Examen à mi-parcours du programme de Stockholm

2013/2024(INI)

Les commissions des affaires juridiques, des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures ainsi que des affaires constitutionnelles ont adopté le rapport d’initiative conjoint de Luigi BERLINGUER (S&D, IT), Juan Fernando LÓPEZ AGUILAR (S&D, ES) et de Carlo CASINI (PPE, IT) sur l'examen à mi-parcours du programme de Stockholm.

I. Le programme de Stockholm et le traité de Lisbonne : rappelant que le traité de Lisbonne et la reconnaissance du caractère juridiquement contraignant de la charte des droits fondamentaux de l'UE avaient permis de renforcer la base constitutionnelle des institutions européennes, les députés estiment qu’il conviendrait que les dérogations et les régimes spéciaux disparaissent. Ils demandent que la Commission et la présidence du Conseil respectent mieux l'obligation qui leur incombe d'informer directement et pleinement le Parlement européen à toutes les étapes de la procédure conduisant à la conclusion d'accords internationaux. Dans ce contexte, ils demandent que la future révision du traité supprime les dérogations à la procédure législative ordinaire.

En ce qui concerne les élections européennes, les députés encouragent l'introduction de procédures plus transparentes pour la nomination de candidats ainsi qu’une meilleure mise en valeur du Parlement dans l'opinion publique. Ils réclament, par conséquent, une réforme de la procédure électorale afin d'améliorer la légitimité et l'efficacité du Parlement en assurant une répartition plus proportionnelle des sièges entre les États, conformément aux principes définis dans les traités.

II. Évaluation du programme de Stockholm et de sa mise en œuvre

Sur la question des droits fondamentaux, les députés demandent que des mesures soient prises de toute urgence pour aborder le "dilemme de Copenhague", qui se veut l'expression d'une situation dans laquelle l'Union demande aux pays candidats de respecter des critères élevés, mais ne dispose pas d'outils correspondants pour les États membres actuels. Ils appellent dès lors à la création d'une "commission de Copenhague" dont l'objectif serait de veiller au respect par tous les États membres des valeurs communes inscrites à l'article 2 du traité UE. Plusieurs autres thématiques ont été évoquées telles que : i) le manque de progrès dans la mise en œuvre des stratégies nationales d'intégration des Roms, ii) la nécessité d’adopter rapidement la proposition de directive antidiscrimination, iii) la transposition dans les temps de la directive 2011/99/UE relative à la décision de protection européenne et de la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains, iv) le renforcement de l’équilibre entre sécurité et protection des données personnelles, en réclamant des mesures face à une opération de surveillance menaçant la sécurité intérieure de l'Union, v) la mise en place d’un processus de responsabilisation destiné à renforcer la capacité de l'Union et des États membres à prévenir les violations des droits de l'homme commises à l'échelle européenne, notamment dans le cadre des allégations de transport et de détention illégale de prisonniers par la CIA dans des pays européens, vi) l'adhésion de l'Union à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH).

En matière de coopération judiciaire en matières civile et pénale, les députés constatent que seuls trois actes législatifs prévus dans le cadre du programme de Stockholm ont été adoptés jusqu'à présent (refonte du règlement "Bruxelles I", règlement relatif aux successions et le règlement Rome III, dont seul le tiers des dispositions est applicable aujourd'hui). Pour les députés, la reconnaissance mutuelle requiert la confiance mutuelle des citoyens et des professionnels du droit dans leurs institutions juridiques respectives. Ils soulignent la nécessité de normes communes et une bonne compréhension des autres systèmes juridiques des États membres pour renforcer la reconnaissance et la confiance mutuelles, sans pour autant mettre à mal la valeur des traditions juridiques nationales. Ils appellent la Commission, suite aux demandes répétées du Parlement, à présenter une proposition de règlement sur la reconnaissance mutuelle des effets des actes d'état civil dans l'Union européenne – fondée sur une approche globale –, afin de supprimer les obstacles juridiques et administratifs discriminatoires pour les citoyens et leurs familles qui souhaitent exercer leur droit à la liberté de circulation. Ils réitèrent en outre leur appel en faveur de l'adoption d'un code européen de droit privé international.

Des améliorations sont encore réclamées dans le domaine des droits procéduraux des suspects et des accusés dans le cadre des procédures pénales, ainsi qu’une meilleure mise en œuvre du mandat d'arrêt européen. Au passage, les députés se félicitent de la proposition de règlement du Conseil sur la création d'un Parquet européen et du renforcement d’Eurojust.

