'introduction du "bénéficiaire effectif" dans les immatriculations de sociétés, sont des étapes importantes pour endiguer les flux de capitaux illicites.
Des mesures sont également réclamées pour renforcer lefficacité du travail des autorités douanières des pays en développement mais aussi celles des États membres.
Coordination de l'aide au développement : le Parlement souligne le caractère toujours fragmenté de l'aide de l'Union, qui comprend les instruments de l'Union mais aussi des programmes bilatéraux des États membres et des interventions de la BEI. Il fait observer que cette situation contribue aux faiblesses de la programmation de l'aide dans les situations de crise et de fragilité. Il invite dès lors la Commission à coordonner les différents instruments d'aide dans l'Union. Il déplore au passage que seuls quatre pays la Suède, le Luxembourg, le Danemark et les Pays-Bas aient dépassé les objectifs de l'Union en matière d'aide internationale au développement en 2012, alors qu'ils se sont tous engagés à contribuer à une aide au développement de 0,7% de leur produit intérieur brut (PIB). Pour le Parlement, l'Union a surtout besoin de renforcer la cohérence des instruments en place afin que d'autres considérations, telles que celles de la politique commerciale et de la politique étrangère et de sécurité, ne transcendent pas les priorités de l'Union en matière de développement. La Plénière souligne dune manière générale que le développement socio-économique à long terme suppose des sources de revenus durables autres que l'aide. Ainsi, des relations commerciales saines et harmonieuses, dans le respect des principes de l'OMC, sont un point crucial pour les pays en développement. Le Parlement invite dès lors le Conseil, la Commission et les pays ACP à trouver des solutions aux problèmes concernant les accords de partenariat économique et de libre-échange entre l'Union et la région ACP.
Le Parlement souligne également la nécessité de mettre davantage l'accent sur la viabilité, l'efficience et l'efficacité de laide surtout en Afrique subsaharienne.
Le Parlement fait en particulier une série de considérations générales sur limportance de laide à léducation et le développement socio-économique à long terme des pays ACP.
Appui budgétaire : il rappelle qu'en 2011, un montant de 207 millions EUR a été engagé au titre de l'appui budgétaire, ce qui représente 6,3% du montant global de l'ensemble des engagements. Il constate également que 23% des paiements relatifs à l'appui budgétaire étaient affectés par des erreurs non quantifiables qui tiennent au fait qu'il n'a pas été démontré de manière structurée que les critères d'éligibilité étaient respectés. La Commission est donc à nouveau appelée à assurer un contrôle rigoureux des pays bénéficiaires aussi bien avant qu'après la décision d'octroyer l'appui budgétaire, afin de garantir que l'argent du contribuable européen n'est pas détourné pour financer le terrorisme ou la corruption. Tout en reconnaissant les avantages de l'appui budgétaire, le Parlement en souligne les risques, vu sa fongibilité. Ces risques sont particulièrement alarmants dans le contexte des sorties massives de capitaux illicites des pays en développement. Le Parlement invite dès lors la Commission à tenir compte des rapports existants sur les niveaux de corruption et de fraude avant de prendre une décision sur l'octroi d'un appui budgétaire. Il appelle à la création d'un organisme d'audit national indépendant comme condition pour l'octroi de l'appui budgétaire. Il réclame également à la Commission des rapports réguliers sur la réalisation des objectifs fixés en ce qui concerne l'appui budgétaire de l'Union et sur les problèmes spécifiques rencontrés dans tel ou tel pays bénéficiaire. La Commission devrait également faire en sorte que l'appui budgétaire soit réduit ou annulé lorsque certains objectifs clairs ne sont pas atteints.
Coopération avec les organisations internationales : le Parlement sinquiète des erreurs constatées dans les conventions de subvention et dans les accords de contribution conclus avec des organisations internationales (58% des opérations contrôlées ayant été affectés par des erreurs). Des garanties sont donc nécessaires pour assurer le contrôle et le suivi des fonds de l'Union dans le cadre de la gestion conjointe. Il fait en outre une série dautres recommandations sur la gestion de laide transitant par le Groupe de la Banque mondiale afin den renforcer lefficacité.
Le Parlement se prononce par ailleurs sur la nécessité denglober la «Facilité d'investissement» dans la déclaration d'assurance de la Cour des comptes ou la procédure de décharge du Parlement afin que les projets transitant par cet instrument puissent être contrôlés. Il prie en outre la Commission de rendre publics les indicateurs de performance relatifs à l'appui budgétaire en faveur d'Haïti et déplore à nouveau le manque de viabilité de certains projets mis en uvre. Dans la foulée, la Plénière appelle la Commission à fournir une évaluation de la viabilité des projets financés par l'Union en Haïti sur 5 ans et à faire rapport chaque année aux autorités de décharge.
Enfin, le Parlement réitère sa demande maintes fois répétée dune budgétisation du FED et cela dès 2020, comme sy est engagée la Commission. Si la budgétisation devait être envisagée pour le CFP 2014-2020, celle-ci devrait impérativement s'accompagner du virement de la totalité de la dotation financière du FED proposée par la Commission (d'un montant de 30,3 milliards EUR en prix 2011) dans la rubrique 4 relative à «l'Europe dans le monde» et en aucun cas, servir de prétexte à une réduction des plafonds globaux de dépenses de l'action extérieure de l'Union en général.