Promouvoir le développement par des pratiques responsables dans les affaires, notamment en ce qui concerne le rôle des industries extractives dans les pays en développement

2013/2126(INI)

Le Parlement européen a adopté une résolution sur la promotion du développement par des pratiques responsables dans les affaires, notamment en ce qui concerne le rôle des industries extractives dans les pays en développement.

Le Parlement rappelle que, dans de nombreux pays en développement, l'extraction des ressources naturelles représente une part importante du PIB et, dans de nombreux cas, la majeure partie des recettes en devises et des investissements étrangers. Dans ce contexte, l'Afrique possède des réserves de minerais parmi les plus importantes au monde qui devraient l’aider à éradiquer la pauvreté. Le Parlement évoque cependant la «malédiction des ressources naturelles» à savoir le fait que les pays disposant de ressources naturelles abondantes sont souvent moins prospères que les autres pays et le fait que le contrôle, l'exploitation, le commerce et la taxation des minerais contribuent dans certains cas aux conflits armés.

Extraction minière et développement durable : le Parlement constate que l'extraction minière non durable peut avoir des incidences négatives considérables sur le plan environnemental et social, en particulier en Afrique. Elle peut toutefois être une formidable occasion de favoriser le développement des populations visées et de diversifier les économies locales grâce à la transformation des produits issus des industries extractives.

Il insiste dès lors sur la nécessité d'adopter des approches régionales et internationales pour réduire l'exploitation illégale des ressources naturelles dans un souci de développement durable.

Il met en évidence un certain nombre de principes en vertu desquels il conviendrait de favoriser de l’exploitation des industries extractives par :

  • le renforcement des capacités au sein des gouvernements d'accueil ;
  • le renforcement de l'aide pour le développement de la législation et des politiques fiscales afin d'assurer aux travailleurs et à leurs familles des salaires permettant de subvenir à leurs besoins ;
  • le renforcement du principe d'appropriation de sorte que les communautés locales puissent participer au développement des projets d'exploitation des ressources naturelles ;
  • la préservation des droits et des cultures traditionnelles des populations autochtones ;
  • la mise en place d’un droit de recours pour les victimes d'infractions à la législation sociale ou environnementale par des sociétés multinationales ;
  • la ratification par les pays en développement des conventions internationales pertinentes ;
  • la lutte contre le travail des enfants dans le secteur minier ;
  • l’interdiction de l'exploitation minière dans les parcs nationaux et les sites classés ;
  • la mise en place d’accords en matière de financement de la lutte contre le changement climatique, de transfert technologique et de renforcement des capacités avec les industries extractives ;
  • l’adoption d’une législation européenne forte concernant la publication d'informations non financières par certaines grandes entreprises, et notamment l'obligation pour ces entreprises de faire preuve d'une diligence raisonnable fondée sur les risques.

Le rôle du secteur privé : le Parlement appelle les entreprises européennes présentes à l'étranger à se comporter de manière responsable, en respectant à la lettre toutes leurs obligations juridiques, notamment les règles et les normes internationales relatives aux droits de l'homme, au travail et à l'environnement. Il souligne que les initiatives en matière de RSE ne doivent pas se substituer à la responsabilité des gouvernements de fournir à leurs citoyens des infrastructures de base et d'autres biens publics, mais devraient au contraire compléter cette responsabilité.

Régimes internationaux en matière d'échanges commerciaux et d'investissement : le Parlement invite l'Union à tirer parti des relations qu'elle entretient avec ses grands partenaires (par exemple les États-Unis, la Chine, le Japon, le Brésil et l'Inde) en matière de commerce et d'investissement pour encourager un dialogue relatif à la RSE. Il insiste sur le fait que les accords commerciaux devraient respecter la nécessité, pour les pays en développement, de diversifier leurs économies et de moderniser leurs technologies.

Il prie également l'Union et ses États membres de mettre en œuvre les dix principes du représentant spécial des Nations unies pour la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales qui visent à intégrer la gestion des risques pour les droits de l'homme dans les négociations contractuelles entre États et investisseurs.

Il encourage également les pays africains à poursuivre leur travail d'intégration régionale afin de lever certaines des barrières intra-africaines à une industrialisation fondée sur l'extraction minière.

Il souligne par ailleurs que les taxes à l'exportation sont autorisées par le régime de l'OMC et peuvent s'inscrire dans des stratégies en faveur du développement des industries manufacturières ou de transformation nationales.

Tirer profit des revenus : le Parlement prie l'Union d'aider les pays en développement à négocier des accords d'investissement garantissant des avantages sociaux durables et une amélioration des conditions socio-économiques. Il souligne qu'en poussant les gouvernements des pays en développement à réduire le plus possible les taxes et les redevances qu'ils prélèvent, les entreprises minières affaiblissent les capacités budgétaires de l'État, tandis qu'à l'opposé, l'"escalade tarifaire" pratiquée par l'Union sur les produits finis permet plus difficilement aux pays en développement producteurs de matières premières de transformer et de fabriquer des produits à valeur ajoutée destinés à l'exportation.

