Arabie saoudite, ses relations avec l'Union et son rôle au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

2013/2147(INI)

Le Parlement européen a adopté par 546 voix pour, 32 voix contre et 17 abstentions, une résolution sur l'Arabie saoudite, ses relations avec l'Union et son rôle au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Le Parlement européen rappelle que le Royaume d'Arabie saoudite (RAS) est un acteur influent au Moyen-Orient et dans le monde musulman dans le domaine politique, économique et religieux, ainsi que le premier producteur de pétrole au monde et l'un des fondateurs et membres éminents du Conseil de coopération du Golfe et du G20. C’est également un partenaire commercial important de l'Union européenne. Néanmoins, le contexte politique et stratégique en mutation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord exige un réexamen des relations entre l'Union et le RAS. Le Parlement évoque en particulier la nécessité d’assurer, pour le RAS, une réelle liberté de culte, notamment en ce qui concerne la pratique en public et les minorités religieuses, conforme au rôle qui est le sien en tant que gardien des deux saintes mosquées de l'Islam de la Mecque et de Médine.

Reconnaissant l'interdépendance qui lie l'Union européenne et l'Arabie saoudite quant à la stabilité régionale, aux relations avec le monde musulman, au devenir du printemps arabe dans les pays en transition, au processus de paix israélo-palestinien, à la guerre en Syrie ainsi que sur toute une série d’autres domaines, le Parlement évoque tout à la fois l'environnement géopolitique de l’Arabie saoudite et les enjeux sécuritaires en place ainsi que l'intérêt de l'Union pour une évolution pacifique et ordonnée dans la région. Le Parlement souligne en particulier le lancement d'un processus de réforme politique dans le Royaume et son impact en tant que facteurs essentiels de paix, de stabilité et de développement dans la région.

Sur ces bases, le Parlement demande aux autorités saoudiennes de :

  • permettre à leur association nationale de défense des droits de l'homme de fonctionner de façon indépendante et de respecter les normes des Nations unies s'appliquant aux institutions nationales de défense des droits de l'homme (principes de Paris) ;
  • respecter leurs engagements à l'égard de plusieurs instruments de défense des droits de l'homme, y compris la charte arabe des droits de l'homme, la convention relative aux droits de l'enfant, la convention contre la torture, et la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard les femmes ;
  • signer et ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) ;
  • améliorer leur système de justice pénale fondé sur la charia, afin de satisfaire aux normes internationales régissant les procédures d'arrestation et de détention, le déroulement des procès, ainsi que les droits de détenus ;
  • libérer les prisonniers d'opinion, mettre un terme au harcèlement judiciaire et extrajudiciaire des défenseurs des droits de l'homme et accélérer la mise en œuvre de la nouvelle législation sur les ONG, qui garantit leur enregistrement, leur liberté d'action et leur capacité d'agir dans la légalité ;
  • réformer leur système judiciaire afin d'éliminer toute forme de châtiments corporels ainsi que la peine de mort ;
  • veiller à ce que toutes les allégations de torture et autres mauvais traitements fassent l'objet d'enquêtes minutieuses et impartiales, à ce que tous les auteurs présumés soient poursuivis et à ce que toute déclaration susceptible d'avoir été soutirée sous la torture ne soit pas utilisée comme preuve dans le cadre de procédures pénales ;
  • abolir le système de tutelle masculine ;
  • cesser de pratiquer les exécutions publiques, sachant que le RAS est le seul pays au monde où cette pratique existe encore (amputations, administration du fouet) et qu’il s’agit là d’une violation flagrante de plusieurs instruments internationaux de protection des droits de l'homme ;
  • lever toute restriction pesant sur les femmes en ce qui concerne les droits humains, la liberté de circulation, la santé, l'éducation, le mariage, les possibilités d'emploi, la personnalité juridique et leur représentation dans les actions en justice,
  • éliminer toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans le droit de la famille et dans les sphères publique et privée, afin de promouvoir la participation des femmes à la vie économique, sociale, culturelle, civique et politique ;
  • faire cesser la pression exercée sur ceux qui militent pour le droit des femmes de conduire ;
  • réexaminer et réformer le système d'éducation des femmes afin d'accroître leur participation à l'économie ;
  • mettre un terme aux récentes attaques violentes contre des travailleurs migrants et libérer les milliers d'entre eux qui ont été arrêtés et sont maintenus dans des centres de fortune, souvent sans abri décent ou soins médicaux (selon les informations disponibles).

La résolution invite également les institutions de l'Union européenne à accroître leur présence dans la région et à renforcer les relations de travail avec le RAS, en augmentant les moyens accordés à la délégation à Riyad et en programmant des visites régulières dans le pays, notamment de la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Financement et soutien du terrorisme : le Parlement craint que certains citoyens et organisations du RAS apportent un soutien financier et politique à certains groupes religieux et politiques, notamment en Afrique du Nord, au Proche-Orient, en Asie, et en particulier dans le sud de l'Asie (à savoir au Pakistan et en Afghanistan), en Tchétchénie et au Daguestan. Il estime que cela pourrait se traduise par le renforcement des mouvements fondamentalistes et obscurantistes. Il appelle dès lors les autorités saoudiennes à coopérer avec l'Union européenne et à l'échelle internationale pour mettre un terme au soutien apporté par les mouvements salafistes aux opérations dirigées contre l'État malien par des groupes militaires rebelles, qui déstabilisent l'entière région.

La question syrienne : le Parlement souligne que le RAS est un membre clé de la Conférence internationale des amis du peuple syrien. Il invite le Royaume à contribuer à une issue pacifique et inclusive du conflit syrien, notamment en apportant son appui aux pourparlers de Genève II, sans poser de conditions préalables.

Il demande également :

  • un soutien plus actif et l'apport de toute l'aide humanitaire possible aux citoyens syriens touchés par la guerre civile;
  • la fin de l’octroi d'appuis financier, militaire et politique aux groupes extrémistes.

Si le Parlement partage enfin certaines des préoccupations formulées par le RAS sur la question de la Syrie, il prie le gouvernement du Royaume de s'engager activement et de façon constructive vis-à-vis de la communauté internationale. Il se réjouit tout particulièrement de l'accord conclu entre les États-Unis et la Russie afin de débarrasser la Syrie des armes chimiques, tout en évitant une confrontation militaire.