Généricide: les femmes manquantes?

2012/2273(INI)

La commission des droits de la femme et de l'égalité des genres a adopté le rapport d’initiative d’Antigoni PAPADOPOULOU (S&D, CY) intitulé «le généricide : les femmes manquantes ?».

Les députés définissent le «généricide» comme un terme neutre désignant le massacre de masse systématique, délibéré et sélectif de personnes appartenant à un sexe donné. La pratique du généricide est souvent très profondément ancrée dans les cultures où la préférence pour les garçons est patente et où sévissent inégalités des genres, discriminations et stéréotypes à l'encontre des filles.

Dans ce contexte, les députés soulignent que le généricide demeure un crime et une grave violation des droits de l'homme qui exige que des moyens adéquats soient mis en place afin de l’éradiquer. Ils insistent sur l'obligation de tous les États et gouvernements de promouvoir et de protéger les droits de l'homme et d'empêcher les discriminations, ce qui constitue le socle fondamental pour toute action visant à éliminer tous les types de violences faites aux femmes.

Ils invitent également les gouvernements à prendre toutes les mesures nécessaires pour :

  • contribuer à changer des mentalités à l'égard des femmes, pour ainsi combattre les croyances et les comportements néfastes qui perpétuent la violence à l'égard des femmes ;
  • caractériser spécifiquement le féminicide ou le généricide comme étant un crime.

Les députés font également appel à la Commission pour promouvoir une recherche et un examen scientifiques approfondis concernant les causes principales des pratiques de sélection selon le sexe, afin d'encourager la recherche dans ce domaine.

Pour une législation anti-discrimination : les députés appellent à l’élaboration d'une législation contre la sélection selon le sexe, laquelle devrait prévoir des mesures de protection sociale pour les femmes, un meilleur suivi de l'application de la législation existante et une orientation plus marquée vers les causes culturelles et socioéconomiques du phénomène.

D’une manière générale, les députés invitent également :

  • les gouvernements à veiller à ce que les femmes gagnent en autonomie sur les plans économique, politique et de l'éducation ;
  • la Commission à soutenir et à encourager tous types d'initiatives destinées à accroître la sensibilisation concernant la discrimination fondée sur le genre, y compris le généricide, ainsi qu'à trouver des moyens appropriés permettant de le combattre, via des politiques et des financements appropriés au titre de ses relations extérieures.

Lutter contre la surmasculinité de la société : les députés soulignent que, d'après plusieurs études, le déséquilibre entre les hommes et les femmes risque de conduire à une recrudescence de la traite des êtres humains à des fins de mariage et d'exploitation sexuelle ainsi qu’à d’autres dérives menaçant toute la stabilité et la sécurité de la société. Des mesures s’imposent dès lors pour lutter contre cette surmasculinité de la société, notamment en s’assurant de la mise en œuvre efficace de la législation en matière d'égalité des genres et de non-discrimination, en particulier dans les pays à faibles et moyens revenus et dans les pays en transition.

Entre autres mesures, les députés insistent sur :

  • l’application de sanctions appropriées aux personnes qui ne respectent pas la loi ;
  • l'élaboration de lignes directrices strictes en ce qui concerne l'autorégulation des hôpitaux, afin d'empêcher l'exercice de la sélection selon le sexe à des fins lucratives ;
  • l'amélioration des niveaux d'instruction, des possibilités d'emploi et des services de santé intégrés, dont les services de soins spécialisés dans la sexualité et la reproduction s'adressant à la population féminine ;
  • lutte contre toutes les formes de stéréotypes.

Les députés appellent également la Commission et les États membres à dresser une liste des cliniques qui pratiquent l'avortement sélectif en Europe, de fournir des statistiques en la matière et d'élaborer un recueil des meilleures pratiques pour empêcher ces avortements.

Renforcer l’éducation dans les pays tiers : les députés insistent pour que la Commission et les organisations internationales encouragent les programmes éducatifs qui permettent aux femmes de s'émanciper. Ils invitent la Commission, le SEAE et les gouvernements des États tiers à élaborer des campagnes d'information qui promeuvent le principe d'égalité entre les hommes et les femmes et qui veillent à sensibiliser les populations au respect mutuel des droits fondamentaux de chacune des personnes du couple, surtout en matière de droit de propriété, d'emploi et de soins de santé.

Les gouvernements des pays partenaires et la Commission sont également appelés à :

  • réduire les coûts des traitements médicaux prodigués aux enfants, notamment aux filles, qui meurent parfois après avoir reçu des soins inadaptés ou insuffisants ;
  • améliorer l'accès des femmes aux soins de santé, notamment prénatale et maternelle, à l'éducation, à l'agriculture, au crédit et aux micro-prêts, … et à la propriété ;
  • réduire la charge économique qui pèse sur les familles, ce qui permettrait de réduire leur dépendance et leur préférence vis-à-vis des enfants mâles ;
  • lutter contre les pratiques de sélection selon le sexe qui perdurent même dans des régions prospères dont les populations sont alphabétisées ;
  • favoriser la compréhension du fait que les filles ont la même valeur que les garçons, en utilisant à cette fin tous les médias et les réseaux sociaux disponibles ;
  • mettre l'accent sur l'autonomisation des femmes dans l'ensemble des partenariats et dialogues de l’UE avec les pays en développement ;
  • améliorer le suivi et la collecte de données concernant les rapports de masculinité ;
  • prendre toutes mesures législatives qui s'imposent pour veiller à ce que les avortements forcés et les actes chirurgicaux sélectifs visant à interrompre une grossesse sans avoir préalablement obtenu le consentement éclairé des femmes concernées ni s'être assuré qu'elles avaient compris la procédure, soient passibles de sanctions pénales ;
  • veiller à ce que la législation concernant la sélection selon le sexe soit effectivement respectée et adopter les sanctions qui s'imposent contre les contrevenants;
  • intensifier la coopération de la Commission avec d'autres organisations et organismes internationaux afin de lutter contre les pratiques de sélection selon le sexe.

Les députés invitent en outre la Commission et le SEAE à faire du généricide, lors des négociations concernant l'aide humanitaire, un des problèmes que les pays tiers concernés doivent résoudre en priorité en leur demandant de s'engager à éradiquer cette pratique sans plus attendre. Enfin, l'UE est appelée à se concentrer sur l'autonomisation des femmes dans l'agenda de la politique de développement de l'Union après 2015.

Á noter que le présent rapport a fait l’objet d’une opinion minoritaire dans laquelle le «généricide» est défini comme une pratique d'avortement sélectif, basée sur le sexe du fœtus. L’opinion minoritaire appelle tant la Commission que le SEAE à respecter les réserves visant l'avortement et les droits à la santé sexuelle et génésique exprimées par certains États, conventions et programmes internationaux.