Protection internationale: critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande introduite par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. Refonte

2008/0243(COD)

OBJECTIF : refondre le règlement dit de «Dublin» sur la détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride.

ACTE LÉGISLATIF : Règlement (UE) N° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte).

CONTENU : le Parlement européen et le Conseil ont adopté un règlement tendant à refondre le règlement dit de «Dublin II» de 2001 en vue d'établir les critères et les mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers et poursuivre la mise en place d’une procédure d’asile commune dans l’Union.

Il s’insère dans le cadre de la révision des textes liés à l’asile et de la mise en place d’un régime d’asile européen commun.

Les principaux points abordés par cette révision peuvent se résumer comme suit :

Objectif : la refonte du règlement vise principalement à renforcer l’efficacité du fonctionnement du règlement antérieur et garantir des normes de protection plus élevées en faveur des demandeurs relevant de la procédure de détermination de la responsabilité d’une demande d’asile.

Champ d’application : le règlement s’applique aux demandeurs d’une protection internationale ainsi qu’aux demandeurs de protection subsidiaire.

Principes et garanties procédurales octroyées aux demandeurs :

- droit à l'information : le règlement révisé prévoit que le demandeur puisse avoir le droit de recevoir par écrit (ou oralement, le cas échéant) et dans une langue qu'il comprend, des informations détaillées sur le contenu du règlement de Dublin dès qu'il présente sa demande. Une brochure commune (ainsi qu'une brochure pour les mineurs non accompagnés) devra être prévue à cet effet, élaborée par la Commission conformément à la procédure d’exécution ;

- entretien individuel : le règlement prévoit l'obligation d'organiser un entretien individuel avec le demandeur en temps utile et de manière appropriée afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable (y compris au moyen d’un interprète si nécessaire). Un État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes avant qu'une décision de transfert du demandeur soit prise ;

- garanties en faveur des mineurs : l'intérêt supérieur de l'enfant devra guider l’ensemble des dispositions pertinentes du règlement. Les États membres sont ainsi tenus de veiller à une représentation appropriée du mineur et de prendre dès que possible les mesures nécessaires pour identifier les membres de la famille, ou les proches du mineur non accompagné sur le territoire d'un autre État membre. Ces derniers peuvent recourir à l’action d’organisations internationales pertinentes. Le personnel en charge des mineurs devra être dûment formé.

Critères de détermination de l’État responsable : la hiérarchie des critères de base pour la détermination de l’État responsable reste la même. Toutefois, le nouveau règlement prévoit les nouvelles normes suivantes :

- mineurs non accompagnés et définition des proches : le règlement révisé prévoit le cadre juridique qui régit le regroupement du mineur non accompagné (le cas des mineurs mariés dont le conjoint ne se trouve pas légalement sur le territoire d'un État membre est également prévu) et des membres de sa famille, de ses frères et sœurs ou de ses proches, ainsi que les conditions applicables à chaque disposition, en vue de rendre l'État membre où le regroupement aura lieu, responsable de l'examen de la demande. La condition déterminante à vérifier dans tous les cas est que tout regroupement soit dans l'intérêt supérieur du mineur.

L'exigence concernant l'intérêt supérieur du mineur s'applique aussi en l'absence de toute relation familiale, auquel cas l'État membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné a présenté sa demande. La Commission sera habilitée à adopter des actes délégués dans ce contexte. Par ailleurs, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont inséré une déclaration annexée au règlement invitant la Commission à envisager une éventuelle révision de cette disposition.

Le règlement entend également lutter contre les abus dans le cadre des procédures d'asile. Dans ce contexte, la définition du terme "proche" couvrira maintenant spécifiquement la tante ou l'oncle adulte ou un des grands-parents du demandeur présents sur le territoire d'un État membre, pour le regroupement.

- révision de la définition du mineur non accompagné : le règlement révisé prévoit que le mineur non accompagné puisse être marié ou non.

Personnes à charge et clauses discrétionnaires :

- personnes à charge : le règlement fixe le cadre de la prise en charge de demandeurs qui, en raison de certaines causes de vulnérabilité, sont dépendants. Ainsi et afin de garantir le plein respect du principe de l’unité de la famille et dans l’intérêt supérieur de l’enfant, l’existence d’un lien de dépendance entre un demandeur et son enfant, son frère ou sa sœur ou son père ou sa mère, du fait de la grossesse ou de la maternité, de l’état de santé ou du grand âge du demandeur, sera un critère obligatoire de responsabilité. De même, lorsque le demandeur est un mineur non accompagné, la présence sur le territoire d’un autre État membre d’un membre de sa famille ou d’un autre proche pouvant s’occuper de lui, devra également constituer un critère obligatoire de responsabilité.

- clauses discrétionnaires : en vertu de l’ancien règlement, un État membre peut toujours décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères normalement applicables (clause discrétionnaire). Le champ d'application de cette disposition a toutefois été revu, de sorte que la référence aux "motifs humanitaires" soit mieux délimitée de sorte que l’on puisse rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels.

Obligations de l'État membre responsable : dans le cadre du chapitre qui régit les obligations de l'État membre responsable, le règlement prévoit des exigences renforcées au niveau légal et procédural destinées à préserver tous les droits des demandeurs et à rendre la coopération entre les États membres concernés plus efficace dans la pratique.

Sont notamment concernées :

  • les règles de prise et de reprise en charge des demandeurs ;
  • les garanties procédurales de base ;
  • les voies de recours.