En matière de sécurité intérieure (SSI), les députés constatent les progrès accomplis dans l'UE pour lutter contre la grande criminalité internationale organisée. Ils soulignent toutefois que des progrès supplémentaires s'imposent dans la lutte contre le terrorisme (radicalisation des groupes) et rappellent que le Parlement est désormais un acteur à part entière dans le domaine des politiques de sécurité. Il a donc le droit de participer activement à la définition des caractéristiques et des priorités de la SSI et doit jouer un rôle déterminant dans l'évaluation et la définition de ces politiques, et en assurer le contrôle.

Constatant que le "paysage" actuel des différents instruments, canaux et outils dédiés à l'échange d'informations en matière répressive est complexe et fragmenté et qu'il conduit à une utilisation inefficace des instruments disponibles, les députés invitent à optimiser l'échange de données à des fins policières au sein de l'UE. Ils rejettent en même temps toute tentative de surveillance préventive en l'absence de soupçons initiaux. Ils invitent également la Commission à abroger la directive sur la conservation des données.

Sur la question des frontières et des visas, les députés rejettent toute tentative, non conforme à l'acquis, visant à limiter la libre circulation des personnes. Ils reconnaissent que l'espace Schengen est unique en son genre et qu'une réflexion à long terme s’impose maintenant sur son évolution future. Ils considèrent à cet égard que les frontières extérieures de l'espace Schengen devraient être contrôlées à l'avenir avec l'aide de garde-frontières européens ayant suivi une formation ad hoc. Les députés demandent par ailleurs que l’on s’accorde sur de nouvelles règles de surveillance des frontières maritimes tout en respectant le principe de non-refoulement.

Ils se rallient à la position du Conseil européen qui appelle au renforcement du rôle de FRONTEX en vue d'améliorer sa capacité à faire face plus efficacement à l'évolution des flux migratoires. Ils invitent en outre la Commission à poursuivre l'amélioration des actuels accords de simplification des visas entre l'Union européenne et ses voisins de l'Est.

En matière d’asile et de migration, les députés appellent à plus de transparence, en obligeant chaque État membre à présenter chaque année un rapport sur les progrès réalisés pour chaque groupe minoritaire en ce qui concerne l'intégration sur le marché de l'emploi et les effets de la politique d'égalité. Ils demandent notamment un "rapport de tendance annuel", présentant la situation des nouveaux arrivants, des résidents de longue durée, des migrants naturalisés et des enfants des migrants, afin de mesurer les avancées réalisées dans les politiques d'inclusion sociale au fil du temps. Les députés regrettent au passage la pratique persistante consistant à retenir les migrants dans des centres de rétention. Ils estiment que, dans le contexte du système de Dublin, la possibilité de suspendre les renvois vers les États membres en proie à des difficultés considérables doit être envisagée à l'avenir. Ils s’inquiètent également du sort des ressortissants de pays tiers et des apatrides réadmis dans le cadre des accords de réadmission de l'Union.

Sur la stratégie relative à la dimension externe de l'espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ), les députés rappellent que l'Union et les États membres devraient continuer à intégrer l'immigration dans la coopération au développement. Ils se prononcent pour une politique de retour volontaire. Ils réclament par ailleurs une approche fondée sur les droits de l'homme à l'égard des politiques de l'Union en matière de migration et de gestion des frontières, et rappellent aux États membres l'application extraterritoriale de la Convention européenne des droits de l'homme.

Méthodes, outils et procédures : les députés proposent de procéder systématiquement à une évaluation ex post objective et indépendante de la législation et de sa mise en œuvre, qui permettrait d'évaluer s'il est encore nécessaire de légiférer dans ce domaine. Rappelant l’importance des évaluations d’impact dans ce contexte, les députés soulignent l’importance du "tableau de bord de la justice dans l'UE". Ils mettent en évidence la nécessité de renforcer la culture judiciaire européenne et insistent sur la formation pour toutes les professions juridiques dans ce domaine.

III. Prochaines étapes : les députés évoquent enfin la mise en place d'une programmation adéquate dans les matières de Stockholm, dans l'esprit du traité de Lisbonne, conjointement par le Parlement, le Conseil et la Commission et précisent que la programmation pluriannuelle devrait se fonder sur un accord interinstitutionnel, comme prévu à l'article 17, paragraphe 1, du traité UE. Ils attendent donc de la Commission qu'elle présente une proposition sur cette base.