Généricide: les femmes manquantes?

2012/2273(INI)

Le Parlement européen a adopté 567 voix pour, 37 voix contre et 54 abstentions, une résolution sur le généricide : les femmes manquantes ?

Le Parlement définit le «généricide» comme un terme neutre désignant le massacre de masse systématique, délibéré et sélectif de personnes appartenant à un sexe donné. Pour le Parlement, il s'agit d'un problème croissant et pourtant sous-déclaré dans différents pays alors qu'il a des conséquences létales. La pratique du généricide est souvent très profondément ancrée dans les cultures où la préférence pour les garçons est patente et où sévissent inégalités des genres, discriminations et stéréotypes à l'encontre des filles.

Dans ce contexte, le Parlement souligne que le généricide demeure un crime et une grave violation des droits de l'homme qui exige que des moyens adéquats soient mis en place afin de l’éradiquer. Il insiste sur l'obligation de tous les États et gouvernements de promouvoir et de protéger les droits de l'homme et d'empêcher les discriminations, ce qui constitue le socle fondamental pour toute action visant à éliminer tous les types de violences faites aux femmes.

Il invite également les gouvernements à prendre toutes les mesures nécessaires pour :

  • contribuer à changer des mentalités à l'égard des femmes, pour ainsi combattre les croyances et les comportements néfastes qui perpétuent la violence à l'égard des femmes ;
  • caractériser spécifiquement le féminicide ou le généricide comme étant un crime et, ainsi, élaborer et appliquer des mesures législatives pour que les cas de féminicides soient l'objet d'une enquête, que les agresseurs soient traduits en justice et que les survivantes se voient garantir un accès facile aux services de santé et de soutien à long terme.

Le Parlement fait également appel à la Commission pour promouvoir une recherche et un examen scientifiques approfondis concernant les causes principales des pratiques de sélection selon le sexe, afin d'encourager la recherche dans ce domaine.

Pour une législation anti-discrimination : le Parlement appelle à l’élaboration d'une législation contre la sélection selon le sexe, laquelle devrait prévoir des mesures de protection sociale pour les femmes, un meilleur suivi de l'application de la législation existante et une orientation plus marquée vers les causes culturelles et socioéconomiques du phénomène.

Le Parlement invite la Commission à travailler de façon intensive afin de lutter contre le choix du sexe basé sur des préjugés liés au genre, non pas en imposant des restrictions à l'accès aux services et aux techniques en matière de santé reproductive mais à introduire et à renforcer les lignes directrices, à offrir une formation spécialisée au personnel médical en matière de conseils et de prévention concernant les pratiques de sélection selon le sexe - exception faite des rares cas justifiés par des maladies génétiques liées à l'un des deux sexes -, et à empêcher l'utilisation et la promotion de technologies à des fins de sélection selon le sexe ou dans un but lucratif.

Le Parlement souligne également que la législation visant à gérer ou limiter le choix du sexe doit protéger le droit des femmes à avoir accès, sans l'autorisation du conjoint, à des services et techniques de santé sexuelle et génésique légitimes.

D’une manière générale, le Parlement invite également :

  • les gouvernements à veiller à ce que les femmes gagnent en autonomie sur les plans économique, politique et de l'éducation ;
  • la Commission à soutenir et à encourager tous types d'initiatives destinées à accroître la sensibilisation concernant la discrimination fondée sur le genre, y compris le généricide, ainsi qu'à trouver des moyens appropriés permettant de le combattre, via des politiques et des financements appropriés au titre de ses relations extérieures.

Lutter contre la surmasculinité de la société : le Parlement souligne que, d'après plusieurs études, le déséquilibre entre les hommes et les femmes risque de conduire à une recrudescence de la traite des êtres humains à des fins de mariage et d'exploitation sexuelle ainsi qu’à d’autres dérives menaçant toute la stabilité et la sécurité de la société. Des mesures s’imposent dès lors pour lutter contre cette surmasculinité de la société, notamment en s’assurant de la mise en œuvre efficace de la législation en matière d'égalité des genres et de non-discrimination, en particulier dans les pays à faibles et moyens revenus et dans les pays en transition.