Plus généralement, le Parlement appelle l'Union à accroître le soutien qu'elle apporte aux pays en développement pour les aider à mener des réformes fiscales et à renforcer leurs administrations fiscales afin de permettre la perception, la gestion et le partage adéquats des revenus miniers. Il demande également à l'Union d'œuvrer à la mise en place d'accords commerciaux qui renoncent à l'escalade tarifaire sur certains produits finis.

Il souligne que les flux illicites de capitaux en provenance de l'Afrique sont liés au secret qui entoure les contrats d'exploitation minière et leurs régimes fiscaux. Par conséquent, le Parlement estime que la lutte contre l'évasion fiscale et les paradis fiscaux doit rester une priorité essentielle.

Le Parlement s'inquiète également de la façon dont des concessions peuvent être accordées aux entreprises minières et des problèmes que cette approche peut causer, comme l'expropriation, l'affaiblissement des moyens de subsistance des habitants et les problèmes en matière de droits d'usage et de droits fonciers. Il exhorte les autorités à délimiter des "zones interdites" aux concessions dans les régions protégées par la loi d'un point de vue environnemental.

Les autorités responsables sont en outre appelées à :

  • faire en sorte que les permis d'extraction minière et autres actifs soient vendus ou octroyés selon des procédures d'appel d'offres ouvertes et transparentes ;
  • enquêter sur les allégations de corruption dans le secteur minier.

Rompre le lien entre les conflits armés et l'exploitation des minerais : le Parlement constate que l'exploitation de ressources naturelles de grande valeur, notamment du pétrole, du gaz, des minerais et du bois, est une source de conflits majeure dans le monde. Il reprend à son compte l'analyse de la Vision minière pour l'Afrique, selon laquelle il est essentiel, pour combattre les effets négatifs de l'extraction minière et empêcher les conflits découlant de l'exploitation minière, que le secteur minier soit responsable, transparent et ouvert sur les plans environnemental et social.

Dans ce contexte, il souligne que, pour que les initiatives actuelles en matière de minerais qui alimentent les conflits parviennent à rompre le lien entre les conflits armés et l'exploitation des minerais, et pour que ces initiatives respectent les normes internationales fixées par l'OCDE, il convient d'adopter une législation européenne destinée à réglementer ces initiatives ainsi que les entreprises actives dans l'Union qui utilisent et négocient les ressources naturelles concernées. Il invite dès lors la Commission à proposer une législation contraignante relative aux minerais qui alimentent les conflits. Cette législation devrait intégrer les grands principes suivants :

  • instaurer une obligation juridiquement contraignante, pour toutes les entreprises en amont actives dans l'Union européenne qui utilisent ou négocient des ressources naturelles provenant de zones de conflit ou à haut risque et toutes les entreprises en aval assurant la première mise en circulation sur le marché européen, de faire preuve de la diligence nécessaire dans la gestion de leur chaîne d'approvisionnement afin d'identifier et d'atténuer les risques de financement des conflits et de violation des droits de l'homme ;
  • se fonder sur les instruments pertinents du droit international ;
  • s'appliquer à tous les segments de la chaîne d'approvisionnement et à toutes les ressources naturelles, sans exception, produites dans n'importe quelle zone de conflit ou à haut risque ;
  • reposer sur une approche basée sur les risques obligeant les entreprises à évaluer les incidences négatives réelles et potentielles de leurs activités et à atténuer les risques recensés ;
  • définir des exigences relatives à l'évaluation des risques d'une entreprise et au cadre de gestion ;
  • inclure un mécanisme de sanctions pour les cas de non-respect des obligations en matière de diligence basée sur les risques dans la chaîne d'approvisionnement ;
  • être comparable aux obligations imposées par la loi Dodd-Frank, de sorte que les entreprises qui respectent leurs obligations européennes en matière d'approvisionnement responsable respectent automatiquement les obligations imposées par la législation américaine. Pour rappel, cette loi adoptée aux USA en 2010, impose aux entreprises, y compris européennes, identifiées par la commission américaine des opérations boursières (Securities and Exchange Commission) un devoir de diligence afin de déterminer si leurs produits contiennent des minerais qui ont permis le financement de groupes armés en République démocratique du Congo.

Il souligne que la législation européenne en matière de diligence raisonnable devrait s'inscrire dans une approche plus large et complémentaire s'attaquant aux causes profondes des conflits et être complétée par des programmes d'aide au développement.

Le Parlement invite enfin : i) les pays en développement à faire respecter leur législation nationale relative au devoir de diligence ; ii) le SEAE à encourager un dialogue avec les grands partenaires de l'Union (par exemple la Chine, le Japon, le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud) ; iii) les États membres à fournir aux entreprises européennes des orientations pour leurs stratégies de réduction des risques lorsqu'elles opèrent dans des zones à haut risque ou de conflit.