Situation des droits de l'homme dans la région du Sahel
Le Parlement européen a adopté une résolution sur la situation des droits de l'homme dans la région du Sahel.
Le Parlement rappelle que le Sahel est l'une des régions les plus pauvres du monde, qui est confrontée à de graves problèmes de droits de l'homme, d'état de droit, de sécurité et de conflits armés, ainsi qu'à de graves problèmes de développement économique et social. Par Sahel, il faut entendre une région couvrant la Mauritanie, le Mali, le Niger et les régions concernées du Burkina Faso et du Tchad.
Le Parlement rappelle le rôle important joué par l'Union européenne, en tant que plus grand donateur d'aide au monde, pour relever les défis du développement auxquels est confrontée la région du Sahel et insiste sur l'importance d'impliquer les autres acteurs internationaux dans les efforts visant à éliminer la pauvreté et la faim, à promouvoir l'égalité des sexes et à réduire les taux de mortalité infantile.
Les droits de l'homme dans les situations de conflit armé : le Parlement note lurgence à régler les graves violations des droits de lhomme au Mali et appelle l'Union européenne et les pays du Sahel à appliquer pleinement les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, notamment la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité, qui demande que les femmes participent à tous les aspects et à tous les niveaux de la résolution des conflits et la résolution 1820 sur les violences sexuelles dans les situations de conflit et post-conflit. Le Parlement affirme que l'Union européenne doit traiter ces situations comme des problèmes fondamentaux. Il sinsurge notamment contre les actes de violence brutale dont certains sont perpétrés contre des enfants au Mali. Il invite tous les États du Sahel à s'engager dans une politique de prévention et de protection pour éviter que les enfants soient enrôlés de force par des groupes armés. Le Parlement estime que ces États devraient être condamnés.
Se félicitant de lopération «Serval» menée par la France et du rôle joué par la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), le Parlement appelle à un renforcement de laide à destination de ce pays. Il estime quil est également essentiel, pour instaurer une paix et une stabilité durables au Mali, de lutter contre l'impunité, en offrant des recours aux victimes et en poursuivant tous les auteurs de graves violations des droits de l'homme.
Le Parlement déplore également les importants déplacements de population issus des conflits armés et du sort de milliers de réfugiés du Darfour dans l'est du Tchad. Il réclame à cet effet une coordination des politiques en faveur des réfugiés entre l'Union, les États du Sahel, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, l'Union africaine et la CEDEAO, permettant l'accueil des réfugiés et garantissant une sécurité humaine pour les groupes les plus vulnérables. Il encourage les pays d'accueil à collaborer avec les Nations unies et les autres acteurs afin d'améliorer la situation des réfugiés et personnes déplacées pour qu'ils puissent, dans la mesure du possible, rentrer dans leurs régions d'origine.
Responsabilité et réforme des institutions gouvernementales, judiciaires et de sécurité : le Parlement considère que les problèmes de droits de l'homme actuellement constatés dans la région du Sahel ne peuvent être dissociés d'une crise générale de la gouvernance, qui associe la corruption généralisée de la fonction publique, la médiocrité des services de base, l'application insuffisante des droits sociaux et économiques, et les graves problèmes rencontrés pour garantir l'état de droit et assurer un contrôle efficace des frontières.
Il exprime en outre son inquiétude au sujet des "autoroutes du trafic" qui profitent de la porosité des frontières pour traverser l'Afrique d'ouest en est et du sud au nord à partir de la côte d'Afrique de l'Ouest, facilitant le transport d'armes, de drogues, de cigarettes, de pétrole, de médicaments contrefaits et la traite d'êtres humains. Le Parlement appelle dès lors à une stratégie globale de lutte contre la traite, englobant la collecte et l'analyse de données, la poursuite et la condamnation des trafiquants ainsi que des mesures pour la réhabilitation et l'intégration sociale de toutes les victimes.
Le Parlement condamne également la recrudescence des cas d'enlèvement et de prise d'otages dans la région et met en outre en garde contre une montée de l'extrémisme dans les pays du Printemps arabe. Il invite la HR/VP à diriger le processus de coopération avec les gouvernements, institutions et organisations de la société civile de ces pays, de manière à soutenir véritablement les processus de transition démocratique.