Entre autres mesures, le Parlement insiste sur :

  • l’application de sanctions appropriées aux personnes qui ne respectent pas la loi ;
  • l'élaboration de lignes directrices strictes en ce qui concerne l'autorégulation des hôpitaux, afin d'empêcher l'exercice de la sélection selon le sexe à des fins lucratives ;
  • l'amélioration des niveaux d'instruction, des possibilités d'emploi et des services de santé intégrés, dont les services de soins spécialisés dans la sexualité et la reproduction s'adressant à la population féminine ;
  • la lutte contre toutes les formes de stéréotypes.

Le Parlement appelle également la Commission et les États membres à dresser une liste des cliniques qui pratiquent l'avortement sélectif en Europe, à fournir des statistiques en la matière et à élaborer un recueil des meilleures pratiques pour empêcher ces avortements.

Renforcer l’éducation dans les pays tiers : le Parlement insiste pour que la Commission et les organisations internationales encouragent les programmes éducatifs qui permettent aux femmes de s'émanciper. Il invite la Commission, le SEAE et les gouvernements des États tiers à élaborer des campagnes d'information qui promeuvent le principe d'égalité entre les hommes et les femmes et qui veillent à sensibiliser les populations au respect mutuel des droits fondamentaux de chacune des personnes du couple, surtout en matière de droit de propriété, d'emploi et de soins de santé.

De même, il appelle au renforcement de l'accès des femmes à l'éducation, au travail et aux soins de santé, ainsi qu'un accès direct à la contraception et à un compte bancaire sans l'autorisation ou le consentement d'autrui.

Les gouvernements des pays partenaires et la Commission sont également appelés à :

  • réduire les coûts des traitements médicaux prodigués aux enfants, notamment aux filles, qui meurent parfois après avoir reçu des soins inadaptés ou insuffisants ;
  • améliorer l'accès des femmes aux soins de santé, notamment prénatale et maternelle, à l'éducation, à l'agriculture, au crédit et aux micro-prêts, … et à la propriété ;
  • réduire la charge économique qui pèse sur les familles, ce qui permettrait de réduire leur dépendance et leur préférence vis-à-vis des enfants mâles ;
  • lutter contre les pratiques de sélection selon le sexe qui perdurent même dans des régions prospères dont les populations sont alphabétisées ;
  • favoriser la compréhension du fait que les filles ont la même valeur que les garçons, en utilisant à cette fin tous les médias et les réseaux sociaux disponibles ;
  • mettre l'accent sur l'autonomisation des femmes dans l'ensemble des partenariats et dialogues de l’UE avec les pays en développement ;
  • améliorer le suivi et la collecte de données concernant les rapports de masculinité ;
  • prendre toutes mesures législatives qui s'imposent pour veiller à ce que les avortements forcés et les actes chirurgicaux sélectifs visant à interrompre une grossesse sans avoir préalablement obtenu le consentement éclairé des femmes concernées ni s'être assuré qu'elles avaient compris la procédure, soient passibles de sanctions pénales ;
  • veiller à ce que la législation concernant la sélection selon le sexe soit effectivement respectée et adopter les sanctions qui s'imposent contre les contrevenants;
  • intensifier la coopération de la Commission avec d'autres organisations et organismes internationaux afin de lutter contre les pratiques de sélection selon le sexe.

Le Parlement invite en outre la Commission et le SEAE à faire du généricide, lors des négociations concernant l'aide humanitaire, un des problèmes que les pays tiers concernés doivent résoudre en priorité en leur demandant de s'engager à éradiquer cette pratique sans plus attendre. L'UE est également appelée à se concentrer sur l'autonomisation des femmes dans l'agenda de la politique de développement de l'Union après 2015.

Dans un amendement adopté en Plénière, les députés ont enfin affirmé à très courte majorité que, lors de l'application des clauses spécifiques relatives à l'interdiction de la coercition ou de la contrainte en matière de santé sexuelle et reproductive, adoptées notamment lors de la Conférence internationale du Caire sur la population et le développement, et d’autres instruments internationaux contraignants relatifs aux droits de l'homme, ou l'acquis communautaire de l'Union, la Commission ne devrait apporter son assistance à aucune autorité, aucune organisation ou aucun programme qui incite, contribue ou participe à la gestion de toute action impliquant ce type de violations des droits de l'homme, telles que l'avortement forcé, la stérilisation forcée des femmes ou des hommes ou la détermination du sexe du fœtus entraînant le choix prénatal du sexe d'un enfant ou un infanticide.