Crise alimentaire, fraudes dans la chaîne alimentaire et lutte contre de telles pratiques

2013/2091(INI)

Le Parlement européen a adopté par 659 voix pour, 24 voix contre et 8 abstentions, une résolution sur la crise alimentaire, la fraude dans la chaîne alimentaire et son contrôle.

Les principes généraux de la législation de l'Union sur les denrées alimentaires consacrés dans le règlement (CE) nº 178/2002 interdisent la commercialisation des denrées alimentaires non sûres, ainsi que les pratiques frauduleuses, la falsification des denrées alimentaires et toute autre pratique pouvant induire le consommateur en erreur.

Le cadre réglementaire de l'Union mis en place pour la sécurité alimentaire et la chaîne alimentaire a offert jusqu'à présent un niveau de sécurité alimentaire élevé pour les consommateurs européens. La législation actuelle reste néanmoins fragile et ne semble pas toujours fiable. Il y a dès lors matière à amélioration sur le terrain.

Le Parlement note parallèlement les récents cas de fraude alimentaire qui ont porté un coup à la confiance placée par les consommateurs dans la chaîne alimentaire, et a nui au secteur agro-alimentaire. Parmi les denrées alimentaires faisant souvent l'objet d'activités frauduleuses figurent l'huile d'olive, le poisson, les produits biologiques, les céréales, le miel, le café, le thé, les épices, le vin, certains jus de fruit, le lait et la viande. Il devient dès lors essentiel de rétablir la confiance des consommateurs dans les produits agro-alimentaires européens, au sein de l'Union et au-delà de ses frontières. Le Parlement évoque à cet égard la fraude à très grande échelle relative aux produits préparés à base de viande de cheval qui apparaît comme symptomatique d'un système d'approvisionnement mondialisé incontrôlable.

Fraudes alimentaires: champ d'application et définitions : le Parlement regrette que la lutte contre la fraude alimentaire soit un point relativement nouveau à l'ordre du jour de l'Union européenne, et qu'elle n'ait jamais été au préalable une priorité sur le plan législatif et répressif au niveau européen et national. Il demande dès lors à la Commission d'accorder à ce domaine toute l'attention qu'il requiert et d'envisager toutes les dispositions nécessaires afin que la prévention et la lutte contre la fraude alimentaire soient une composante à part entière de la politique de l'UE.

Il appelle la Commission et les États membres à collecter systématiquement des données sur les cas de fraude.

Parallèlement, le Parlement constate que le droit européen ne comporte actuellement pas de définition de la fraude alimentaire et que les États membres observent des méthodologies différentes lorsqu'il s'agit de définir ce concept. Il appelle dès lors à une définition harmonisée à l'échelon européen.

Soulignant la complexité et le caractère transfrontalier de la chaîne alimentaire, le Parlement indique qu’une meilleure traçabilité des ingrédients et des produits tout au long de la chaîne alimentaire permettrait de lutter contre la fraude. Il appelle également à une plus grande attention aux contrôles relatifs aux produits importés à partir de pays tiers et à leur conformité avec les normes de l'Union européenne.

Enseignements tirés et recommandations :

- Cadre institutionnel : le Parlement se félicite de la décision de la Commission de créer une équipe de lutte contre la fraude alimentaire et reconnaît les efforts déployés par Europol pour combattre la fraude alimentaire. Il invite la Commission à envisager la création d'un laboratoire de référence de l'Union européenne pour l'authenticité des denrées alimentaires et salue le projet de la Commission destiné à organiser une conférence sur la fraude alimentaire en 2014.

Le Parlement se dit convaincu que les inspections inopinées indépendantes sont essentielles pour garantir l'application effective des normes en matière de sécurité alimentaire et d'étiquetage. Il estime, dès lors, que les inspections inopinées devraient être la norme. Il appelle au passage la Commission à élargir le spectre des audits de l'Office alimentaire et vétérinaire (OAV) en vue d'y inclure la fraude alimentaire et demande à l'autorité budgétaire d’accroître la capacité et les ressources de l'OAV et de l'équipe de lutte contre la fraude alimentaire de la Commission.

Le Parlement note par ailleurs que les États membres rencontrent souvent des difficultés pour poursuivre en justice les exploitants du secteur alimentaire se livrant à des activités frauduleuses et évoluant dans un cadre européen transfrontalier, en raison de conflits de compétence. Il déplore en conséquence le fait que les États membres ne coopèrent pas systématiquement avec Europol dans les dossiers transfrontaliers de fraude alimentaire, mais travaillent de manière bilatérale.

- Cadre législatif : le Parlement estime que les contrôles officiels devraient se concentrer non seulement sur les questions de sécurité alimentaire mais également sur la prévention de la fraude et du risque que les consommateurs soient induits en erreur. Il se félicite que la proposition de la Commission de réexaminer les contrôles officiels intègre des contrôles supplémentaires concernant la fraude alimentaire lorsque les autorités compétentes ont des raisons de soupçonner un exploitant de comportement frauduleux. Il rejette par ailleurs tout projet visant à déléguer aux opérateurs économiques les activités d'enquête qui incombent aux autorités publiques. De même, il considère que tous les opérateurs commerciaux qui traitent, négocient ou stockent des matières premières, des ingrédients alimentaires ou des produits alimentaires intervenant dans la chaîne alimentaire humaine, y compris les négociants et les propriétaires d'entrepôts frigorifiques, devraient être enregistrés comme exploitants du secteur alimentaire et faire l'objet de contrôles.