Face à lensemble de ces constats, le Parlement estime quil est primordial d'encourager la réforme des institutions responsables des services judiciaires, des services de sécurité et des services de base dans les pays du Sahel afin de favoriser le rétablissement de l'état de droit et créer des conditions plus favorables à la transition démocratique, au respect des droits de l'homme, au développement durable et à la légitimité institutionnelle. Il encourage les gouvernements du Sahel à poursuivre le processus de décentralisation en transférant davantage de pouvoirs et de ressources aux autorités locales, et à renforcer leur capacité, leur légitimité et leur responsabilité. De même, il souligne la nécessité impérative, surtout au Mali, de faire le nécessaire pour que le ministère de la justice dispose des ressources humaines et financières suffisantes et pour que les gouvernements des États du Sahel respectent l'indépendance et l'impartialité de la justice.
Par ailleurs, des mesures sont réclamées pour que les pays du Sahel collaborent avec la Cour pénale internationale, réagissent contre les arrestations arbitraires, et améliorent les conditions de vie des prisonniers.
Libertés civiles et gouvernance démocratique : le Parlement estime qu'il est essentiel de créer des conditions propices à l'organisation d'élections libres, équitables et démocratiques, conformes aux normes internationales. Il salue l'utilisation d'une mission d'observation des élections de l'Union européenne (MOE) lors des élections maliennes et rappelle la nécessité que le SEAE donne une suite adéquate aux recommandations de la MOE.
Le Parlement déplore profondément les restrictions à la liberté d'expression, de réunion et d'association au Sahel. Il demande à ces pays de cesser toute arrestation arbitraire et campagne d'intimidations à l'encontre de la presse et des médias, des défenseurs des droits de l'homme ou des membres de l'opposition.
Développement, aide humanitaire et droits de l'homme : le Parlement réaffirme le lien indissociable entre sécurité humaine et développement dans les pays du Sahel, tel que défini dans la stratégie de l'Union européenne de 2011 pour la sécurité et le développement au Sahel. Il souligne l'importance, pour la réussite durable des politiques de développement, d'une stabilité en matière de sécurité, d'économie, de politique, de respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans cette région.
Il observe en outre la pauvreté extrême et omniprésente dans tout le Sahel, et en particulier au Mali, au Niger, au Tchad et au Burkina Faso, mais aussi en Mauritanie. Il souligne également l'interdépendance du développement, de la démocratie, des droits de l'homme, de la bonne gouvernance et de la sécurité au Sahel et réaffirme son soutien à l'approche basée sur les droits de l'homme et l'appropriation démocratique dans la coopération au développement, en optant pour une mobilisation des forces et des connaissances locales pour réaliser les objectifs de développement sur le terrain.
Il rappelle la nécessité de conditionner l'aide au développement à destination des États à leur respect des droits fondamentaux et réaffirme que l'allocation efficace de fonds au titre de l'aide européenne au développement exige la capacité de l'Union à contrôler efficacement l'utilisation de ces fonds pour s'assurer qu'ils ne sont pas détournés de leur usage initial.
Le Parlement invite par ailleurs l'Union à soutenir toutes les actions entreprises par les États du Sahel, les ONG et la société civile pour améliorer l'accès aux soins surtout pour les populations les plus vulnérables.
Parallèlement, les gouvernements du Sahel sont appelés à s'attaquer aux causes profondes de la crise, avec une stratégie de développement économique durable répondant aux préoccupations politiques, économiques et sociales des citoyens, comme l'accès à la nourriture, à l'éducation, aux soins, à l'emploi, au logement, la redistribution des richesses, des conditions de vie décentes, etc. Le Parlement insiste en particulier sur l'urgence d'accorder une aide humanitaire de l'Union pour la réalisation des OMD, en particulier pour les femmes.
Face à limminence dune nouvelle crise alimentaire dans le Sahel, le Parlement invite aussi la Commission à utiliser de façon optimale les fonds alloués pour la lutte contre la malnutrition (123,5 millions EUR en 2012) pour couvrir les besoins de la population touchée et soutenir le développement des capacités locales. Des mesures sont également réclamées pour renforcer laccès à leau potable, renforcer le principe dune éducation pour tous et améliorer les infrastructures de base.