Transfert vers un autre État membre et voies de recours : comme dans l’ancien règlement, lorsqu’un demandeur est transféré vers un autre État membre conformément au principe de Dublin, il en informe la personne concernée et lui précise l’État membre qui sera responsable de l’examen de sa demande de protection internationale. Des voies de recours ont toutefois été introduites en mettant notamment l'accent sur le droit de la personne concernée à un recours effectif contre la décision de transfert vers un autre État membre devant une juridiction ou un tribunal. L'État membre devra prévoir un délai raisonnable durant lequel le recours pourra être exercé pour être effectif.

Le règlement révisé délimite aussi le cadre dans lequel la personne concernée aura accès à une assistance juridique, à titre gratuit le cas échéant, afin d'exercer effectivement son droit à un recours effectif pour éviter un transfert. Les États membres peuvent cependant prévoir que l’assistance juridique et la représentation gratuites ne soient pas accordées lorsque l’autorité compétente estime que le recours ou la demande de révision n’a aucune chance sérieuse d’aboutir.

En tant que corollaire de ces dispositions, une disposition nouvelle a été ajoutée afin de régir la détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande lorsque le transfert de la personne concernée est impossible en raison de risques réels de violation des droits fondamentaux pour cette personne dans un État membre. Dans ce cas, l'État membre procédant à la détermination devient l'État membre responsable.

Placement en rétention: le règlement prévoit un cadre complet dans lequel les conditions selon lesquelles une personne concernée peut être placée en rétention peuvent s’appliquer sur la base des "motifs de Dublin". Les États membres peuvent ainsi placer en rétention les personnes concernées en vue de garantir les procédures de transfert lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite pour ces personnes, chaque cas devant être évalué individuellement avant le placement en rétention. Le règlement prévoit aussi des délais pour la période de rétention de sorte que celle-ci soit d'une durée aussi brève que possible. Le placement en rétention devra être proportionnel et ne s’appliquer que si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement mises en œuvre.

Mécanisme d'alerte rapide, de préparation et de gestion des crises : le règlement révisé prévoit la mise en place d’un mécanisme destiné à traiter de manière efficace et en temps utile des situations dans lesquelles l'application du règlement de Dublin peut être compromise (avec des effets directs pour les demandeurs qui se trouvent dans l'État membre concerné) en raison d'une pression particulière exercée sur le régime d'asile d'un État membre ou de problèmes de fonctionnement du régime d'asile d'un État membre. Il vise à assurer une coopération effective et à renforcer la confiance mutuelle et la solidarité entre les États membres, en prévenant ou en gérant une crise du régime d'asile d'un ou de plusieurs États membres. L’État membre qui se trouve dans une situation de pression particulière est alors appelé à élaborer un plan d’action préventif et de réaction à une pression particulière, en prévoyant par exemple un mécanisme spécifique de gestion de crise.

Tout au long du processus d’alerte rapide, de préparation et de gestion de crise, le Conseil devra surveiller la situation de près en fonction de la gravité de la situation. Le Parlement européen et le Conseil pourront apporter des orientations sur les mesures de solidarité qu’ils jugent appropriées dans ce cas de figure.

Toutes les parties concernées (l’État membre qui subit une pression particulière, le Bureau européen d’asile, le Conseil et le Parlement européen) devront être dûment informés et, là où cela s’avère nécessaire et approprié, être dûment associés à la décision.

Rapport : au plus tard le 21 juillet 2016, la Commission devra faire rapport au Parlement européen et au Conseil sur l’application du règlement et proposer, le cas échéant, les modifications nécessaires.

Dispositions territoriales : le Danemark ne participe pas au présent règlement ni à son application, conformément aux dispositions pertinentes des traités. En ce qui concerne la France, les dispositions du règlement ne s’appliqueront qu’à son territoire européen.

ACTES DÉLÉGUÉS : le pouvoir d’adopter des actes délégués est conféré à la Commission pour :

  • l’identification des membres de la famille, des frères ou sœurs ou des proches d’un mineur non accompagné;
  • les critères permettant d’établir l’existence de liens familiaux avérés;
  • les critères permettant d’évaluer la capacité d’un proche à s’occuper d’un mineur non accompagné, y compris lorsque les membres de la famille, les frères ou sœurs ou des proches du mineur non accompagné résident dans plusieurs États membres;
  • les éléments permettant d’évaluer un lien de dépendance et les critères permettant d’évaluer la capacité d’une personne à s’occuper d’une personne à charge ou encore les éléments à prendre en compte afin d’évaluer l’incapacité à se déplacer pendant un temps assez long.

Lorsqu’elle exerce son pouvoir d’adopter des actes délégués, la Commission ne va pas au-delà de la portée de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le pouvoir d’adopter des actes délégués est conféré à la Commission pour une période de 5 ans à compter de la date d’entrée en vigueur du règlement.

Un acte délégué n’entre en vigueur que si le Parlement européen ou le Conseil n’a pas exprimé d’objections dans un délai de 4 mois à compter de la notification de cet acte au Parlement européen et au Conseil ou si, avant l’expiration de ce délai, le Parlement européen et le Conseil ont tous deux informé la Commission de leur intention de ne pas exprimer d’objections.

ENTRÉE EN VIGUEUR : le règlement entre en vigueur le 19 juillet 2013.

APPLICATION : le règlement s’applique aux demandes de protection internationale introduites à partir du 1er jour du 6ème mois suivant son entrée en vigueur et s’appliquera, à compter de cette date.

Le règlement (CE) n° 343/2003 est abrogé, moyennant application de mesures transitoires dans certains cas.