Corruption dans les secteurs public et privé: conséquences sur les droits de l'homme dans les pays tiers

2013/2074(INI)

Le Parlement européen a adopté une résolution sur la corruption dans les secteurs public et privé: incidences sur les droits de l'homme dans les pays tiers.

Le Parlement rappelle que, selon la Banque mondiale, la corruption représente 5% du PIB mondial (2,6 milliards USD) dont plus d'un milliard USD est versé chaque année en pots-de-vin. Celle-ci majore par ailleurs de 10% le coût total de l'activité des entreprises dans le monde et de 25% celui des marchés publics dans les pays en développement.

Il précise en outre que chaque année, 20 à 40 milliards USD, soit entre 20 et 40% de l'aide publique au développement, sont détournés des budgets publics dans les pays en développement. Le Parlement déplore par ailleurs qu'entre 2000 et 2009, les pays en développement ont perdu 8,44 milliards USD en raison de flux financiers illicites, soit un montant dix fois supérieur à l'aide étrangère reçue durant cette période. Il souligne qui plus est que l'argent détourné chaque année par des organisations pratiquant la corruption suffirait à couvrir 80 fois le montant nécessaire pour nourrir les populations souffrant de la faim dans le monde.

Face à ce constat, le Parlement estime que l'UE doit devenir un acteur crédible et influent de la lutte contre la corruption en répondant de manière appropriée aux problèmes de la criminalité organisée, de la corruption et du blanchiment de capitaux.

S’il salue les diverses initiatives prises jusqu’ici au niveau européen dont la renégociation de la directive sur la fiscalité de l'épargne destinée à mettre effectivement fin au secret bancaire, le Parlement estime que ces actions manquent d’ambition et que l'Union devrait suivre l'exemple des États-Unis, qui ont adopté la loi Sergueï Magnitski en 2012, et adopter à leur tour une loi établissant une liste européenne commune des fonctionnaires impliqués dans la mort de Sergueï Magnitski. Cette décision du Conseil devrait en outre imposer des sanctions ciblées aux fonctionnaires en question, comme une interdiction de visa à l'échelle européenne et le gel de tous leurs avoirs financiers éventuels et de ceux de leurs proches immédiats à l'intérieur de l'UE.

Il appelle également la Commission à élaborer un plan d'action en vue de créer un mécanisme recensant, d'une part, les fonctionnaires de pays tiers (notamment des policiers, procureurs et juges) impliqués dans des violations graves des droits de l'homme et dans des "manipulations" judiciaires contre les dénonciateurs d'abus et d'autre part, des sanctions ciblées similaires à leur encontre.

Responsabilisation et transparence de l’aide extérieure et des budgets publics : le Parlement soutient l'engagement de l'Union à incorporer dans ses politiques de développement le concept de l'appropriation démocratique, à savoir la participation pleine et effective des citoyens à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des stratégies de développement des donateurs et des gouvernements partenaires. Cette politique favorise la participation des bénéficiaires de programmes et contribue dès lors à un contrôle et à une responsabilisation accrus dans la lutte contre la corruption.

Afin de garantir que les mécanismes de financement mixte améliorent l'efficacité du financement du développement, le Parlement appelle à un renforcement des mécanismes de gouvernance. La Commission est donc appelée à imposer l'intégrité la plus stricte dans les procédures de passation de marchés concernant l'exécution de projets financés. Cette approche serait salutaire pour tous, dont les associations de propriétaires terriens ainsi que les groupes défavorisés.

Plus loin, il appelle l'Union à créer un système mondial destiné au suivi des promesses d'aide, afin que les pays donateurs tiennent leurs engagements en la matière et assument la responsabilité des projets, institutions ou groupes qu'ils soutiennent. Des mesures pour faire connaître les mécanismes d'alerte de l'OLAF sur l'abus de fonds de l'Union seraient également bienvenus.

Plusieurs autres mesures sont proposées comme :

  • des mesures de transparence accrue sur la destination des fonds ;
  • le renforcement des mesures de contrôle ;
  • l’inclusion des militants anticorruption, des journalistes d'investigation et des dénonciateurs d'abus dans la définition des défenseurs des droits de l’homme ;
  • des initiatives émanant de grandes institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale) pour évaluer les risques de corruption et renforcer la transparence (citant notamment l’initiative «Publiez ce que vous payez»).

Corruption et politiques de développement : constatant que les populations les plus pauvres des pays en développement subissaient de manière disproportionnée les effets de la petite corruption, le Parlement appelle à la cohérence des politiques de développement en insistant sur l’accroissement de l'aide que l'Union apporte dans les domaines de la gouvernance fiscale et des actions de lutte contre la fraude fiscale, dans le cadre de ses 'instrument de financement de coopération.