Situation des femmes, des enfants et des minorités en matière de droits de l'homme : le Parlement condamne l'esclavage qui perdure, souvent par tradition, dans la région du Sahel, et en particulier en Mauritanie, où il affecterait une importante minorité de la population. Il se dit en outre gravement préoccupé par les preuves faisant état de travail d'enfants dans les mines d'or, l'agriculture et la sylviculture maliennes ou encore les cas denlèvement denfants au Tchad. Dune manière générale, le Parlement appelle les États du Sahel à promouvoir l'accès à l'éducation pour tous les enfants, garçons et filles et pour les populations nomades sans discriminations de race, de caste ou d'ethnie.
En ce qui concerne les femmes, le Parlement demande des mesures pour lutter contre les discriminations dont elles sont victimes, notamment les mariages forcés, les mariages d'enfants, l'exploitation sexuelle, le manque d'éducation et la pratique généralisée des mutilations génitales féminines. Il demande en particulier ladoption de lois générales anti-discrimination dans lensemble des pays concernés. Il invite la communauté internationale à consacrer plus de fonds à la promotion des droits et l'autonomisation des femmes dans la région.
Sahara occidental et peuple Touareg: le Parlement réaffirme son soutien aux résolutions des Nations unies sur le Sahara occidental et appelle au plein respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales de la population sahraouie. Il souligne la nécessité de respecter les droits de l'homme au Sahara occidental et dans les camps de Tindouf sans attendre un quelconque règlement politique final et sans exprimer une opinion sur un tel règlement. Il rappelle que le Sahara occidental est la région plus minée du monde ce qui représente un des obstacles majeur à la résolution du conflit. Le Parlement appelle dès lors le Maroc à adhérer au traité sur l'interdiction des mines antipersonnel. Il souligne au passage la nouvelle perspective découlant des réformes politiques et démocratiques entreprises au Maroc et laccueil positif réservé par le gouvernement marocain aux recommandations du Conseil national marocain des droits de lHomme. La Plénière encourage en outre les gouvernements du Maroc et de l'Algérie à développer et à renforcer leur dialogue politique afin d'améliorer les dynamiques régionales et éviter d'accroître les tensions, au bénéfice de toute la communauté internationale.
Le Parlement estime par ailleurs qu'une approche de la situation et du développement du peuple Touareg basée sur les droits et traitant en toute honnêteté les griefs historiques, tout en gardant à l'esprit que les Touaregs vivent dans des zones où sont présents également d'autres groupes ethniques, est essentielle pour obtenir la paix et le développement au Sahel. Dune manière générale, le Parlement considère qu'il convient de permettre à l'ensemble de ces populations de retrouver la coexistence pacifique sur base dun meilleur dialogue les associant au processus décisionnel.
En guise de conclusion, le Parlement fait une série de recommandations politiques de l'Union européenne pour le Sahel. Celles-ci peuvent se résumer comme suit :
- soulager la détresse des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du pays dans toute la région;
- lutter contre les fléaux de l'esclavage, de la traite d'êtres humains et d'autres formes de trafic et de contrebande dans la région;
- améliorer la situation des femmes, des enfants et des minorités;
- assurer l'acheminement efficace et effectif de l'aide, en offrant aux gouvernements un soutien renforcé sur la base du principe "donner plus pour recevoir plus";
- mettre fin à la culture de l'impunité, notamment en soutenant des mesures déjà proposées ou mises en place au Mali et ailleurs;
- protéger les libertés civiles et améliorer la gouvernance démocratique grâce à des processus électoraux inclusifs et à une représentation crédible, ainsi qu'en soutenant la société civile;
- protéger la diversité et le patrimoine culturels.
Il recommande également que l'Union envisage la possibilité de sanctions ciblées, sous la forme de gels d'avoirs, d'interdictions de visa ou d'autres instruments, à l'encontre des principaux auteurs de violations des droits de l'homme, au Mali et dans le reste de la région.