Parallèlement, le Parlement appelle à une sensibilisation accrue et à un meilleur contrôle concernant l'étiquetage des denrées alimentaires congelées, et ce entre entreprises, d'une part, et entre entreprises et consommateurs, d'autre part. Dans le même ordre d’idées, le Parlement demande à la Commission de présenter une proposition pour un étiquetage obligatoire de la viande et du poisson, qui spécifierait si les produits ont été congelés, à combien de reprises et pendant combien de temps.

Le Parlement indique que la mention, dans l'étiquetage, du pays d'origine permettrait aussi de garantir une meilleure traçabilité tout au long de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, de façon à rétablir la confiance du consommateur. Il estime en outre que les exploitants du secteur alimentaire devraient être capables d'indiquer l'origine des denrées alimentaires ou des ingrédients qu'ils utilisent, ce qui signifie que chaque exploitant du secteur alimentaire dans la chaîne de production devrait assumer sa part de responsabilités pour le produit final. Le Parlement rappelle, à cet égard, qu’il a précédemment demandé que l'étiquetage de l'origine soit appliqué à la viande et aux produits transformés à base de viande, et que la Commission est actuellement en train d'élaborer un rapport sur l'étiquetage d'origine obligatoire pour la viande utilisée comme ingrédient. Il prie la Commission de présenter rapidement son rapport et de poursuivre avec des propositions législatives visant à rendre obligatoire l'indication d'origine des produits transformés à base de viande, tout en tenant compte de ses analyses d'impact et en évitant des coûts et des charges administratives excessives.

Le Parlement souligne également la nécessité de l'introduction de systèmes de certification électronique dans la chaîne alimentaire, susceptibles de réduire la probabilité de fraude découlant de certificats papier. Il appelle en outre à la mise en place d’un registre européen centralisé des passeports d'équidés afin d'empêcher la délivrance frauduleuse de passeports en double.

Il s'inquiète en outre de l'absence de cadre législatif européen concernant la viande issue d'animaux clonés.

- Responsabilité des entreprises : le Parlement appelle la Commission et les États membres à envisager d'imposer aux exploitants du secteur alimentaire l'obligation légale d'informer les autorités compétentes des cas de fraude alimentaire qui se produisent. Il se dit convaincu que le secteur de la distribution a une responsabilité spéciale en la matière pour garantir l'intégrité des produits alimentaires et exiger de ses fournisseurs une chaîne d'approvisionnement sûre.

Il constate qu'actuellement, les exploitants du secteur alimentaire ne savent pas toujours d'où proviennent les ingrédients qu'ils utilisent. Dans ce contexte, les chaînes d'approvisionnement courtes (locales et régionales) devraient garantir une plus grande transparence et pourraient remplacer les chaînes d'approvisionnement longues et compliquées qui ont joué un rôle majeur dans la crise de la fraude alimentaire.

- Application et contrôles : convaincu qu'un changement de mentalité est requis de la part des autorités compétentes pour passer d'une approche administrative et vétérinaire à une approche policière, la Commission et les États membres sont appelés à stimuler davantage les programmes de recherche et de développement aux niveaux européen et national, afin de concevoir et de mettre en œuvre des technologies et des méthodes permettant de détecter la fraude alimentaire, par exemple la technologie des capteurs, l'analyse des données et l'identification des produits, et faire en sorte que les tests soient disponibles sur le marché à court terme.

Le Parlement appelle la Commission à mettre en place de toute urgence un système électronique, fondé sur le système d'alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux pour permettre l'échange rapide d'informations entre les États membres et la Commission dans les cas de fraude alimentaire. Il appelle également à la création d'un réseau anti-fraude alimentaire qui renforcerait la coordination entre les différents organes européens (Europol, Eurojust, OAV) pour mieux prévenir et détecter les fraudes alimentaires.

- Sanctions : tout en saluant la proposition de la Commission de renforcer les sanctions en vue de contrebalancer à tout le moins l'estimation de l'avantage économique recherché par la violation de la législation, le Parlement considère que cette démarche n'est pas suffisamment dissuasive. Il estime que les États membres devraient fixer des sanctions en cas de fraude alimentaire équivalant au moins au double de l'estimation de l'avantage économique recherché par l'activité frauduleuse. Il juge même nécessaire, à titre de dissuasion supplémentaire, que les États membres fixent des sanctions encore plus lourdes, et notamment pénales, pour les cas de fraude dans lesquels la santé publique est délibérément mise en danger ou ceux portant sur des produits destinés à des consommateurs vulnérables. Il propose en outre qu'en cas de récidive, l'exploitant du secteur alimentaire se voie retirer son agrément.

Le Parlement regrette que la Commission ne dispose pas d'une vue d'ensemble des différents systèmes de sanctions en cas de fraude alimentaire dans les États membres et du fonctionnement des régimes répressifs. Il demande enfin que l'intégralité de la chaîne soit transparente et accessible aux contrôleurs, à toutes les étapes de la production, du traitement et de la commercialisation à l'échelle européenne, afin que les produits alimentaires frauduleux puissent être rapidement identifiés à toutes les étapes de la production.