Il estime que la lutte contre la corruption, y compris contre les paradis fiscaux, l'évasion fiscale et les fuites illicites de capitaux, s'inscrit dans le cadre d'efforts plus larges visant à promouvoir la bonne gouvernance, laquelle est une des priorités clés de la politique de développement de l'Union.

Améliorer la compétence des États membres : le Parlement demande également aux États membres de modifier leur droit pénal afin d'établir leur compétence sur les personnes de toute nationalité se trouvant sur leur territoire, qui ont commis des actes de corruption ou de détournement de fonds publics, indépendamment du lieu où le crime a été commis. Il appelle en outre les États membres à adopter des mesures législatives afin de qualifier d'infraction pénale l'enrichissement illicite intentionnel, c'est-à-dire l'augmentation substantielle des biens d'un agent public ou de toute autre personne que celui-ci ne peut justifier au regard de ses revenus.

Renforcement des capacités des institutions anticorruption : le Parlement invite l'UE et les États membres à entreprendre l'élaboration de normes internationales sur l'indépendance et l'efficacité des autorités anticorruption, dans l'optique d'une adoption définitive par l'Assemblée générale des Nations Unies. Il prie l'Union européenne et ses États membres à encourager et soutenir la création d'une commission internationale de lutte contre la corruption établie par un traité international ou par un protocole annexe à la CNUCC, afin de mettre en place un organisme international d'enquêteurs criminels dotés de pouvoirs équivalents à ceux des autorités de répression et de poursuite pénale nationales. Il invite également à la création d'un poste de rapporteur spécial des Nations Unies sur la criminalité financière, la corruption et les droits de l'homme.

Responsabilité des entreprises : le Parlement demande à toutes les entreprises de l'Union d'assumer leur responsabilité d'entreprise et de respecter les droits de l'homme conformément aux principes directeurs des Nations Unies. Il appelle à l'élaboration de normes plus efficaces en matière de transparence et de responsabilisation pour les entreprises européennes dans le domaine des technologies susceptibles d'être utilisées pour violer les droits de l'homme.

Il prie également la Commission de proposer une législation exigeant que les entreprises de l'Union veillent à ce que leurs achats ne profitent pas aux auteurs d'actes de corruption et de violations graves des droits de l'homme ainsi qu'aux acteurs de conflits. Des sanctions pénales sont également réclamées à l’encontre des entreprises situées sur leur territoire qui sont impliquées dans des actes de corruption dans les pays tiers. Une liste publique des entreprises qui ont été déclarées coupables devrait ainsi être publiée. Au passage, il se félicite des accords conclus entre le Parlement européen et le Conseil exigeant que les entreprises de l'industrie extractive et d'exploitation des forêts primaires déclarent les sommes versées aux gouvernements, par pays et par projet et appelle à un renforcement de cette pratique.

Opérations de maintien de la paix et de la stabilité : le Parlement constate que la corruption alimente souvent la criminalité et contribue aux conflits et à la fragilité des États. Il invite dès lors les Nations Unies à prendre des mesures pour faire en sorte que les victimes des forces de maintien de la paix aient un droit de recours et pour améliorer les mécanismes de dénonciation et la politique de protection des dénonciateurs d'abus.

Par ailleurs, le Parlement invite l'Union et ses États membres à soutenir :

  • la création d’un code de conduite international anti-corruption ;
  • la création d'un cadre international réglementant les activités des entreprises militaires et de sécurité privées, incluant des sanctions effectives.

Coopération et assistance internationales : le Parlement appelle les États membres à améliorer la mise en œuvre des dispositions des chapitres IV (Coopération internationale) et V (Recouvrement d'avoirs) de la CNUCC, en particulier pour renforcer l'efficacité de l'entraide judiciaire demandée par les pays tiers. Il encourage la Commission à proposer, dans le cadre de la prochaine révision de l'accord de Cotonou, le respect de la bonne gouvernance en tant qu'élément essentiel de l'accord et à étendre la portée de la définition de la corruption.

Saluant les initiatives prises dans le cadre du Printemps arabe (restitution des avoirs des dictateurs), le Parlement appelle l'Union et les États membres à apporter une aide juridique et technique aux pays en développement qui souhaitent récupérer les biens mal acquis (ou les avoirs accumulés illégitimement par les dictatures) détenus sur le territoire de l'UE.

Il encourage enfin l'Union à garantir une surveillance accrue des exportations de fabricants d'armes européens et à lutter contre l'opacité dans le secteur du commerce des armes, en particulier pour ce qui est du recours aux intermédiaires et des compensations économiques ou industrielles.